En dehors des palabres intarissables dans des salles climatisées et des opérations d’enfumage des citoyens par quelques visites de terrains symboliques, les Sénégalais, dans leur écrasante majorité, ont encore du mal à percevoir et ressentir, dans leur vécu quotidien, l’action du ministère « de l’environnement et du développement durable » face à l’ampleur et la pression des urgences écologiques qui assaillent notre pays.
Bien plus que par le passé, notre pays est actuellement confronté à de sérieux défis environnementaux résultant de nos activités socio-économiques et des changements climatiques: le littoral est lourdement menacé par l’érosion maritime, nos villes parmi les plus sales d’Afrique déversent les immondices au bord des routes nationales (Saint-Louis, Louga, Tivaone par exemple) ou sur les plages (Yoff), nos maigres réserves forestières disparaissent à un rythme effroyable sous les effets combinés du trafic international de bois, d’une urbanisation anarchique et d’une gestion peu responsable de nos ressources, nos cours d’eau, nos lacs et nos nappes d’eau souterraines sont soumis à une pollution chimique sans précédent à cause des activités agro-industrielles.
Il est évident que la fragilisation généralisée de nos écosystèmes a un impact négatif considérable sur la performance de nos activités économiques, sur la qualité de vie et le bien-être des populations. Mais, sur toutes ces questions vitales, le ministère en charge de l’environnement brille par son manque de vision, de pragmatisme et d’engagement.
Des villes côtières comme Saint-Louis et Rufisque, des villages en bordure de mer comme Gandiol, Palmarin Facao ou Pointe Saint-George ainsi que les sites balnéaires de la Petite Côte abritant l’essentiel des activités touristiques de notre pays sont, en effet, menacés de disparition, si aucune action nationale vigoureuse et durable n’est entreprise dans les court et moyen termes pour freiner l’érosion marine. Les populations et les acteurs économiques vivent dans une profonde détresse morale car ne trouvant ni réconfort ni assurance auprès de l’autorité chargée de mettre en œuvre une stratégie nationale globale pour lutter contre ces désastres écologiques.
Lors de sa visite à Saint-Louis, en juillet dernier, le Ministre de « l’environnement et du développement durable » accompagné d’une forte délégation, venu à la fois constater la destruction de concessions familiales et d’infrastructures scolaires par l’avancée la mer et apporter la ‘compassion du Chef de l’Etat’, a affirmé que son ministère allait étudier la question pour apporter des solutions idoines. En termes clairs, cela signifie qu’au niveau ministériel que le temps de l’action n’est pas encore arrivé. Pour les populations affectées, la déclaration du Ministre veut dire qu’il faudra encore attendre la fin d’autres autres cycles et d’autres saisons de palabres pendant que les éléments continuent à se déchaîner contre elles.
Au terme de sa visite à Goxu Mbacc, le Ministre n’a fait aucune déclaration indiquant, aux populations sinistrées, une stratégie de sortie de crise. Aucun plan d’action, aucun calendrier n’ont été évoqués lors cette tournée plus folklorique que destinée à mettre en œuvre des stratégies viables et durables.
Les populations vulnérables de Guet Ndar, Goxu Mbacc et de Santhiaba, à l’image de celles des autres localités du pays, attendent des solutions concrètes aux problèmes concrets qu’elles vivent et non des promesses d’études. Le temps presse, les sinistrés d’aujourd’hui, comme ceux de demain, ne pourront se payer le luxe d’une longue attente.
Dans une quinzaine d’années, si rien n’est fait, bon nombre de villages côtiers, avec leurs habitats, leurs espaces agricoles et leurs ressources pastorales, seront probablement rayés de la carte du Sénégal.
Il est, par ailleurs, fort scandaleux que le département de Podor, porte du désert où les écosystèmes se meurent plus vite qu’ailleurs, n’ait pas encore reçu la visite officielle du Ministre de l’environnement depuis sa nomination. L’île à Morphil n’abrite aucun projet agroforestier significatif.
L’autre face cachée du programme national d’autosuffisance en riz est la pollution à grande échelle du fleuve Sénégal et de ses affluents: des milliers de tonnes de produits phytosanitaires extrêmement toxiques y sont drainés chaque jour, empoissant ainsi poissons, oiseaux, cheptel et humains. Les populations qui s’y baignent ont des irritations cutanées ou des infections urinaires. L’usage massif des engrais augmente la salinité des sols, tue les micro-organismes responsables de la fertilité des terres, fragilisant ainsi davantage les écosystèmes de la région.
L’eau, que Dakarois, Thiessois et bien d’autres citadins consomment provient du Lac de Guiers, une source menacée par la pollution liée aux activités agro-industrielles. Si rien n’est fait pour stopper l’empoisonnement de nos réserves hydriques, il ne sera pas étonnant, dans les années à venir, compte tenu du changement des composantes chimiques de cette eau que les maladies rénales connaissent une hausse vertigineuse dans le Cap Vert et dans les centres urbains où les populations boivent régulièrement les eaux venant du nord.
