Si je pouvais amener le président de la République M. Macky Sall à renoncer à créer des postes de députés de la diaspora !
«L’histoire des civilisations, c’est aussi l’histoire des migrations. L’Humanité a toujours été en mouvement et c’est la migration qui a façonné le monde que nous connaissons aujourd’hui. Elle a permis aux peuples de bénéficier des expériences venant de différentes nations. Stigmatiser la migration, c’est nier cette histoire riche de l’humanité.» (Marie Chantal Uwitonze, Présidente de l’Ad) La diaspora, c’est quoi ? En grec, diaspora signifie dispersion. Et selon Michel Bruneau, le terme de diaspora sert à désigner toutes sortes de phénomènes résultant de migrations de population dans plusieurs pays, à partir d’un foyer émetteur. Le mot diaspora a été longtemps utilisé pour désigner la dispersion des Juifs dans l’Antiquité, son champ d’application s’est élargi aujourd’hui, comme dans les acceptions des géographes. Par extension, une diaspora est la dispersion d’une communauté ethnique ou d’un peuple à travers le monde. Ce terme désigne également l’ensemble des communautés dispersées d’un même peuple.
Les Sénégalais de la diaspora sont aujourd’hui, estimés, au pifomètre, à 3 millions, repartis dans tous les continents. Le Sénégal reçoit annuellement autour de 700 milliards de F Cfa utilisés à des fins différentes : aide à la famille ou investissements. Par ailleurs, à côté de cette manne financière injectée dans le tissu économique et social, il faut noter l’apport impactant des ressources humaines de la diaspora dans la construction du développement économique, social et culturel de notre pays.
Cependant, cela est-il suffisant-pour créer des postes de députés de la diaspora au Sénégal ? Le Président de la république M. Macky Sall, avait annoncé dans son projet de révision de la constitution «la représentation des Sénégalais de l’Extérieur par des députés à eux dédiés». Pour donner corps à cette intention, l’administration sénégalaise a proposé quatre nouveaux départements de la diaspora (Asie, Europe et Moyen-Orient, Amérique et Océanie). Elle a proposé 10 députés à la diaspora qui serait répartie entre les quatre départements. Ce qui n’est pas sans conséquence sur le nombre de députés, qui va passer de 150 à 160 députés.
Des députés de la diaspora, avons-nous un modèle réussi dans le monde pour nous en inspirer ? Politiquement, l’idée est généreuse. Toutefois, elle va créer beaucoup plus de problèmes qu’elle en résoudra du fait de son contenu potentiellement sectaire, divisant les députés en deux catégories : députés nationaux et députés de la diaspora.
Pour les fervents partisans de l’idée de créer des postes de députés de la diaspora dans la prochaine législature, avoir des représentants de la diaspora à l’Assemblée nationale faciliterait la prise en charge des problèmes des expatriés. Cela signifie-t-il que depuis 1960, leurs problèmes n’ont jamais été pris en charge par les différents régimes qui se sont succédé à la tête de l’Etat ? Ces représentants de la diaspora vont-ils mieux faire que le ministre des Affaires étrangères et le Directeur des Sénégalais de l’extérieur ? Or les grandes problématiques qui touchent les diasporas concernent l’espace économique, les flux transnationaux, les structures religieuses, les comparaisons entre les différents modes d’accueil des pays récepteurs, la notion de territorialité et les grands espaces carrefours.
L’expérience de la Tunisie en matière de création de postes de députés de la diaspora est un cas d’école qui démontre aisément les difficultés vers lesquelles nous nous acheminons en tant que nation. Ce me semble, la diaspora est suffisamment associée dans la mise en œuvre des politiques de développement économique, social et culturel. Sur le plan politique, de quoi la diaspora pourrait-elle se plaindre? Tous les Sénégalais de la diaspora qui jouissent de leurs droits civiques, inscrits régulièrement sur les listes électorales ont le droit de vote et de l’exercer pleinement où qu’ils se trouvent. En plus de cela, ils sont éligibles jusqu’à preuve du contraire à tous les postes de responsabilité en tant que Sénégalais. D’ailleurs, certains d’entre eux, occupent des postes de responsabilités dans l’administration, suivant leur profil.
