« De l’audace, Encore de l’audace, Toujours de l’audace » (Georges. J. DANTON).
Pour que la gouvernance d’un pays comme le nôtre, corresponde réellement à une volonté effective de transformations positives et productrices d’un développement économique et social réel, global et durable, il est incontournable qu’elle soit orientée d’abord et au moins vers deux directions principalement.
1 – Des actes déterminants et symboliquement forts à poser
Le leadership politique à qui échoit la mission naturelle de diriger, doit se donner, quand cela est opportun ou nécessaire, les moyens de poser des actes radicaux et forts, capables d’avoir symboliquement et le cas échéant, un effet d’entrainement massif sur les différentes composantes de la société, notamment en vue de ruptures de fond souhaitables ou souhaitées dans les mentalités (Imaginaire Collectif) et les comportements au quotidien. Cela est important, car ce sont ces derniers qui détermineront fondamentalement et in fine, le succès ou l’échec à terme des programmes politiques de développement proposés.
Le premier acte fort et symboliquement signifiant qui nous viendrait à l’idée et à titre d’exemple, dans le contexte actuel du Sénégal, serait le transfert de notre capitale politique qu’est Dakar vers l’intérieur du pays. Cette idée a déjà été agitée par Me Abdoulaye Wade, alors Président de la République, mais jusqu’ici elle n’a été suivie d’aucun effet noté. A moins que la plateforme de Diamniadio soit considérée comme tel.
L’idée peut paraître a priori difficile à mettre en œuvre, mais elle n’est ni farfelue ni irréaliste, du moins dans la vision qui est la mienne et qui n’est évidemment pas celle de transférer, sur un coup de tête ou de bluff, la capitale du Sénégal dans les environs de Kébémer.
Pour rappel, deux pays en Afrique, le Nigeria et la Côte d’ivoire ont eu à opérer un tel transfert et l’ont réussi.
Alors, pourquoi pas le Sénégal !
Et pour notre pays, il s’agirait de choisir à cet effet une partie du territoire nationale pouvant accueillir la Présidence, les Ministères, l’Assemblée nationale et les autres Institutions de la République et qui se situeraient à équidistance autant que faire se peut, des capitales régionales, surtout périphériques.
Cela aurait entre autres comme effet un renforcement de l’intégration nationale et le déclenchement d’une dynamique socio-économique nouvelle au centre du pays et à partir du centre du pays. Et cette dynamique contribuerait également et ipso facto, au décongestionnement partiel de Dakar qui pourrait dès lors, devenir plus touristique et plus culturel qu’il ne l’est aujourd’hui.
Et cela surtout si par ailleurs, la décision de transformer l’actuel Palais présidentiel en Grand Musée national de nos Arts, de nos Cultures et de notre Histoire, était retenue.
Ne l’oublions pas, il n’y a pas si longtemps ce Palais était celui du Gouverneur français et c’était là que se définissait la mise en œuvre de la politique coloniale de la France en Afrique de l’Ouest. Pendant que le Building administratif en face, abritait les fonctionnaires sénégalais par rapport au fait colonial et au sens de notre indépendance de l’Administration coloniale.
Quitter ce Palais serait incontestablement aujourd’hui, un acte très fort, qui symboliquement, ne manquerait pas de produire une rupture radicale de plus, dans l’Imaginaire Collectif.
2 – Une Vision de l’Economie nationale résolument fondée sur l’Economie rurale
L’acte symboliquement et politiquement fort du transfert de la capitale posé, pourrait être dès lors, pour le leadership politique, un contexte favorable à la proposition d’une nouvelle vision économique pour le pays et dont le cœur serait durablement, la priorisation déterminée de l’économie rurale. Il ne s’agirait plus à partir de là, de considérer l’Agriculture d’un côté, et de l’autre l’Elevage, l’Hydraulique rurale, la Pêche continentale, la Foresterie, etc. Qui vous a parlé Plan sénégal Emergent (PSE) ou du Programme d’urgence de développement communautaire (PUDC) ? Qui a jamais vu, un pays se développer à partir de milliards importants ? N’en riez surtout pas…
Il devrait logiquement découler d’une telle option, la nécessité de faire l’effort soutenu, d’avoir désormais une approche globale et intégrative de toutes les activités ayant pour champ l’espace rural et de prendre en compte, sérieusement, tout ce qui pourrait permettre à ces activités d’être menées au mieux et de se développer au maximum.
