J’aperçois au loin, au delà de la ligne d’horizon, la Tour de l’hôtel du 2 février récemment remis en service par le Groupe Radisson Blu. Plus près, une école a fini de sortir de terre, avec sa belle bâtisse ocre, ses espaces de sport et de jeu. Sur le fronton du portail, un message évocateur: » Une école de qualité pour le développement du Togo ».
Le Togo fait sa mue. A l’image de tous les pays africains qui ont réussi à gagner le combat de la paix et la stabilité politique, en attendant celui de la véritable démocratie, l’état de droit et la prospérité pour tous.
J’ai trouvé une ville plus propre qu’avant, des routes plus larges et plus propres. Ce n’était pas ainsi lors de mon dernier séjour, il y a seulement quelques mois. Dès mon arrivée il y a quelques jours, j’avais été si agréablement surpris par la beauté et la modernité de son nouvel aéroport. Bijou architectural et symbole du renouveau pragmatique de ce pays qui abrite les sièges des institutions financières de la CEDEAO, le quartier général du groupe Asky, l’une des compagnies aériennes les plus prometteuses d’Afrique et le siège international du Groupe Ecobank, la « Banque Panafricaine. »
L’aéroport de Lomé a été construit en 4 ans pour un cout estimé à 87 Milliards de FCFA (150 millions de Dollars.). 24 comptoirs d’enregistrement électroniques, embarquements et débarquements par passerelles télescopiques, Wifi Haut Débit gratuit partout, etc. Il pourra accueillir jusqu’à 2 millions de passagers par an. Le Togo a réalisé en 4 ans, un aéroport à hauteur d’homme, adapté à ses besoins et son niveau de développement, grâce à un montage financier simple. Un seul bailleur, la China Exim Bank.
Au Sénégal, nous courrons derrière un aéroport en construction depuis plus de 10 ans et qui va coûter plus de 400 Milliards de FCFA ( 5 fois plus cher qu’au Togo). Nul ne sait dire quand est-ce qu’il sera livré.
La faute? Un montage financier alambiqué autour d’une constellation d’intervenants connus ou inconnus. Juges-en vous même: pas moins de 8 structures devaient apporter les 406 millions d’euros (266,3 milliards de FCfa) initialement prévus pour la réalisation de l’AIBD: La Banque africaine de développement (Bad), l’Agence française de développement (Afd); la Banque islamique de développement (Bid), Saudi fund for développement (Sfd; Industrial developpement Corporation (Idc) ; Infrastructure crisis facility (Icf); la Banque ouest africaine de développement (Boad); Opec found for international developpement (Ofid).
On s’y perd. Je ne compte pas les réseaux d’affairistes et chargés d’affaires, les consultants et prestataires de services en tout genre, comme entre autres, la fameuse Black Peal Finance, propriété présumée d’un certain « Ingénieur Financier » exilé en jet dans un Emirat du Golfe. Pour garantir l’investissement de ces « exportateurs de développement », l’Etat a mis en place une Redevance aéroportuaire à laquelle tout passager ayant embarqué ou débarqué à Dakar a contribué. Je ne saurai vous dire combien l’Etat a ramassé et où se trouve cet argent ni combien d’avenants sont signés à ce jour pour finir la construction. Un véritable gouffre à Milliards qui plombe encore plus nos possibilités de développement.
Comme si cela ne suffisait pas, l’attribution du marché de construction du Train Express Régional qui doit relier Dakar à l’aéroport fait l’objet de contestation et est suspendu. Il devrait couter lui aussi 415 Milliards de FCFA. Comme si, ensuite, le Sénégal n’était pas capable d’attribuer lui-même ses propres marchés, le Président de la République choisit l’entreprise française Sitra pour faire l’appel d’offres pour le compte de l’APIX. Sitra est payée à hauteur de 3,5 milliards Francs Cfa. Comme il fallait s’y attendre enfin, le Français SITRA confie les travaux des trois lots du marché à trois sociétés françaises : Le groupe Eiffage GC-Eiffage Sénégal-Eiffage Rail-Yapi Merkezi-Cse (Lot 1), le groupe Engie Ineo-Thales de la France (Lot 2) et le groupe Nge-Tso-Cim-Cim-C de la France (Lot 3). Les Français raflent tout. Qui est fou?
Le marché du Lot 2 est contesté par une entreprise Turque, «Yenigun E+M», qui estime avoir fait la meilleure offre. Heureusement! Le marché est suspendu par l’ARMP. En attendant de voir plus clair dans tous ces micmacs à Milliards. Sacré Sénégal!
Comme toujours, dans la plupart de ses choix d’investissement, le Sénégal ne met pas en avant des critères d’efficacité économique liés aux besoins concrets de ses populations, ses possibilités financières et ses impératifs de développement qui pourtant sautent aux yeux.
Le Sénégal a voulu faire ce qu’aucun autre pays africain n’avait encore jamais fait, comme l’y « incline » maladivement son « trouble obsessionnel compulsif » du » Être le Premier à le Faire ».
Nos frères et sœurs du Togo nous donnent une belle leçon de simplicité, d’efficacité et de pragmatisme. Ayons l’humilité d’apprendre. Le développement est un processus cumulatif de transformation des structures politiques, économiques, sociales, culturelles, mentales, etc. Il n’aime pas les raccourcis. Il procède par bonds qualitatifs. Pas à pas.
Notre pays ira très loin et très haut, « ca kaw ca kanam » comme on aime à dire, lorsqu’il aura à sa tête des hommes et des femmes qui comprennent ces vérités simples.
Cheikh Tidiane DIEYE
Docteur en Etudes du Développement