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Me Ousmane Ngom, Un Cas !

A quelques encablures de la fin de la campagne électorale du référendum du 20 mars 2016, Me Ousmane Ngom avait jeté un pavé dans la mare à travers une sortie plus que malheureuse : «Les opposants se sont coalisés avec des forces extrémistes (…) C’est un programme du Non, dans lequel les responsables montrent comment ils veulent rendre illégitime le pouvoir actuel en allant à des élections anticipées. Pour y arriver, c’est la manipulation, la désinformation, l’intoxication et surtout le recrutement de nervis, de milices et une alliance avec des groupes d’extrémistes.»

En sortant une telle énormité, Me Ousmane Ngom voudrait-il frapper un grand coup médiatique ou donner des gages de fidélité et de loyauté au Président Macky Sall en chargeant aussi violemment l’opposition ? Ne s’agit-il pas tout simplement d’un excès de zèle d’un ancien faucon du parti-Etat Pds converti aujour­d’hui au «Ma­­ckyisme» ? Les Sé­négalais qui ont versé dans des conjectures étaient loin de s’imaginer qu’ils n’étaient pas encore au bout de leurs surprises avec Me Ousmane Ngom. Le mercredi 23 mars 2016, il annonce sa démission de son poste de député obtenu sur la liste «Sopi ak Pds» lors des élections législatives de 2012. Mais c’était pour s’empresser de dire que c’est pour avoir les mains libres et se mettre entièrement à la disposition du président de la Ré­publique. Ce fut en­suite la création de son parti «Li­béral ca ka­nam». Une voie de con­tour­ne­ment pour rejoindre l’Apr ? Alors qu’on le croyait arrivé au bout du rouleau, voilà qu’il se rap­pelle au souvenir des Séné­galais à travers ces stupides révélations qui font aujourd’hui le buzz.

Ces révélations de Me Ous­mane Ngom, pour sûres ou fausses qu’elles puissent être, n’ont aujourd’hui aucun intérêt pour les Sénégalais. Ce que l’histoire a retenu, c’est le fameux coup de fil que le Président Abdoulaye Wade a passé à son challenger Macky Sall pour le féliciter de sa victoire, moins de 2 heures après la fermeture des bureaux de vote et avant même que le comptage des voix ne soit terminé. Tout le reste n’a aucune forme d’importance.

Mainte­nant, en mouchardant une prétendue volonté initiale du Pré­sident Abdoulaye Wade de con­fisquer la victoire nette et sans bavure de Macky Sall, Me Ous­mane Ngom voudrait-il en­tacher ce qui est considéré jus­qu’ici comme une victoire de plus de la démocratie sénégalaise qu’il ne s’y prendrait autrement ? Vou­drait-il se donner le beau rôle, se faire passer pour le sauveur de la patrie ou plaire au prince, quitte à monter de toutes pièces des histoires qui n’existent que dans son imagination fertile et dignes des «Contes des mille et une nuits» ? Quoi qu’il en soit, le résultat est nul et enfonce davantage Me Ousmane Ngom dans le puits de dégoût où les Sénégalais l’ont précipité. En se livrant à une telle bassesse qui le rend ridicule et très petit, il apporte la preuve qu’il est loin des valeurs d’homme d’Etat qu’il veut incarner et vient de rater pour de bon le train de l’histoire.

Maintenant, devant l’indignation générale et le grand tollé soulevés par ses allégations, Me Ousmane Ngom, mesurant la gravité de celles-ci, a cru devoir se rétracter et se dégonfler en disant que ses propos, tenus lors d’une conversation privée, «ont été pervertis et sortis de leur contexte». Ce faisant, il ne doit en vouloir et s’en prendre qu’au journal Libération du secrétaire d’Etat Yaxam Mbaye qui a vendu la mèche en publiant le «scoop» avant tout le monde.

Pourtant, au regard de son parcours politique qu’il ne serait pas superflu de revisiter ici, le comportement de Me Ousmane Ngom ne semble pas tout à fait illogique. Juriste de formation et brillant avocat, il a fait une odyssée qui l’a mené successivement du Parti démocratique sénégalais (Pds) au Parti libéral sénégalais (Pls), puis en tant que souteneur du Président Abdou Diouf avant de faire un come-back au Pds devenu entre-temps parti au pouvoir, avant d’aller tomber dans les bras du Président Macky Sall.

