Le 31 octobre 2016, le président Macky Sall a installé officiellement, et en grande pompe, Ousmane Tanor Dieng dans ses nouvelles fonctions de président du Haut-Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT). Auparavant, par décret n° 20151970 du 21 décembre 2015, le président de la république avait nommé Djibo Kâ à la tête de la Commission Nationale du Dialogue des Territoires (CNDT). C’est le temps de la résurrection politique de la vieille garde du Parti Socialiste. Un parti qui, en théorie, n’est plus aux affaires depuis seize années mais les anciens barons ou zombies reviennent à la vie.
Le 19 mars 2000, les Sénégalais avaient renvoyé dans l’opposition le pouvoir plus que quarantenaire du Parti Socialiste, alors sanctionné pour l’ensemble de son œuvre. Las de l’immobilisme, de la sclérose et de la corruption qui avaient gangréné un régime qui avait fini par les dégoûter, les Sénégalais avaient décidé de balayer tout ce ramassis de Socialistes qui ont gouverné le pays, le frein à la main, au point que, alors que le Sénégal était bien parti en 1960, ayant alors quasiment le même niveau de développement à l’époque que la Corée du Sud, notre pays s’est vu rattraper et même dépasser chemin faisant par la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Ghana ou le Nigéria.
La fin des 40 ans de règne du Parti Socialiste allait consacrer une alternance politique qui signifiait que les Sénégalais ne voulaient plus voir, même en peinture, certaines figures emblématiques de l’ère PS. Mais, quelles n’ont été la surprise et l’indignation des Sénégalais de voir, peu de temps après la chute des « Verts », leur retour progressif aux affaires, par le biais de la transhumance politique encouragée alors par le président Abdoulaye Wade.
Il est même arrivé un moment où, à l’occasion de la réunion du Conseil des ministres, que les Sénégalais se demandaient si on n’était pas encore sous le régime du Parti Socialiste, tant ils étaient nombreux autour de la table, les visages familiers d’anciens dignitaires du PS. Et les Sénégalais de se demander si l’alternance politique en valait la peine, dès lors qu’une fois le verdict des urnes acté, vainqueurs et vaincus se retrouvent dans un deal sur le dos du pauvre peuple sénégalais. Le 19 mars 2000, le sens et la signification du vote des Sénégalais étaient le renvoi des Socialistes dans l’opposition pour très longtemps.
Mais, le président Abdoulaye Wade a tôt fait de les repêcher. Pas moins de quatre anciens barons du Parti Socialiste, déjà ministres dans les différents gouvernements du président Abdou Diouf, ont eu à siéger, à un moment ou à un autre, à la table du Conseil des ministres du gouvernement du Sénégal sous le magistère du président Abdoulaye Wade : Abdourahim Agne (Ministre des Télécommunications des TIC, des Transports terrestres et des Transports ferroviaires), Djibo Kâ (Ministre d’Etat, ministre de l’économie maritime puis Ministre d’Etat, ministre de l’Environnement, de la Protection de la Nature, des Bassins de Rétention et des Lacs artificiels), Abdoulaye Makhtar Diop (Ministre d’Etat, ministre de la Fonction publique et de l’Emploi), Alassane Dialy Ndiaye (Ministre d’Etat, chargé de la Connectivité). Hors du gouvernement, d’autres caciques du Parti Socialiste avaient transhumé vers les prairies bleues d’alors, avant d’être portés à des postes de responsabilité, après avoir été réhabilités et avoir recouvré une virginité politique.
Feu-Mbaye Jacques Diop, ancien maire indéboulonnable de Rufisque et grand baron du Parti Socialiste sera nommé par le président Abdoulaye Wade au poste de président du Conseil de la république pour les affaires économiques et sociales (Craes) et troisième personnalité de l’Etat. Feu-Abdoulaye Diack, Secrétaire d’État, député-maire de Kaolack, premier questeur à l’Assemblée nationale, président du Conseil régional de Kaolack et premier président du Sénat, membre influent du Parti socialiste sous les présidences de Senghor et surtout de Abdou Diouf, rejoindra lui aussi le Parti démocratique sénégalais du président Abdoulaye Wade au moment de l’alternance politique de 2000.
