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Trop Vieux Pour La Relève

Trop Vieux Pour La Relève

Ils sont trop vieux… pour assurer la relève… Ou trop vierges, pour connaître le labyrinthe d’un monde de caïmans où les acteurs (au sens de comédiens) ont appris à cacher leur jeu, préférant, à l’image des Grecs, être superficiels par profondeur. Les premiers, qui sont au cœur de notre réflexion, sont tout aussi responsables du passif de leur leader et responsables dont ils ont intériorisé les défauts, les tares, pour ensuite les ressasser et les reproduire à la moindre occasion. Le ver est malheureusement dans le fruit d’un système verrouillé par des adultes qui en gardent jalousement le code secret.

Dans les formations politiques ou les organisations de la société civile, les jeunes cherchent à se faire parrainer, portent souvent le combat de leurs aînés qui s’inscrivent, hélas, dans une logique de lutte de places. Au sein de ces structures, leur rôle est souvent réduit à répondre aux invectives des adversaires, à servir de boucliers lorsque la police charge la foule de manifestants, ou d’instrument de marketing politique entre les mains d’aînés au cynisme inqualifiable. Dans des pays où les forces de l’ordre utilisent les balles réelles pour contenir les manifestants, les jeunes des partis ou des organisations de la société civile sont utilisés, comme chair à canon.

Tout comme leurs aînés, leur champ de vision se réduit comme une peau de chagrin sous le soleil des désirs futiles. Ils se contentent de postes, de quelques billets de banque, de séjours à l’hôtel… et leur horizon devient ainsi le cimetière de grandes ambitions qui auraient pu transformer le monde. Comme si ces jeunes ont été formatés de manière à tuer en eux ce désir d’aller toujours de l’avant et de faire du monde un construit où les générations montantes retrouveront enfin cette envie de vivre. Ils n’ont jamais cru au libre arbitre, préférant agir sous la dictée d’adultes aveuglés par la quête des honneurs et des privilèges.

Ces jeunes des partis politiques ou des organisations de la société civile, ne doivent jamais perdre de vue qu’ils sont des «privilégiés » par rapport à la grande masse (de jeunes). Celle qui est sacrifiée sur l’autel de l’insouciance d’une élite dirigeante qui a fini de la jeter dans la rue, après avoir confisqué ses rêves et ses espoirs ; l’exposant, du coup, à tous les doutes. Et pour cette grande masse de jeunes, chaque jour qui passe est un jour de trop dans la lutte pour la survie où le désespoir est noyé dans un joint de «marijuana» ou enfoui dans la poudre de cocaïne, ou enveloppé dans un mouchoir imbibé de Guinz.

Le chantier est immense pour une jeunesse politique qui cherche à briser les chaînes d’un système dont l’essence est de se renouveler sans cesse. Ces jeunes désœuvrés, abandonnés à leur sort, dans les épaves de voitures, les décharges, dans les constructions inachevées ou des maisons inhabitées, dans les marchés ou les rues en train de compter les poteaux, parfois bardés de diplômes, doivent être la préoccupation d’une jeunesse politique qui prétend assurer la relève. Cette dernière ne doit perdre de vue que ces «enfants de personne», une expression empruntée à Ma Solo Masiala, (puisque dans l’imaginaire collectif une personne qui ne réussit pas n’appartient à personne) dressés comme des fauves par une société inégalitaire, injuste, ne pourront être que des forces de destruction massive. Cette grande masse de jeunes est le symbole vivant nos «Etats manqués», pour parler comme Noam Chomsky.

Nul besoin donc de dire que cette jeunesse vit dans l’impasse, sans avenir, sans perspectives et sans protection sociale, contrairement aux apparences. Elle pose, plutôt des questions existentielles, lorsque le film du mal-vivre déroule ses gros plans et ses plans serrés sur cet avenir obstrué par l’accroissement du chômage, la précarité, l’exclusion, l’injustice…

A cette jeunesse politique qui ne semble prendre la mesure de ses responsabilités, nous lui disons que le moment est venu de briser les chaînons de l’aliénation «mentale» et d’entonner l’hymne du libre arbitre. Mais le défi de prendre le flambeau suppose un sens élevé du sacrifice, mettant toujours en avant les intérêts des populations. Ce qui nécessite, la hauteur de vue ou d’esprit, car le regard prospectif s’affranchit toujours de l’appât du présent pour ne pas dire du gain facile. Tel l’intellectuel organique d’Antonio Gramsci, debout dans sa tour de contrôle, cette jeunesse politique a le devoir de jouer le rôle d’avant-garde de la société : lutter pour la justice sociale, la transparence dans la gestion des deniers publics, servir de boucliers contre tout corps étranger qui veut saper l’unité nationale…

Elle n’a pas le droit de regarder par la fenêtre au moment où la rue s’enflamme ou s’embrase du fait de la folie des hommes. Elle ne doit pas non plus s’installer confortablement dans l’oasis de l’insouciance(gâtée par des adultes) au moment où le désert de l’impunité, de la corruption, de la mal gouvernance, du crime organisé, du pillage systématique des deniers publics, de l’agression des valeurs, avance inexorablement!

Cette jeunesse doit prendre le pouvoir au sein des partis, en imposant, par la force des idées, des réformes qui prennent en charge les préoccupations de la grande masse des jeunes. C’est de cette manière, à petits pas, qu’on créera les conditions d’une relève crédible.

Bacary Domingo Mané

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