Je dois avouer que depuis les « révélations » de Monsieur Ousmane Sonko, Inspecteur des impôts et domaines, j’ai nourri une grande sympathie pour ce bonhomme peu jovial à la mine aussi sérieuse que celle d’un moine en pleine méditation. Et naïvement, j’ai cru à la bonne foi du lanceur d’alerte
J’ai, en effet, considéré que le plus important c’est ce qu’on dit et moins celui qui le dit.
Toutefois, depuis sa dernière conférence de presse (tenue le vendredi 22 juillet), le doute m’habite quant à ses réelles motivations et sa bonne foi. Toutes choses qui me poussent aujourd’hui à devoir reconsidérer mon appréciation et à ne pas suivre la clameur populaire ou un soutien automatique qu’on accorde souvent à quiconque dénonce ce qu’on peut considérer comme illégal, injuste ou contraire à une gestion saine de la chose publique.
Je fonde mon analyse sur les faits suivants :
- Traitant la nouvelle de la suspension de l’inspecteur Ousmane Sonko, le journaliste Ndiaye DOSS de Sen tv dans l’émission Sen Show nous raconte, lui-même visiblement circonspect : « lorsque j’ai l’appelé pour qu’il se prononce sur une question, Sonko m’a suggéré d’interroger quelqu’un d’autre de son parti politique car lui est désormais connu… » (j’ai essayé traduire fidèlement en français ce que le journaliste a dit en wolof).
Je me suis alors posé la question de savoir : l’inspecteur Sonko ne cherche –t-il que la notoriété ? Si tel est le cas, reconnaissons qu’il a brillamment atteint son objectif.
- Au lendemain de sa conférence de presse (tenue un jour ouvrable pour un fonctionnaire payé par nos impôts), estimant que le groupe GFM a failli pour n’avoir pas couvert cette activité politique, l’inspecteur Sonko balança dans sa page Facebook que le patron de ce groupe de presse est « un délinquant fiscal notoire ».
J’ai aussitôt sursauté pensant à moi-même ; je n’ai donc pas intérêt à « fâcher » monsieur l’inspecteur, sinon ma situation fiscale pourrait se retrouver à la une des journaux ou sur les réseaux sociaux. Pour le moment, je ne m’inquiète pas car je pense être en règle.
Plus sérieusement, j’analyse sa publication sur Facebook comme un avertissement à tous les groupes de presse (dont lui-même dit qu’ils ne sont pas en règle avec le fisc) : quiconque ne couvre pas mes activités politiques subira la même sentence !
- L’inspecteur Sonko a affirmé, après le tollé soulevé par ses « révélations » sur le fait que les députés ne payaient par leur impôt (avant que lui-même ne se ravise pour préciser que c’est moins les députés que l’assemblée nationale ; une confusion peu tolérable pour le spécialiste qu’il est) que l’incivisme fiscal de l’institution parlementaire date déjà de plusieurs législatures. S’il dit vrai, il était donc au courant puisque le document intitulé «Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (DPBEEP) 2016-2018 » qu’il dit être la source de cette « révélation » et que j’ai moi-même, en suivant ses conseils, consulté, n’indique pas à quand remonterait la dette fiscale de l’assemblée nationale évaluée à près de deux milliards sept millions.
S’il en est donc ainsi pourquoi c’est seulement aujourd’hui, après la création de son parti politique qu’il se sent obligé d’en parler ?
J’ai écouté cette semaine à travers les ondes d’une radio un de ses collègues soutenir que, quoiqu’on puisse penser de lui, Sonko a toujours été « courageux », lui qui le premier a été à l’origine d’un syndicat au niveau des impôts et domaines.
Pour donner une preuve de son courage, il ajouta qu’à cette époque Sonko n’hésitait jamais de réclamer publiquement son amitié avec Amadou BA alors directeur général des impôts et domaines. Surprenant quand-même qu’un leader syndical puisse affirmer ou revendiquer publiquement une grande amitié avec le DG auprès de qui les plateformes revendicatives sont déposées.
Tout ceci m’amène à me poser la question suivante : pourquoi le courageux Sonko, ayant toujours eu connaissance des situations qu’il dénonce aujourd’hui, les a toujours tues ? La détérioration de ses rapports (devenues pour le moins exécrables si l’on en juge aux sorties virulentes contre lui) avec son « ami » Amadou BA, devenu Ministre, a-t-elle été le déclencheur de ses révélations ?
- Ce week-end, j’ai lu avec beaucoup d’attention l’ « avis d’inexpert » du respectable journaliste M. Jean Meissa DIOP intitulé : Un bon journaliste est digne de confidences. (Rechercher l’article dans Google.)
Ses développements ont définitivement levé tout doute en moi. Ousmane Sonko n’est pas différent des hommes politiques qu’il combat et son attitude ne devrait pas être cautionnée, lui qui visiblement utilise des informations professionnelles pour servir son ascension politique.
Il aurait été un « lanceur d’alerte » au sens noble du terme s’il avait dénoncé les pratiques décriées à temps ou s’il le faisait sans en attendre une notoriété politique.
N’étant pas fonctionnaire, je ne reviens pas sur la frontière entre obligation de réserve et devoir de dénonciation. Mais si les médecins qui ont eux aussi le droit de faire de la politique se mettaient à publier les bulletins de santé de leurs patients d’autres bords politiques ? Si les diplomates, au nom de leur engagement politique, (donc partisan) se mettaient à révéler des secrets qui desservent leur camp adverse ?
En conclusion, si ce que l’on dit est important, celui qui le dit l’est d’autant plus car il en va du crédit et de la portée de ce qu’il dit.
Dans cette affaire Sonko, c’est plus le politicien qui parle.
Moustapha SARR
Pikine Icotaf