François Perroux ne disait-il pas que « le développement est « la combinaison des changements mentaux et sociaux d’une population qui la rendent apte à faire accroître accumilativement et durablement son produit réel global ? »
Pour que la matérialisation de cette nouvelle vision, où l’Economie rurale deviendrait centrale, puisse être déroulée avec réalisme et efficacité, il sera indispensable :
2.1- d’opérer un découpage rationnel du territoire national en régions ou zones éco-géographiques homogènes et cohérentes, susceptibles d’être mises en valeur, sur la base de leurs potentialités économiques établies par un diagnostic rigoureux ;
2.2- d’opérer également un diagnostic du Foncier et de sa Tenure, pour permettre la mise en place sécurisée d’exploitations agro-économiques familiales modernisées et capables de rentabiliser des équipements mécanisés, adaptés et performants. Et concevoir aussi dès le début, une politique de promotion de la coexistence équilibrée entre exploitations agro-économiques de tailles et d’objectifs différents ;
2.3- d’identifier avec exhaustivité dans chaque zone éco-géographique établie, les métiers en amont et en aval dans les activités dominantes et connexes ou dérivés dans la zone ;
2.4- d’ériger des Centres pour des formations opérationnelles courtes (six mois de théorie et six mois de pratique) aux différents métiers identifiés pour les jeunes intéressés et ayant des niveaux scolaires compris entre le CEP et le BAC, et concevoir en relation avec les institutions compétentes (ISRA, ITA, ENEA, ENCR, Chambres des métiers, Lycées techniques, etc.) des programmes de formations adaptés à l’économie de chaque zone eco-géographique considérée ;
2.5- de contribuer à rendre plus attractif le milieu rural pour les jeunes formés en vue d’une installation durable dans ce milieu, en concevant et en mettant en œuvre des programmes d’habitat (type HLM), dans les différentes zones éco-géographiques. Cet habitat ferait partie intégrante du dispositif d’insertion pour tout jeune, souhaitant créer ou développer son entreprise, dans quelque domaine que ce soit de l’économie rurale, dans la zone éco-géographique de son choix.
3 – Compléments aux points 1 et 2
Ce qui a été développé ci-dessus, est la partie d’une réflexion, qui pour être complète, devra prendre en compte les points qui suivent et qui me semblent tout aussi importants pour réussir la nouvelle politique proposée :
3.1- concevoir et mettre en place les mécanismes du financement de cette nouvelle vision économique, à travers des Réseaux mutualistes à mettre en place avec l’appui du Ministère des Finances et de la BNDE (Banque nationale de Développement économique) ;
3.2- procéder au maillage hydraulique du territoire national, pour rendre l’eau disponible partout où besoin sera, pour la consommation humaine et animale et l’irrigation : utiliser les eaux de surface là où elles peuvent être disponibles ou des forages à créer là où ce n’est pas le cas ;
3.3- étudier la valorisation du produit issu de l’économie rurale, à travers la mise en place de réseaux de transformation et de conditionnement des produits jusqu’à la boutique (le réseau des groupements féminins par exemple) ;
3.4- organiser la commercialisation et la distribution des produits au niveau national et sous-régional, avec un conditionnement de qualité pour la compétitivité (les réseaux UNACOIS et RASEF par exemple) ;
3.5- et globalement, il faudrait tendre vers une meilleure utilisation des ressources humaines déjà partiellement organisées, aussi bien au niveau de la production (CNCR), de la transformation (FGPF) que de la distribution (UNACOIS et RASEF) et même du financement (le réseau des mutuelles d’épargne et de crédit). Ce sont là, des pré-acquis inestimables pour une mobilisation à moindre coût de ressources humaines déjà expérimentées. Et pour un pays, la mobilisation des ressources humaines adéquates reste l’alpha et l’oméga de tout développement économique et social significatif et réussi pour le pays en question ;
3.6- sur le plan institutionnel et au niveau gouvernemental, par souci de cohérence et d’efficacité, un Ministère de l’Economie Rurale devra être mis en place, avec des Directions générales fortes ou des Ministères délégués, qui auront en charge les divers secteurs constitutifs de l’Economie rurale (Hydraulique, Foncier, Intrants, Formations, Relations avec les Organisations socio-professionnelles, etc.) ;
3.7- il reste cependant important de garder à l’esprit, que toute volonté de rupture susceptible de produire des mentalités et des comportements nouveaux, doit s’inscrire dans la durée pour pouvoir donner des effets palpables. Et pour qu’il puisse en être ainsi, il reviendra au leadership politique d’y veiller rigoureusement, de donner l’exemple sans répit, et surtout d’avoir l’ambition d’ancrer ces valeurs dans la Conscience et l’Inconscient collectifs de notre peuple. Et réussir ce pari demandera beaucoup d’abnégation et de courage pour tout leader à quelque niveau qu’il se situe.
En conclusion, et sous réserve de développer ultérieurement le point 3 ci-dessus et ses sous-points, il est important de comprendre que les idées d’action ici présentées n’épuisent évidemment pas, la problématique du Développement du Sénégal. Parce qu’il y’a d’autres secteurs non évoquées et qui sont tout aussi importants. Il va sans dire donc, que pour qu’il y’ait une dynamique pérenne de développement global de notre pays, un travail de bonne mise en cohérence de tous les secteurs productifs de l’Economie nationale, considérée dans sa globalité, s’impose. Et il incombe aux dirigeants de mettre en place les mécanismes idoines pour que les résultats escomptés puissent être obtenus avec toute l’efficience requise.
Par exemple, il serait indiqué par rapport à la politique de l’Economie rurale telle que proposée, que dès le début, la problématique de la petite et moyenne industrialisation soit étudiée, afin de savoir, comment et à quel moment, elle devrait être articulée à l’artisanal et au semi-industriel, pour les booster par la complémentarité, et aller ainsi plus vite, vers l’amélioration de la productivité, de la qualité des produits et de la compétitivité de ces produits, dans une économie locale irrémédiablement ouverte, aujourd’hui, au marché internationale. Et ce serait peut-être là les prémisses d’une Révolution verte à la sénégalaise ! Pourquoi pas ?
El Hadj NGOM alias Lat Déguène THIARE / Haltou Ndangalma
PS : l’installation de la nouvelle capitale, serait une opportunité pour promouvoir dans son périmètre, une Silicon-Valley à la sénégalaise et booster ainsi l’Economie numérique au Sénégal et dans la sous-région.