La politique est faite d’énigmes. C’est un jeu d’échecs. La récente proposition portée par M. Benoît Sambou, visant à «exclure» les potentiels candidats qui ne sont pas exclusivement Sénégalais, mérite une attention particulière. L’homme qui porte cette démarche assassine pour notre démocratie est vraisemblablement le fusible d’une compromission qui dépasse sa personne.
Il serait fort appréciable que ceux qui aspirent à diriger le Sénégal soient exclusivement Sénégalais. Cette exclusivité, quoique n’étant pas une fin en soi, serait la promesse d’une ferme croyance en notre Nation. Cependant, il est manifeste que les motivations des porteurs du projet sont à mille lieues de ces considérations patriotiques.
Imposer aux détenteurs de plus d’une nationalité de renoncer aux autres, cinq années avant l’élection présidentielle, alors que le peuple sénégalais est appelé à se prononcer dans trois ans, c’est une manière déloyale d’écarter des Sénégalais. Il serait mieux indiqué d’aligner ce délai aux directives de la Cedeao qui interdisent toute modification du code électoral dans le dernier semestre précédant les élections. Cette vilenie que l’on cachera sous le caractère supposé impersonnel de la loi sera l’une des plus grandes forfaitures du régime à moins qu’un avenant ne prenne particulièrement en compte la prochaine élection présidentielle.
Une première lecture pourrait supposer une subtile manière de se défaire du candidat libéral, Karim Wade, et de l’encombrant Abdoul Mbaye qui a fait Act de rébellion. Deux candidats qui ne seraient pas exclusivement Sénégalais.
Une deuxième lecture intégrant le rapprochement entre le président Macky Sall et le Pds (une frange du Pds) pourrait révéler un coup ingénieux. Probablement d’un géologue !
En écartant Karim Wade de la présidentielle avec l’argument de la double nationalité, le patron de l’Apr donne à ce dernier un argument légitimement taillé qu’il servira, sans difficulté, aux militants et souteneurs pour justifier son «incapacité» à challenger son ancien bourreau en 2019. Ne faites surtout pas le lien avec les accusations du leader de Rewmi qui parlait de deal.
Un tel écartement renforcera sans doute la posture de victime que le candidat Karim incarnera davantage pour toucher la sensibilité sénégalaise, si prompte à soutenir les persécutés, lorsqu’il sera candidat à la succession du Président Macky Sall.
Cette frange du Pds, nostalgique des délices du pouvoir, ne perdrait rien à amuser le peuple par une «vraie fausse opposition», notamment aux législatives. D’ailleurs, la livraison du journal L’Obs de ce vendredi fait état d’une probable rencontre entre le président Sall et son prédécesseur.
Il faudrait également se demander la part de responsabilité de Karim dans ce schéma. Est-il vraiment un joueur à part entière ou la marionnette de joueurs beaucoup plus nantis?
En attendant, il est clair que Benoît se noie s’il pense que les Sénégalais resteront dans les habits de spectateurs que le régime essaie de leur tailler. Souvenez-vous ! 2011, c’était hier.
Mouhamadou Lamine Bara LO
Coordonnateur Convergence du Baol
laminebara.lo@gmail.com