L’ancien ministre de l’intérieur socialiste, Abdourahmane Sow, deviendra par la suite député PDS. Mbaye Diouf, ancien tout-puissant directeur général de la Société nationale des Chemins de fer du Sénégal (Sncf) du temps d’Abdou Diouf et qui était présenté comme l’argentier du Parti socialiste, finira par rejoindre le président Abdoulaye Wade. Il y a aussi Souty Touré, Adama Sall, Khoureychi Thiam, etc.
Volonté d’adouber des militants de la 25ème heure et des transhumants
Quand le président Abdoulaye Wade a été alterné à son tour en 2012, les Socialistes n’avaient pas encore retrouvé une place dans le cœur des Sénégalais, sinon leurs candidats à l’élection présidentielle de 2012 (Ousmane Tanor Dieng, candidat de la coalition Benno ak Tanor et Moustapha Niasse, candidat de la coalition Benno Siggil Senegaal) seraient qualifiés au second tour. Il faut dire que le mal entre les Sénégalais et les Socialistes est trop profond et leur contentieux trop lourd pour être résorbé ou vidé en si peu de temps.
Malheureusement encore, le président Macky Sall a, comme son maître, le président Wade, ressuscité et revitalisé du bois mort en faisant l’apologie de la transhumance politique. Macky Sall a, en effet, transformé les « loosers » du premier tour de la présidentielle de 2012, Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng, en « winners ». Congédiés dès le premier tour et par la grande porte, les deux ennemis du fameux congrès sans débat de 1996 du Parti Socialiste, sont revenus au second tour, par le petit trou de la serrure, pour soutenir la candidature de Macky Sall, dans le cadre de la coalition Benno Bokk Yaakaar pour, disaient-ils, « gagner ensemble et gouverner ensemble ». Une imposture doublée d’une escroquerie politique.
Ce faisant, gagnés par la paresse, la couardise et la malhonnêteté de reconnaître leur échec et d’aller affronter courageusement les rigueurs et la vie dure de l’opposition, ces nostalgiques des fastes et paillettes de l’establishment, se sont complu dans le confort douillet des ors et lambris du pouvoir. Ils ont préféré l’ombre à la proie, aidés en cela par un président Macky Sall complaisant et complice dans ce qui est considéré comme un viol et un dévoiement du sens du vote des Sénégalais, en 2000 comme en 2012, lorsqu’ils aspiraient au changement et désiraient ardemment l’alternance politique à la tête du pays. C’est hilarant d’entendre aujourd’hui les Socialistes dire, en se prenant très au sérieux, sans pince-rire, qu’ils sont au pouvoir. Certes, ils occupent des positions de pouvoir usurpés et à eux octroyées par les président Macky Sall. Mais, les Sénégalais ne les ont jamais élus.
Dans cette volonté d’adouber des militants de la 25ème heure, des transhumants ou des adversaires politiques naturels, et de frustrer des alliés de la 1ère heure et des années de braises, comme la coalition « Macky 2012 » ou le MAA 26% (mouvement des apéristes authentiques 26%), le président Macky Sall a aussi exhumé des cadavres politiques libéraux venus du Parti Démocratique Sénégalais vomis par le peuple, qui trainent beaucoup de casseroles et dont certains ont encore maille à partir avec la justice, dans le cadre de la traque des biens supposés mal acquis : Me Ousmane Ngom, Awa « kudd » Ndiaye, Serigne Mbacké Ndiaye, etc. Comme quoi, l’étudiant Mamadou Diop et la dizaine de Sénégalais tombés durant la période pré-électorale de 2012, sont morts pour rien.
Un principe fort en démocratie, c’est que les vainqueurs gouvernent et que les vaincus s’opposent. Maintenant, si en fin de mandat un régime est déposé démocratiquement par le peuple, il doit avoir le courage et la grandeur de se démettre, de partir avec armes et bagages et accepter la rude traversée du désert qu’est l’opposition dans nos républiques bananières. Pour ce faire, il faut s’armer de dignité et tâcher de travailler à reconquérir démocratiquement le pouvoir et non d’essayer de passer entre les mailles du filet pour resquiller et revenir aux affaires de manière illégitime. Le cas échéant, c’est l’alternance politique qui est dévoyée et la démocratie sénégalaise mise à mal.
Pape SAMB
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