À chaque début d’année scolaire, les enseignants munis de leurs emplois du temps identifient leur salle de cours pour entrer en contact avec leurs élèves. Cette première rencontre avec la classe est des plus essentielles : c’est une occasion à saisir pour discuter avec des élèves qui arrivent au collège, au lycée, déboussolés ou en classe d’examen avec beaucoup de questions en tête.
Malheureusement, l’importance de cette première rencontre appelée communément « prise de contact » dans le jargon, n’est pas toujours comprise par les collègues qui se contentent assez souvent de lire et de faire noter le programme à enseigner avant de libérer au bout de 10 minutes la classe. Certains ne prennent même pas la peine de se présenter : non pas de dire sur un ton lapidaire et tranchant que je suis monsieur X, votre professeur de …, mais en toute humilité parler de son cursus, de son expérience, pour juste rassurer ces apprenants sur les compétences dont on dispose pour pouvoir les aider. Même dans les petites classes à l’élémentaire, l’instituteur peut expliquer en peu de mots qui il est, son parcours, pourquoi il a choisi ce métier (diplômes, formation, expérience). Penser surtout à sourire durant cette présentation d’usage pour mettre la classe en confiance. Bref, sans trop raconter sa vie, ce premier contact avec la classe est un moment d’échange crucial pour mettre en confiance des élèves angoissés durant les premières semaines de classe.
Les enseignants doivent comprendre que le début de l’année scolaire est déterminant : l’année se joue dans les 02 ou 03 premières semaines de classe ; le premier cours de l’année est une heure stratégique. En effet, en matière de règles, de procédures c’est très tôt qu’il faut fixer les règles du jeu dans cette « micro société » qu’est le groupe- classe. Hormis le règlement intérieur qu’on doit lire aux élèves, l’enseignant peut lui même clarifier, justifier les règles et les sanctions, les types d’évaluation, leur rythme et leur fréquence durant l’année scolaire ; s’il arrive à l’enseignant de faire des devoirs surprises, il doit le préciser, même si je trouve ce type d’évaluation stressant et contre-productif.
Par ailleurs, quel que soit le niveau de formation de l’enseignant ou l’expérience engrangée, il a forcément des attentes, des préférences particulières ; les exprimer clairement humanise l’enseignant et lui permet de camper sa personnalité. On peut dire aux élèves qu’on ne supporte pas les retards, le mensonge, l’insolence ; qu’on est prêt à pardonner certaines fautes avouées, à tolérer certaines erreurs ; à reprendre autant de fois que ce sera nécessaire une explication. Pourvu surtout que les mots correspondent aux actes : l’enseignant doit être un exemple qui incarne les valeurs, les vertus, les conseils qu’il ne cesse de prodiguer à ses élèves. Il ne peut pas exiger l’assiduité, la ponctualité, si lui il n’est jamais à l’heure ; s’il n’est pas juste avec ses élèves, il n’arrivera jamais à leur inculquer des valeurs de respect, de justice, d’égalité indispensables dans une société démocratique et égalitaire où est censé évoluer le futur citoyen qu’il doit former aussi. C’est le moment de préciser que son rôle ne saurait se limiter à transmettre des savoirs, savoirs faire ou compétences selon, mais aussi à éduquer. Eduquer, du latin « educaré », signifie aider l’enfant à grandir et de lui assurer une meilleure intégration dans la société. Cette mission éducative est confiée à l’école parce que, comme le soulignait le philosophe Olivier Reboul dans sa critique de la famille contemporaine, « en le protégeant et en l’élevant, la famille risque toujours de faire de l’enfant un éternel mineur ». La conviction du philosophe- pédagogue était que « l’école fait la société.
Qu’il s’agit d’instruire ou d’éduquer à l’école, l’entrée par les compétences ou l’APC, en vogue aujourd’hui, présuppose que l’enseignant comprenne que les contenus qu’il enseigne ne sont en soi pertinents que pour autant qu’ils permettent d’accéder à autre chose, notamment des compétences transférables en lieux autres, dans des situations extrascolaires. Philippe Meirieu, spécialiste de la pédagogie, professeur des universités en sciences de l’éducation à l’université Lyon II confiait à l’équipe de la revue Sciences Humaines : « apprendre un enfant à écrire ou à parler français ne devrait pas être vécu par celui-ci comme une épreuve au terme de laquelle, il doit être sélectionné, mais plutôt comme un outil d’émancipation personnelle lui permettant de se libérer de l’ignorance et des préjugés. »(Qu’est ce qu’une bonne école ?, numéro spécial 285, Octobre 2016, p32.)
Professeur de philosophie depuis 2002, il m’arrive toujours, en début d’année scolaire, de rappeler à mes élèves que la philosophie ne saurait être une simple matière d’examen : il n’est pas question de préparer simplement les élèves dans l’immédiat à l’épreuve anticipée du baccalauréat. En philosophie, par exemple, foisonnent un ensemble de notions, Etat, Liberté, Langage, Individu et Société, lesquelles éclairent les élèves sur les exigences et contraintes de la vie sociale. Ce qui peut les disposer à construire leur citoyenneté, à évaluer ce qui existe à l’aune de l’intérêt général et à inventer des pratiques participatives. Même l’Education physique et sportive permet d’installer des compétences et participe à l’apprentissage des pratiques citoyennes. L’esprit grégaire nécessaire aux jeux collectifs, la solidarité dans le jeu et le respect de l’adversaire dans un esprit de fair- Play sont des remparts contre le chauvinisme des supporters, la violence dans nos stades…
La présentation de la discipline qu’on enseigne occupe, ainsi, une place importante dans ces moments d’échange. À l’occasion de la prise de contact, on peut bien parler de la matière qu’on enseigne, de son contenu, de ses méthodes, de son intérêt, des objectifs et débouchés.
Tout cela suppose de la part des enseignants une meilleure compréhension de leur métier ; d’être plus inventifs, de s’adapter aux changements, surtout au tournant technologique pour ne pas risquer la « ringardisation » de leur métier ; de tenir compte des technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (ou pour l’éducation appelés Tice). Il est, d’ailleurs, indispensable, comme le pensent Maurice Tardif et Claude Lessard, auteurs du livre Le travail enseignant au quotidien, de se maintenir à l’affût des nouveaux matériels, des derniers procédés, des astuces pédagogiques les plus récentes. Certes, « nous n’avons pas encore trouvé la bonne école », pour reprendre Marcel Gauchet, philosophe et historien à l’Ecole des Hautes Etudes en sciences sociales(EHESS) qui a récemment coécrit avec Marie Claude Blais et Dominique Ottawi, Pour une philosophie politique de l’éducation(Hachette 2013), mais aucune excuse ne suffirait pour ne pas faire attention aux modèles qui marchent à l’étranger, de s’inspirer de systèmes scolaires plus efficaces, des recommandations de PISA qui a incité plusieurs pays à réformer leur école, PASEC du CONFEMEN ( Confédération des pays ayant en partage le français) dans leurs différents rapports sur les performances des éléves du monde – on va vers une standardisation de l’offre scolaire mondiale- aux promesses tenues par internet, aux innovations concrètes qui se passent dans certains établissements, à l’ombre des grands principes pédagogiques, pour penser ensemble l’éducation de demain.
Bira SALL
Professeur de Philosophie au Lycée Ababacar Sy de Tivaouane.
Spécialiste suivi Programme Petite Enfance.
sallbira@yahoo.fr
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