Soit il faut avoir des millions ou des milliards à distribuer soit il faut espérer une révolte populaire pour que le grand peuple décide d’aller vers les urnes pour faire quitter le président en fin d’exercice de mandat. Ces deux extrêmes scénarios ont fait leurs preuves au Sénégal en 2000 et en 2012. Il ne faut s’arrêter à les constater, il faut les déplorer et les dénoncer pour sensibiliser autant à l’endroit des électeurs que du côté des régimes qui entretiennent un clientélisme politique sauvage avec les deniers publics. Ces pratiques politiques et sociales ont donné naissance à un Etat privé et prédateur. Car il perpétue ces méthodes de corruption pour se maintenir au pouvoir avec les moyens humains et financiers de l’Etat. Ce type de régime devient un clan, un groupe d’intérêt qui se maintient au pouvoir pour protéger ses affaires tout en mettant sa main sur les ressources du pays. Il développe ainsi une férocité en réprimant tous ceux qui peuvent menacer cet ordre. Tout en donnant l’impression de gouverner pour tous, c’est une minorité qui a accès aux délices au pouvoir. La description de cette dynamique politiques n’a-t-elle pas été constatée et en train d’être vécue au Sénégal ? Notre réponse est affirmative. Un tel système, s’appuyant sur les pouvoirs excessifs du président de la République qui nomme à tous les postes civils et militaires avec sa forte immixtion dans les affaires des pouvoirs judiciaire et législatif, le régime en place contrôle tout.
Mais malgré sa toute puissance, le président de la République a des faiblesses terribles devant les bailleurs qui le soutiennent financièrement et devant la rigueur qu’exige l’application de lois sur certaines décisions déterminantes pour le pays. Les Sénégalais comprendront les raisons pour lesquelles, les meilleures lois ne sont pas appliquées si des lobbies ou une majorité des citoyens-électeurs menacent.
Devant cette situation, la jeunesse a deux choix : rester complice par l’inactivité et le désengagement ou l’engagement, le militantisme par tous les moyens qu’impose la situation pour un changement effectif. En tout état de cause, le silence, la complicité avec le régime en place produira tôt ou tard, une situation de révolte générale qui est souvent violente et des morts sont décomptés. C’est à cette situation qu’il faut éviter à notre pays d’arriver. C’est de la responsabilité de chacun.
En effet, si l’on s’interroge sur les raisons immédiates pour lesquelles les rapports de la Cour des comptes et ceux de l’OFNAC n’ont pas eu de suite, la réponse devient très simple : les agences nationales et les établissements publics financent les activités du parti au pouvoir. Ainsi, les détournements de deniers publics deviennent monnaie courante. Dans ces entreprises publiques, les clients politiques sont casés et les caisses s’épuisent à l’occasion des manifestations du parti au pouvoir. Les derniers rapports de la Cour des comptes et de l’OFNAC en témoignent d’une manière extraordinaire. Comment un régime en place va-t-il pouvoir combattre la corruption ?
Toujours dans cette même dynamique, cette fois-ci du côté de la société « sociale » si vous permettez. Il s’agit ici de tous ces hommes, femmes, jeunes hommes et jeunes filles qui ne comptent que sur les parents bien installés dans un régime pour trouver des emplois, pour gagner de l’argent facile. Pour les entreprises, il s’agit de trouver des marchés publics bien « arrangés » avec les commissions bien réparties. Avec cette démarche, plusieurs praticiens de la politique ont leur « militants » acquis à leur cause avec la contrepartie bien connue, celles des récompenses : argent, emplois et marchés. Des groupements de femmes, des ASC sont acquis à la cause d’un homme ou d’une femme sur la simple base de la contrepartie. Personne ne se pose la question de savoir: d’où est ce que ce monsieur ou cette dame tire-t-il/elle ces sommes qu’il/elle distribue ? Et même s’ils le savent, ils vont continuer à en demander et en consommer sans gêne. Une sorte de dépendance est maintenue et ces hommes et ces associations ne développent aucune stratégie pour lever des fonds, ils comptent toujours sur des hommes politiques. A vrai dire, un citoyen qui aime son pays ne peut accepter cette pratique. A cela, il faut ajouter que peu sont ceux qui consomment ces montants et qui ne votent pas pour l’homme et son organisation en période d’élection. La raison est toute simple : s’il perd, la faim et la déchéance vont habiter ces familles. C’est ainsi que des concitoyens sont pris en otage dans le piège des politiciens et dans leur propre piège également. Cet état de fait a amené les partis politiques à se vider de projets de société. Toute la stratégie politique repose ainsi sur les calculs, les alliances pour s’installer à la tête du pays avec comme seul objectif et finalité de piller les deniers publics.
Aujourd’hui, le Sénégal compte plusieurs hommes et partis politiques qui ne croient pas au changement, ils comptent juste tromper les Sénégalais jusqu’à s’installer à la tête de ce pays et piller le maximum qu’ils peuvent avant de se faire balayer par une élection. Ils ne comptent rien changer d’où l’absence de projet total pour gouverner ce pays. Et tous les analystes se posent la question de savoir : qui vote au Sénégal ? Les Sénégalais instruits ont-ils démissionné et déserté les urnes ? Y a-t-il un peuple qui parle dans les médias pour dénoncer et un autre qui constitue la majorité silencieuse et qui vote ? Et qui de surcroit n’accorde aucune importance aux projets de société portés par les hommes politiques.
Ceux qui connaissent ces pratiques affirment que les hommes comme nous et les formations politiques comme les nôtres n’ont aucune chance, un jour, de diriger ce pays. A ce cela, il faut répondre que nous partageons le diagnostic du pays mais ce sont les perspectives que nous ne partageons pas.
Devant cet état des lieux, une nouvelle génération d’hommes politiques se lève, parmi lesquelles, je compte. Je suis de cette génération qui a décidé de mettre fin à cette démarche politique. Je veux incarner la rupture et quelle que soit l’état de notre mentalité, je reste profondément convaincu que je peux participer à ce changement de mentalité. Rien ne peut me faire croire le contraire. Le pouvoir politique peut changer les comportements dans ce pays. La corruption, surtout la grande corruption peut être éradiquée au Sénégal. Il suffit que le régime gouverne par l’exemple et corrige la société. Cela est impératif pour la justice sociale, pour l’égalité des citoyens devant la loi, pour l’équité dans leur traitement et l’égalité des chances de succès. La corruption annihile tous ces principes d’un Etat de droit.
Malgré ma connaissance de cette réalité que je considère comme telle, je sens une force mentale et une énergie physique positives et implacables pour servir le Sénégal et c’est là mon engagement.
A ce titre, je lance un appel à la jeunesse de mon pays. La situation que je viens de décrire montre que si nous croyons le contraire, il nous faut assumer notre volonté de changement. Assumer notre volonté de changement, c’est de ne plus nous satisfaire de discours de salons mais de nous lever pour dénoncer et manifester contre ces mauvaises pratiques, c’est sensibiliser nos proches, nos familles, nos parents, nos voisins, nos amis, nos camarades car il faut une force collective pour un véritable changement. Dans cette démarche de rupture, de combat, il ne faut jamais se laisser pour reprendre cette formule d’un auteur que je ne connais pas : « si tu ne te bats pas pour ce que tu veux, ne pleure pas pour ce que tu as perdu ».
Fernand Nino MENDY
UNIONPATRIOTIQUE.SN