Me Ousmane Ngom, c’est le symbole de l’ingratitude, de l’indignité et de la déloyauté. De lui, on dit que c’est l’un de ses lieutenants que Me Abdoulaye Wade, qui lui a même payé une partie de ses études, considère comme son propre fils. Dans le cadre de l’«entrisme», Me Wade le mettait dans ses bagages quand il fallait intégrer le gouvernement de majorité présidentielle élargie. D’ailleurs, Me Ousmane Ngom a été qualifié de «meilleur ministre de la Santé» des gouvernements du Président Abdou Diouf. Aussi, le poste de Premier ministre qu’ont successivement occupé Idrissa Seck et Macky Sall devrait-il échoir à Ousmane Ngom s’il n’avait pas entre-temps perdu la confiance et l’estime du «Pape du Sopi» qu’il avait quitté avec fracas en 1998 pour, dans un premier temps, former son parti politique, le Parti libéral sénégalais (Pls) le 11 juin 1998 et, dans la foulée, soutenir la candidature du Président Abdou Diouf à l’élection présidentielle de 2000, en compagnie d’un certain Jean-Paul Dias. C’est ainsi qu’il a laissé filer entre ses doigts «l’héritage wadien» qui lui était destiné. Mais le plus dramatique dans cette séparation, c’est l’irrévérence dont Me Ousmane Ngom avait fait montre à l’endroit de son «maître», en le toisant publiquement et en l’invitant à le rejoindre à la mosquée de Mermoz, après la prière du vendredi, pour jurer sur le Saint Coran et régler leurs contradictions devant témoins. Ce défi était accompagné de déclarations très déplacées comme : «Maître Wade m’a appris tout ce qu’un homme bien ne doit pas faire» ou encore «Me Wade parle en démocrate, mais agit en monarque». Me Ousmane Ngom n’arrêtait pas de magnifier «la générosité de Abdou Diouf» en opposition au «sectarisme de Abdoulaye Wade».

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Après la victoire de Me Abdoulaye Wade à l’élection présidentielle de 2000 sur Abdou Diouf, Me Ousmane Ngom ne s’est pas fait prier pour retourner, tête basse, toute honte bue et sans vergogne «dans la maison du père» pour une fusion entre le Pls et le Pds en 2003. Mais il a perdu la confiance de ses frères et sœurs libéraux désormais très méfiants à son égard. «Qui trahit une fois trahira toujours», ne cessaient-ils de dire. C’est Mbaye Ndiaye, ancien maire Pds des Parcelles Assainies, aujourd’hui ministre d’Etat auprès du Président Macky Sall, qui rapporte dans ses confidences une scène insolite : «Qu’est-ce que Ousmane Ngom n’a pas dit contre Wade ? Il a passé tout son temps à l’injurier… Après cela, c’est moi-même qui l’ai tenu par la main pour l’emmener au Palais. Nous étions assis avec Wade, Viviane, Karim… Lorsqu’il a voulu serrer la main à Viviane, celle-ci lui a dit : «Tu es un chien, je refuse de te serrer la main«.» Qu’à cela ne tienne, l’attachement qu’il avait pour son «fils» Ousmane Ngom était tel que le Président Wade avait préféré tout oublier pour lui donner encore des responsabilités dans le gouvernement. Abdoulaye Wade a même eu à dire que Ousmane Ngom sait de lui des choses que ses propres enfants, Karim et Sindiély, ignorent.

Dans l’imaginaire collectif des Sénégalais, Me Ousmane Ngom, c’est le ministre de l’Intérieur qui a signé l’arrêté n° 7580/MINT/SP du 20 juillet 2011 qui interdit toute manifestation dans l’espace compris entre le Cap Manuel et l’avenue El Hadj Malick Sy. Me Ousmane Ngom, c’est le ministre de l’Intérieur qui a inauguré les matraques électriques de triste réputation, mais aussi le patron d’une police interventionniste avec le fameux «Dragon» qui crache de l’eau chaude sur les manifestants comme lors d’une manifestation du M23 à la Place de l’Obélisque, le 31 janvier 2012, qui avait dégénéré avec la mort de l’étudiant Mamadou Diop. Aussi, a-t-on toujours réclamé la tête de Me Ousmane Ngom, ou du moins sa traduction en justice lors du procès des policiers qui conduisaient le «Dragon», car ils agissaient après tout sous les ordres de supérieurs hiérarchiques eux-mêmes placés sous l’autorité du ministre de l’Intérieur qui n’était autre que…Ousmane Ngom.

