Août 1999, dans la cour du lycée Valdiodio Ndiaye de Kaolack, entouré par des familles hébergées dans les salles de classe suite à la submersion de leurs maisons, le Général Lamine CISSE s’adresse aux journalistes : « nous avons mis en place tout ce qu’il faut pour que les sinistrés rejoignent leurs maisons dans les meilleurs délais. Les opérations de pompage sont en cours et des mesures prises pour que ce qu’ils vivent actuellement ne soit qu’un mauvais souvenir ».
Près de deux décennies plus tard et 10 gouvernements successifs, les Kaolackois vivent le même cauchemar à chaque saison des pluies.
Certes, il n’y a aucun pouvoir public au monde capable de garantir la fin ou la résolution définitive des problèmes liés aux inondations car il y a toujours des évènements exceptionnels face auxquels il faut reconnaître l’impuissance humaine. Cependant, il y a un ensemble de mesures à encourager pour que la période estivale ne soit plus la galère périodique des Kaolackois et Sénégalais en général.
A qui la Compétence relative à la gestion des eaux pluviales urbaines ?
Très souvent et depuis fort longtemps, à chaque fois que surviennent les inondations, le citoyen ne sais pas vers qui se tourner : Est-ce la faute de la Mairie ou de l’Etat ?
Il est important d’identifier un Responsable pour pouvoir espérer une solution durable.
A l’instar de tous les pays référents en gestion efficace des eaux pluviales, la compétence et la responsabilité doit revenir à la collectivité locale.
L’état doit définir la politique et la stratégie nationale subventionnées de l’assainissement (eaux usées et pluviales) et disposer d’entités (Agences, Offices ou Direction) chargées de veiller à la bonne application de cette politique nationale. L’état devient alors un partenaire technique et financier des collectivités locales, seules responsables devant le citoyen de la problématique de l’assainissement. Ainsi, à chaque collectivité locale de disposer d’un service technique compétent pour définir, en associant les citoyens, un programme et un agenda de gestion des eaux pluviales.
L’état peut toujours choisir de garder la compétence de l’assainissement, mais de cette option et pour être efficace, il doit être représenté à l’échelle de chaque région par un organisme au budget dédié et avec le personnel nécessaire chargé de l’exécution au niveau local de la politique national de l’assainissement.
Il faut reconnaitre que les contraintes spécifiques et les urgences sont tellement différentes d’une région à l’autre qu’il est difficile de centraliser la compétence avec efficacité.
La réglementation en zone inondable
La quasi-totalité des rizières et zones marécageuses de Kaolack où les jeunes allaient nager dans les années 90 sont aujourd’hui habitées. Cette urbanisation, constituant un obstacle à l’écoulement des eaux provoquent non seulement la submersion de ces zones habitées mais aussi des inondations dans des lieux initialement non inondables.
L’absence de règlement d’urbanisme et notamment en zone inondable ainsi que la non maitrise des constructions nous ont mené à cette situation.
Chaque région de notre pays, au moins dans les secteurs urbanisés, doit disposer d’une cartographie des zones inondables précisant la vulnérabilité de chaque zone géographie et accompagnée d’une réglementation intangible (règles de construction, interdits, aménagements…). Un Plan de Prévention des Risques d’Inondations(PPRI) pourrait être établi passant par une phase d’enquête publique (intégration des citoyens). Le pouvoir local (préfecture, sous-préfecture ou mairie) serait chargé de la mise en application des dispositifs du PPRI.
L’interdiction de construction en zone inondable est une mesure à prendre obligatoirement. Il s’agit là d’une mesure très difficile qui sera probablement combattue par les premiers concernés (les habitants en zone inondable et sinistrés de l’hivernage). Mais les décisions gouvernementales les plus justes et efficaces sont très souvent les plus impopulaires. Tant que les zones inondables seront habitées, il est illusoire d’espérer en finir avec non problèmes de saisons de pluie.
Les pouvoirs publics ont laissé faire la construction en zone submersibles et doivent par conséquent accompagner des mesures sociales la délocalisation de ceux qui y habitent. D’autant plus que ces mesures reviendraient moins chères et plus opérantes que les dépenses annuelles cumulées consenties pour venir en aide aux sinistrés (logements, moyens de subsistance, pompage, retentissement économique, image de la région…).
La libération des zones inondables permettrait de passer d’une politique de lutte curative des risques d’inondation vers une politique de gestion durable des eaux de pluie. L’aménagement des zones inondables pourrait nous permettre de disposer d’un stock d’eau destiné à de multiples usages appropriés.
Le Sénégal dispose peut-être actuellement de la meilleure équipe de son histoire au sein du département de l’hydraulique et l’assainissement. Jamais l’eau et l’assainissement n’ont occupé une place aussi importante dans la politique gouvernementale. Il est nécessaire d’y ajouter une politique orientée vers le résultat, la prise et l’application des décisions qui s’imposent, l’implication des citoyens pour que les résultats soient au rendez-vous. La combinaison de tout cela en un tout opérationnel constitue le fondement pour disposer à Kaolack et dans chaque localité de système d’assainissement et de drainage permettant de vivre des hivernages heureux.
Moussa KEBE
Groupe HIOLLE Industries.