Que peut-on donner de plus à la belle dame de la diaspora, qu’elle n’a pas dans sa besace ? Si c’est le pouvoir politique c’est-à-dire être député, ceux et celles qui ont l’ambition, devront faire le choix de rester au Sénégal pour être député. Un député national et non un député de la diaspora. Bien qu’ils soient des Sénégalais, nos compatriotes de la diaspora ont fait le choix de partir du Sénégal qui pour étudier, qui à la recherche de meilleures conditions de vie et, qui pour des raisons professionnelles. C’est leur choix. Il faut le respecter. Mais qu’ils ne bousculent pas l’ordre normal des choses. Chaque pays dans le monde a une diaspora, pays développés comme pays pauvres. Leur nombre varie en fonction des pays. Parler de députés de la Cedeao, c’est compréhensible. C’est une union de pays, parties membres à la Cedeao. Mais députés de la diaspora, à quoi ça rime. C’est troublant et atypique.
Le Sénégal est un pays, autrement dit un espace géographique formé d’entités géographiques régionales jusqu’ici cohérentes. La France, une vieille démocratie a-t-elle des députés de la diaspora ? L’Angleterre, une vielle démocratie parlementaire a-t-elle des députés de la diaspora ? Les Etats Unis d’Amérique, grande démocratie inimitable, a-t-elle des députés de la diaspora ?
Si le Président de la République M. Macky Sall ne remet pas en cause son projet, la diaspora aura ses députés. Demain, est ce que cette même diaspora ne va pas lui demander des postes de ministres dans le gouvernement ? Dans tous les cas, ni le nombre (de 3 millions), le poids économique (de 700 milliards fcfa transférés annuellement au Sénégal), ni la volonté de renforcer notre démocratie, ne peuvent justifier la création de postes de députés de la diaspora.
Le Sénégal est une vieille démocratie qui n’a pas le droit de tomber plus bas que la Tunisie, pays en apprentissage de la démocratie. Force est de constater qu’en Tunisie, la création de députés de la diaspora n’a pas marché comme ils s’y attendaient, du fait du règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui contraint les députés de la diaspora à passer trois semaines par mois dans leur pays, comme n’importe quel autre député. Cette disposition a conduit à deux types de problèmes. Le premier problème a résidé dans le fait qu’il est difficile pour le député de la diaspora d’être au contact de ceux qu’il est censé représenter en ne séjournant qu’une semaine sur quatre – à ses frais ! – dans sa circonscription, parfois plus grande que la Tunisie tout entière. Le second problème est lié à cette obligation qui empêche ces élus de poursuivre une activité professionnelle. Pour un chef de service dans un hôpital français qui, pour se conformer au règlement intérieur, devrait en toute logique démissionner. En Algérie, la diaspora avait deux députés. Ils en ont demandé 30 députés (15 hommes et 15 femmes pour 3 millions d’Algériens vivant en France) Demain, que vont-ils réclamer à l’Etat algérien ? Quel type de règlement intérieur le Sénégal mettra-t-il en place pour les députés de la diaspora ?
Ce qui est certain, créer des postes de députés de la diaspora, si c’était politiquement, économiquement, financièrement et démocratiquement avantageux, ne pensez-vous pas que la France, l’Angleterre et les Etats-Unis ne l’auraient pas fait avant la Tunisie et l’Algérie. Certes, l’élève peut dépasser le maître. Ce que souhaite le bon maître. Mais ne perdons pas de vue que nous sommes allés à leur école.
Et partir, c’est mourir un peu.
Baba Gallé DIALLO
bbgd70@yahoo.fr
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