Mais tous ces enjeux ne semblent guère revêtir un caractère prioritaire dans l’agenda de ceux qui sont chargés de veiller à notre bien-être collectif. Sans doute les palabres au niveau du ministère se poursuivront encore et encore, pendant que la destruction de nos ressources naturelles s’intensifie et que le niveau de vie de nos populations se dégrade.
Face à la gravité des catastrophes naturelles et à l’insalubrité grandissante de notre pays, qu’est-ce qui empêcherait aujourd’hui le ministère de l’environnement et du développement durable d’initier sur toute l’étendue du territoire national et de concert avec la société civile, les municipalités et les départements ministériels de l’éducation, de la jeunesse, des forces armées et cadre de vie, des opérations de grande envergure de villes propres, de plages propres, de reboisement, de construction de digues protectrices autour des localités affectées ?
Qu’est-ce qui empêche le ministère de l’environnement de nouer des partenariats féconds avec les groupes de médias, publics comme privés, avec les compagnies de téléphonie mobile opérant sur l’étendue de notre territoire national, pour éduquer les populations et les sensibiliser par rapport aux défis environnementaux de notre pays ? La bataille pour la préservation de l’environnement et de notre bien-être collectif ne se gagnera pas sans l’implication directe et effective des populations.
Le Premier Ministre, Monsieur Mouhamed Boun Abdallah Dione, chef du Gouvernement de l’Emergence, chargé réaliser la vision de son excellence Monsieur le Président de la République, est directement interpellé pour mettre fin aux nominations fantaisistes à la direction de l’agence nationale des écovillages et à l’atmosphère récréative qui règne au ministère de l’«environnement et développement » dont le patron, n’étant pas à la hauteur de la mission qui lui est confiée, se fige dans l’attentisme et l’inaction.
Le Ministère de l’environnement est un département très stratégique qu’il convient de confier à des mains expertes et intelligentes car le succès de toutes les activités économiques de notre pays dépend de la bonne santé de nos écosystèmes. Il faut une grande personnalité pour gérer ce secteur stratégique, pour fédérer l’ensemble des acteurs qui y interviennent et créer des richesses pour le bénéfice exclusif de nos communautés de base.
Or le Ministre actuel n’a ni le profil ni le charisme pour prendre la pleine mesure des véritables enjeux du secteur qui lui est confié et impulser la dynamique nationale visant à générer de l’abondance et des emplois verts dans tout le pays. Le ministère de l’environnement, convient de le noter, regorge de compétences de très haut niveau dont l’expertise est reconnue et appréciée sur les plans national et international. Il est essentiel de fédérer ces femmes et ces hommes de valeur, les acteurs et les partenaires dans une union sacrée pour impulser une dynamique nouvelle, porteuse de changement productif dans le secteur.
Il importe, si nous souhaitons insuffler une énergie nouvelle dans le secteur, d’intégrer et de promouvoir les initiatives en cours dans les écovillages du Sénégal où des pharmaciens et des biologistes de renom produisent, entre autres, des répulsifs naturels de moustiques, du savon et du gel antiseptique biologiques d’une très grande efficacité (qu’on pourrait produire à grande échelle et introduire dans nos structures sanitaires et scolaires en vue de limiter les risques infectieux). Du pain aux algues, d’une très haute valeur nutritive, produit par ces experts, peut contribuer, si son utilisation est généralisée, à une réduction importante de notre facture d’importation de farine de blé tout en aidant à lutter efficacement contre les carences alimentaires, notamment chez les enfants et les femmes enceintes des milieux défavorisés. Le Sénégal gagnerait donc à connaître et à vulgariser ces initiatives scientifiques et technologiques locales. Elles pourraient aider à générer des emplois et des revenus durables partout dans le pays.
Aujourd’hui, en Afrique, les populations sont encouragées à produire du moringa, une espèce végétale aux vertus médicinales et alimentaires exceptionnelles. Le moringa pousse très bien au Sénégal et on devrait inciter chaque village du pays à le produire et profiter de cet or vert dont la tonne se vend à environ trente mille euros sur le marché mondial.
Voilà un moyen simple de création de richesses communautaires, compatible avec la préservation de l’environnement.
Avec de l’imagination, de la bonne volonté, de l’ouverture et de la générosité, le ministère de l’environnement est capable, à lui tout seul, de mettre le pays au travail en générant des milliers d’emplois verts pérennes dans le recyclage de déchets domestiques pour la production d’engrais organiques et de bioénergie, dans les activités de reboisement et de création de vergers communautaires, de projets piscicoles, apicoles et écotouristiques d’envergure dans le but de propulser résolument notre pays vers l’émergence socio- économique, tant souhaitée par le Président Macky Sall, son gouvernement et l’ensemble du peuple sénégalais.
Ousmane Aly PAME
Docteur d’Etat
Président du Réseau Mondial des Ecovillages/Afrique (www.gen-africa.org)
Membre du Conseil international des Ecovillages