Le plus important, je crois, c’est d’avoir amené le peuple à avoir confiance en lui-même, à comprendre que, finalement, il peut s’asseoir et écrire son développement ; il peut s’asseoir et écrire son bonheur ; il peut dire ce qu’il désire. Et en même temps, sentir quel est le prix à payer pour ce bonheur. Thomas Sankara
Il y a près de 20 ans, par le truchement d’un décret du 19 Juillet 1997, France Télécom marquait son entrée dans le capital de la SONATEL comme actionnaire principal. Officiellement, l’objectif était en tant que partenaire stratégique, dans un premier temps d’aider la SONATEL à gagner des parts de marché dans la sous-région, et par la suite exporter l’expertise locale. Mais depuis lors, après avoir mis à mort tout un segment de l’économie locale qui profitait du développement des télécoms (disparition des télécentres avec 35 000 emplois perdus, faillite de 14 fournisseurs d’accès internet avec des centaines d’emplois perdus), France Télécom s’est attelé systématiquement à un pillage des maigres ressources du peuple Sénégalais à travers la SONATEL.
De 2013 à 2015, France Télécom a reçu de la SONATEL 271 milliards en dividendes, sans compter l’ensemble des transferts internes liés au paiement des prestations de services et autres frais de gestions facturés par France Télécom, paiement de taxes d’utilisation de la marque Orange plus de 1% du chiffre d’affaire (plus de 25 milliards encaissés en 3 ans), ainsi que les 20% de la croissance du résultat d’activités qui sont prélevés sur le bénéfice avant même la rétribution des actionnaires.
A cet accaparement des richesses de la SONATEL, il faut ajouter celui de son réseau par le détournement de trafic, le contrôle total de la stratégie de la SONATEL ainsi des produits, services et applications sont imposés par France Télécom, la nomination de Français à tous les postes clés du groupe, le blocage systématique de la croissance externe de SONATEL et enfin le projet d’externalisation en cours pour démanteler le groupe SONATEL.
Voilà une société construite et développée à 100% par des cadres et agents Sénégalais avec des filiales au Mali, en Guinée et en Guinée Bissau, pillée depuis près de 20 ans par France Télécom, à qui le gouvernement du Sénégal vient de prolonger la concession pour encore 17 longues années pour la modique somme de 68 milliards de FCFA. Cerise sur le gâteau : le gouvernement lui octroie ensuite des fréquences 4G à vil prix : 32 milliards de FCFA. Cette convention a consacré le bradage de la SONATEL.
Le démarrage de la commercialisation de la 4G par SONATEL/Orange en ce mois de Juillet 2016 est la confirmation que le décret portant approbation de la concession et du nouveau cahier des charges de l’opérateur a été signé. Aucune publication ! Tout a été fait en catimini, dans le plus grand secret par le gouvernement et France Télécoms. Cela dénote de l’opacité du dossier de prolongation de la concession et de l’extension au réseau 4G. S’il est acquis que « nul n’est censé ignorer la loi », cela suppose en amont que les formalités de publication soient faites, et en toute transparence. Tel n’est pas le cas dans cette affaire avec le gouvernement, incapable de travailler dans la transparence pour préserver les intérêts nationaux. Le seul et l’éternel perdant est le Peuple Sénégalais.
De par l’incompétence notoire et d’une manque de vision criarde de nos autorités, le Sénégal vient d’être dépossédé pour 17 ans d’un instrument de politique économique, sociale et culturelle, susceptible de jouer un rôle-clé dans sa stratégie de développement. Ces mêmes dirigeants qui ne cessent de nous bassiner avec le Sénégal << émergent >>, un mot galvaudé à outrance, viennent encore une fois de nous démontrer que le patriotisme est loin de leur idéologie politique. Ainsi France Télécom continue de faire de la SONATEL sa vache laitière et du Peuple Sénégalais son pigeon avec la complicité du gouvernement.
Elle se frotte déjà les mains et s’est empressée de commercialiser dès ce mois de juillet 2016 la 4G alors qu’Il n’y a aucune mesure d’accompagnement prévue, ni par les autorités encore moins des opérateurs pour les utilisateurs.
