Les principales céréales consommées au Sénégal sont le riz, le mil et le maïs. A cette période de maturation du mil souna, tout indique que la production de 2016 sera inférieure à celle de 2015. C’est très tôt que les producteurs du bassin arachidier ont constaté avec amertume que la germination des graines de cette céréale n’est pas satisfaisante. La visite des champs de mil dans les départements de la région de Kaffrine montre à suffisance que la production de mil souna sera déficitaire par rapport à 2015. Il est alors prévisible que la période de soudure de 2016-2017 sera précoce et longue pour les paysans du bassin arachidier.
A cette mauvaise germination des graines de mil certainement due à la qualité des semences s’ajoute un manque d’engrais lui-même lié à un mauvais système de distribution du produit, fortement subventionné par l’Etat. Nous avons déjà consacré une contribution à la distribution de l’engrais aux paysans. Nous y avons développé un argumentaire prouvant que le système n’est pas fiable malgré les autosatisfactions proclamées urbi et orbi.
Le mil souna a très peu bénéficié de la recherche agronomique alors que cette céréale est authentiquement sénégalaise et est particulièrement adaptée à nos sols. C’est une spéculation qui a été laissée en rade par le colonisateur tant sur le plan de la recherche que sur celui de l’encadrement des producteurs. L’ISRA a cependant beaucoup travaillé sur les céréales locales notamment sur le mil souna. Les résultats des travaux de recherche sont dans les tiroirs ou dans les revues scientifiques. Pourtant, la consommation de cette céréale est meilleure pour la santé que celle du riz et du blé. Le couscous, le niélingue, le thiakry, le ngourbane, le lakh, le fondé et bien d’autres mets à base de céréales locales sont nutritifs et très riches en fibres alimentaires qui facilitent le transit intestinal. Beaucoup de sénégalais, grands consommateurs de riz et de pain très pauvres en fibres alimentaires, sont souvent constipés et abusent en conséquence de laxatifs pour se soulager.
Pour une politique visant l’autosuffisance alimentaire et la sécurité sanitaire des aliments, les autorités en charge de l’agriculture devraient accorder au mil souna plus d’intérêt. Les semences de mil utilisées proviennent toujours des réserves des paysans ou achetées dans les marchés hebdomadaires (Louma). Dans ces conditions, les rendements sont toujours faibles. C’est l’occasion de rappeler qu’il est connu en sciences agronomiques que nul ne peut augmenter les rendements d’une culture sans semences de qualité. Pour une agriculture performante, il faut d’abord et avant tout mettre à la disposition des exploitants agricoles des semences certifiées produites à cette fin.
Céréale très prisée par les sénégalais, le mil souna mérite plus de considération dans la politique agricole du Sénégal. Les producteurs du bassin arachidier constatent que ce n’est pas le cas. Le mil souna a pourtant beaucoup d’avantages en tant que produit vivrier. Non seulement il est très digeste mais il a un cycle végétatif très court. Il est consommable dès la mi-septembre permettant ainsi de mettre fin à la dure période de soudure que vit annuellement le monde rural.
La santé d’une population dépend pour beaucoup de la diversité de son alimentation. Historiquement, pour cette raison, l’homme a toujours cherché à diversifier son alimentation bien avant sa sédentarisation : cueillette, chasse, pêche.
L’objectif de l’Etat du Sénégal devrait être l’autosuffisance en céréales (riz, maïs, mil, fonio,…). Une bonne alimentation n’est pas manger du riz tous les jours. Beaucoup de maladies chroniques pourraient être liées à la consommation excessive de riz par les sénégalais. Une campagne de promotion des céréales locales est nécessaire pour inverser la tendance nationale à ne consommer que du riz comme source de carbone. Parallèlement, une politique d’augmentation des rendements des céréales locales doit être lancée comme c’est le cas avec le riz. Les deux principaux facteurs limitants de l’agriculture sénégalaise sont les semences et les fertilisants. L’émergence agricole est une utopie tant que ces contraintes ne seront pas levées.
Pr Demba Sow
Ecole Supérieure Polytechnique de l’UCAD