Le ministre de l’Intérieur Ousmane Ngom a été aussi pointé du doigt dans l’affaire de la profanation de la Zawiya de El Hadji Malick Sy à Dakar-Plateau, quand les policiers ont balancé des grenades lacrymogènes dans ce lieu de culte. Une hérésie que Me Ousmane Ngom va payer très cher. A l’occasion d’une visite à Tivaouane pour y présenter les plates excuses de l’Etat au khalife des Tidianes, le ministre de l’Intérieur y a vécu l’enfer. Devant une foule surexcitée et qui lui promettait un lynchage en règle, le locataire de la Place Washington n’a dû son salut qu’au professionnalisme des éléments de la Brigade d’intervention polyvalente (Bip) qui a réussi à l’exfiltrer pour le déposer en lieu sûr.

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Grandeur et décadence d’un homme, Me Ousmane Ngom c’est aussi ce responsable du Pds que des éléments encagoulés et armés jusqu’aux dents de la Brigade d’intervention polyvalente (Bip) de la Police nationale, appuyés par le Groupement mobile d’intervention (Gmi), sont allés cueillir manu militari le 20 juin 2012 à Kolda, où il était en campagne électorale pour les élections législatives, et le ramener, par les airs, à Dakar afin qu’il y soit cuisiné par les pandores de la Section recherches de la Gendarmerie nationale de Colobane. Au cours de ce transfèrement par voie aérienne, Me Ousmane Ngom, un peu bougé par ses «ravisseurs» a perdu connaissance au moment d’être déposé à la gendarmerie de Colobane.

Par ailleurs, sa base politique au quartier de Léona à Saint-Louis ne lui a jamais donné la force nécessaire pour rivaliser dans la vieille ville face à des ténors comme Me Alioune Abatalib Guèye, Feu Ousmane Masseck Ndiaye, Cheikh Bamba Dièye, Ahmed Fall Braya, et maintenant Mansour Faye. Quel peut donc être son apport en termes d’électorat ou quel statut en termes de porteur de voix, Ousmane Ngom peut-il se prévaloir, le tout pouvant profiter au Président Macky Sall ? Le couteau à la gorge, lors de la traque des biens mal acquis, Me Ousmane Ngom, qui disait «je suis dans une prison à ciel ouvert avec ma famille», et son épouse, Aline Corréa, ont été beaucoup secoués et auditionnés dans le cadre de la traque des biens mal acquis. Il se dit même qu’il aurait transigé pour être tranquille.

A-t-il troqué son appartenance au Pds contre son ralliement à Macky Sall ? Toujours est-il que c’est un Me Ousmane Ngom qui a perdu de sa superbe qui tombe aujourd’hui dans l’escarcelle de la mouvance présidentielle. Avec l’avènement du régime dit de la deuxième alternance, Me Ousmane Nom a été bien secoué par le Président Macky Sall. Les deux hommes se connaissent bien pour avoir été deux poids lourds (au propre comme au figuré) du Pds et du régime du Président Abdoulaye Wade.

A peine arrivés au pouvoir, les Apéristes ont placé particulièrement Me Ousmane Ngom dans leur viseur. Mahmouth Saleh, alors ministre-conseiller du Président Macky Sall, a été un des premiers flibustiers à commencer les hostilités en direction de Me Ousmane Ngom : «Ousmane Ngom n’a qu’à se taire. Il n’a rien à dire. Il a intérêt à se taire parce que c’est un voleur. Les Sénégalais ont en mémoire l’escroquerie sur les cartes nationales d’identité et les passeports numérisés. Il n’a qu’à attendre. Il verra ce qui lui arrivera. On n’est pas dans des situations où on répond aux provocations de gens comme Ousmane Ngom.» Le ton était ainsi donné. Dans le cadre de la traque des biens supposés mal acquis, Me Ousmane Ngom a figuré sur la liste des 25 infortunés épinglés par Alioune Ndao, alors Procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Interdit de sortie du territoire national à l’instar des autres anciens dignitaires du Pds traqués, Me Ousmane Ngom n’a pu sortir du pays pour se rendre à l’étranger – pour y bénéficier de soins médicaux nous a-t-on dit – qu’au bénéfice d’une autorisation spéciale à lui délivrée par l’Etat. Cet assouplissement du Président Macky Sall qui commençait à desserrer l’étau autour de Me Ousmane Ngom – que d’aucuns ont trouvé normal parce que Me Ousmane Ngom aurait transigé dans l’affaire de l’enrichissement illicite – était le prélude d’un réchauffement des relations entre deux hommes (Macky Sall et Ousmane Ngom) qui s’en iront, au fil des jours, filer le parfait amour. C’est à partir de ce moment que Me Ousmane Ngom est entré en profonde hibernation politique en tant qu’opposant. On ne l’a plus revu, ni dans les manifestations publiques du Pds ni même dans les réunions du Comité directeur du parti libéral. Une discrétion que Pape Samba Mboup, ancien chef de Cabinet du Président Abdoulaye Wade, met sous le compte de la compromission en disant que si Ousmane Ngom se fait plus discret «c’est parce que Macky Sall le tient quelque part».

