Maître Ousmane Ngom, apprenez à respecter le Peuple sénégalais. Entre contingence d’affirmer des contre-vérités pour tromper provisoirement son Peuple et nécessité de plaire au prince pour l’amener à vous allouer des dividendes, il ne faudrait ni choisir ni s’abstenir. Le meilleur choix serait plutôt de refuser de franchir le pas pour respecter le Peuple.
Respecter est un acte simple, gentil, voire «politiquement correct». Respecter ne veut dire ni faire plaisir ni aimer. Respecter, fondamentalement, c’est traiter un être conformément à ce qu’il est, et donc à la valeur qui découle de son être. Inversement, lui manquer de respect, c’est le prendre pour moins que ce qu’il est. Et sous ce dernier rapport, il est évident que vous manquez de respect à la fois à Me Abdoulaye Wade, au Président Macky Sall, à tous les Sénégalais voire à vous-même.
Pour faire simple, Me Ngom, il n’est pas besoin de vous rappeler que l’être de tout homme, ce qui fait qu’il est un homme et pas autre chose, et du même coup constitue sa valeur foncière, sa dignité et son égalité avec tous les autres, c’est que c’est un être doué de raison, c’est-à-dire capable de réfléchir pour trouver la vérité et décider librement de ce qu’il veut, au lieu de suivre aveuglément ce qu’il ressent et de se précipiter brutalement sur la première occasion de plaisir qui passe par-là.
Même si nous pouvons comprendre, en tant qu’humains, que votre marge de manœuvre ne fut pas très favorable au lendemain de la seconde alternance ; même s’il est compréhensible que vous ayez eu à déployer tant d’efforts pour que votre nom ait été effacé de la liste des 25 premiers Sénégalais alors présumés être en conflit avec la loi et devant ester devant la Crei ; même si, à la faveur de la transhumance, tant combattue par les Sénégalais épris de paix et de justice, vous vous retrouvez aujourd’hui au Palais et voyagez parfois officiellement, au nom du Sénégal. Bref, ce qui fait qu’un homme est un homme (et pas une chose ou un animal), comme le ressassent les philosophes depuis fort longtemps déjà, c’est sa raison. Et le Peuple sénégalais conserve jalousement la sienne.
Votre seul salut à long terme consiste donc à traiter chaque citoyen de ce pays, le président de la République en tête, en un être doué de raison, c’est-à-dire à le prendre pour un être capable de contrôler ses sensations diverses et variées par sa réflexion, et donc capable notamment de comprendre la vérité, même si elle est douloureuse ou contrariante ou complexe. Donc, il n’y a pas de doute, il faut la lui dire, cette sacrée vérité, si vous voulez le respecter tout en vous respectant vous-même. C’est un honneur, un devoir, une obligation citoyenne. En effet, que cette vérité nous fasse souffrir ou pas, que vous ayez un faible pour le prince ou qu’il ait tendance à vous insupporter, votre devoir, Me, comme celui de tous les collaborateurs-conseillers qui sont avec lui, c’est de lui dire la vérité parce que c’est un homme, un «vrai» comme tout homme, et que vous lui devez respect pour l’institution qu’il incarne, premier magistrat de la République et, surtout, pour son humanité.
Moralité, si je mens à quelqu’un, c’est que je considère mine de rien qu’il n’est pas assez doué de raison, que je le juge soit trop bête soit trop sensible, trop incapable de contrôler ce qu’il ressent pour découvrir la vérité. En somme, en fait je le prends pour un «sous-homme», inférieur à moi qui suis à la hauteur de cette vérité que je veux lui cacher, et c’est bien en cela que je lui manque de respect même si je ne m’en rends pas compte. Parce que, même si je me crois plein de bonnes intentions, cherchant à l’épargner, le protéger, peut-être parce que je l’aime, ou au moins que je compatis à sa souffrance, ou encore, que je tente d’échapper à la justice des hommes, en réalité je suis en train de le réduire à une «pauvre» chose, incapable de se raisonner et de raisonner… et de croire que la justice divine ne se manifestera jamais.
D’ailleurs, c’est en cela que mentir est aussi se manquer de respect. Parce que l’on se doit aussi respect à soi-même, c’est-à-dire que chacun aussi doit se traiter en être doué de raison. Dès qu’on se retrouve tellement entraîné par ce que l’on ressent qu’on en oublie sa raison, on se maltraite puisqu’on se comporte en être déraisonnable, donc pas vraiment en homme. Or, en général, pourquoi croyez-vous qu’on en arrive à manquer de respect aux autres, si ce n’est parce qu’on se laisse ainsi aller à se manquer de respect en n’étant pas raisonnable ? C’est bien parce que nous nous laissons entraîner par notre petit faible pour lui ou notre compassion eu égard à ses efforts acharnés ou notre peur pour nos intérêts crypto personnels, que nous allons mettre une «bonne» note à la fort médiocre copie de Massamba… Sinon, pourquoi lui mentir ainsi ?
Tout compte fait, il n’est pas superflu de croire que ce n’est jamais facile de faire abstraction aussi bien de nos propres sentiments que de ceux des autres pour entretenir des relations raisonnables et notamment ne pas mentir ; cela pourrait même parfois sembler «inhumain»… Et pourtant, c’est le seul moyen de nous respecter tous les uns les autres. Et tel est notre devoir.
Papa Moustapha GUEYE
Inspecteur de l’Education et de la Formation
Citoyen de la République du Sénégal