Les sénégalais n’ont pas encore en majorité des téléphones portables compatibles 4G. La puce 4G, qui pouvait être donnée gratuitement, est vendue à 1000 FCFA par Orange. Par rapport au niveau de vie, les tarifs 4G d’Orange sont exorbitants, 10 000 FCFA pour 5Go de données mobiles, qui s’épuisent beaucoup plus rapidement qu’en mode 3G. Orange, tout en n’offrant pas une 3G de qualité aux Sénégalais, leur propose le réseau 4G. Nous ne nous faisons aucune illusion quant à la qualité déclarée. En réalité, c’est un leurre car Orange n’offrira jamais le débit théorique de 150 Mbps. Une 3G de qualité (42 Mbps) permet de faire tout ce que la 4G offre et les Sénégalais ne l’ont jamais obtenue d’Orange. Seules 3 villes du Sénégal (Dakar, plus exactement son centre-ville, Saly et Touba) sont couvertes par le réseau 4G d’Orange. C’est dire l’utilisation limitée du service.
Tout citoyen épris de justice et de bonne gouvernance devrait se poser les bonnes questions en ce qui concerne l’intérêt commun de la Nation. Accepterons-nous de continuer à être considérés comme des vaches à lait, qui ne réagissent jamais à temps et qui excellent dans la lamentation, ou déciderons-nous de nous lever pour mener ensemble ce noble combat ?
La privatisation et la libéralisation du secteur des télécommunications étaient présentées par le gouvernement de l’époque en 1997 (Habib Thiam, Premier Ministre, Mamadou Lamine Loum, Ministre de l’économie des Finances), comme le gage d’une plus grande efficacité économique et la condition sine qua non d’une entrée réussie du Sénégal dans la société de l’information. Et les objectifs recherchés étaient : la modernisation des infrastructures, l’accroissement de la couverture réseau, la réalisation du service universel, l’amélioration de la qualité de service, la diversification de l’offre de services, et enfin la baisse des prix. Objectifs dont l’atteinte était présentée comme difficile voire impossible par un opérateur public.
A l’heure de l’évaluation, le bilan est implacable : la réforme du secteur des télécommunications au Sénégal n’a pas atteint les objectifs recherchés. Tous ces effets n’ont certes pas été négatifs mais le développement du secteur des télécommunications a plus profité à quelques minorités (France télécom, Etat du Sénégal, actionnaires privés, équipementiers étrangers, etc.) qu’au Peuple Sénégalais pour qui les opportunités offertes par la Société de l’information restent toujours inaccessibles. La SONATEL est devenue aujourd’hui un mastodonte qui écrase tout sur son passage et qui non seulement ne donne pas aux Sénégalais des services de qualité, accessibles à des prix abordables mais pire encore elle plombe le développement de toutes les entreprises sénégalaises dont les activités dépendent des TICS.
Pour toutes ces raisons, quelques compatriotes consciencieux, déterminés parce que armés de la foi patriotique se sont retrouvés autour de l’ASUTIC (L’Association Sénégalaise des Utilisateurs des Technologies de l’Information et de la Communication), pour défendre crânement les intérêts du peuple. Ces femmes et ces hommes engagés dans ce combat inégal, ont besoin du soutien de ces millions de victimes Sénégalaises comme eux, et appellent à une coalition la plus large possible de la société civile, pour la sauvegarde des intérêts nationaux. Ils estiment à juste titre que la commercialisation de la 4G par Orange lui offre une autre occasion en or de continuer à arnaquer le peuple Sénégalais.
Gageons que les autorités prennent enfin conscience des enjeux véritables et des conditions de réussite de la mise en œuvre de la 4G et veillent pour une fois aux intérêts du Peuple sénégalais. Mais hélas !!!
Bocar GUEYE
En collaboration avec Mr Ndiaga GUEYE, président de L’Association Sénégalaise des Utilisateurs des Technologies de l’Information et de la Communication (ASUTIC)