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Au plus fort de la polémique autour de la présidence du groupe parlementaire des Libéraux et démocrates à l’Assemblée nationale, Ousmane Ngom s’est illustré par son mutisme puis, en octobre 2015, a démissionné du groupe parlementaire pour aller chez les non-inscrits. Après avoir participé au voyage du président de la République Macky Sall qui se rendait en Guinée le lundi 14 décembre 2015, pour les besoins de la cérémonie de prestation de serment du Président Alpha Condé et la levée de son interdiction de sortie du territoire (visant des barons du défunt régime de Me Abdoulaye Wade), Ousmane Ngom a déposé ses baluchons chez Macky Sall. Ce n’était donc pas une surprise quand le Président Macky Sall mit Ousmane Ngom dans ses valises au moment de rendre visite au khalife général des mourides Serigne Sidy Makhtar Mbacké en perspective du référendum du 20 mars 2016. Auparavant, Me Ousmane Ngom était sorti de sa réserve le 1er décembre 2015 lors du grand magal de Touba pour annoncer son prochain retour dans la vie publique.

A l’occasion de son déplacement chez l’ex ministre de l’Intérieur qui venait de perdre son grand frère, début mars 2016, le Président Macky Sall a mis à profit cette visite de condoléances pour demander à Me Ousmane Ngom de venir travailler à ses côtés. Il s’en est suivi un échange d’amabilités du genre «je t’aime, moi non plus». Mais si on met cela en balance avec un discours antérieur tenu par le même Ousmane Ngom à l’endroit d’un Macky Sall alors en disgrâce au Pds et au niveau de l’Etat, c’est le grand écart. Accusant Macky Sall de blanchisseur d’argent sale, Ousmane Ngom déclarait ceci : «Quand on parle aujourd’hui d’enrichissement illicite ou de délinquance financière, Macky Sall et son gouvernement sont au premier rang. Ce n’est même pas de la délinquance financière, c’est du grand banditisme financier. Parce que son Premier ministre a dépassé toutes les limites. Il a dit, il avoué, et les juristes, les avocats le savent, l’aveu est la mère des preuves. Il a avoué devant tout le Sénégal : ‘’Oui, j’ai blanchi de l’argent, mais au moment où je le faisais, la loi sur le blanchiment n’existait pas encore‘’. Mais la loi sur le vol existait déjà. La loi sur le recel, complicité de vol, existait déjà. ‘’Konn nak moom ndéyi sacc la’’» (« Donc lui, il est la mère des voleurs »)». «Loolu aduna bi yèpp daf ko condamner». Avant de parler de qui que ce soit, il faut d’abord qu’on s’adresse à Macky Sall et à son Premier ministre qui sont les plus grands blanchisseurs.» La vidéo est disponible sur la toile à travers ce lien.

Comme on l’a vu, le rapprochement progressif de Me Ousmane Ngom avec le Président Macky Sall s’est fait méthodiquement pour arriver là où on en est au­jourd’hui. Mais tout cela n’est que temporaire. En effet, il est de no­toriété publique que le jour où Ma­cky Sall cessera ses fonctions de président de la République, Me Ousmane Ngom lui tournera le dos, sans ménagement, ni scrupules. Pour s’en aller entrer dans les bonnes grâces du nouvel élu, et peut-être lui révéler des secrets d’Etat.

La fourberie en continu, tel semble être le destin cruel de Ousmane Ngom, un homme jadis promis à un bel avenir, mais qui, infidèle en compagnonnage sincère, est condamné à trahir éternellement.

 

Pape SAMB

papeaasamb@gmail.com

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