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La Problématique Des Choix

La Problématique Des Choix

«Le diplôme ne sanctionne pas le niveau, mais les études», a-t-on l’habitude de dire. S’il est vrai que le but de la formation est d’amener l’individu à un niveau de réflexion et de réaction propres au profil qu’il incarne, il n’en demeure pas moins que les choix opérés sur les personnes demeurent sujets à controverse voire à une polémique qui ne dit pas son nom. Et pourtant, devant la loi du nombre qui s’applique à tous, le critère reste la seule passerelle permettant au décideur de porter son choix sur telle ou telle personne. Dans tous les domaines de la vie et dans toutes les corporations, les choix opérés sur les hommes dérangent et sont le lit d’une contestation ouverte ou en sourdine, selon l’appartenance.

Pour ce qui concerne le métier des armes, il pose certaines exigences liées au répondant physique, intellectuel et moral avérés, mais aussi à des vertus que la formation n’est pas assurée d’inculquer à un individu. Mieux, la décision en théâtre d’opérations impose de la lucidité, de la clairvoyance, mais également une suffisante dose de courage.

En un mot, ce qui généralement fait la décision sur le terrain est souvent laissé en rade au moment des choix ; et pourtant c’est assurément ce qui génère une confiance aveugle au «leader» et octroie tacitement l’adhésion sans limite des hommes qu’on commande. Se demande-t-on aujourd’hui pourquoi l’expérience est reléguée au second plan au détriment du diplôme, seul critère érigé en règle dans le choix des hommes.

La spécificité du métier des armes exige de la plupart des chefs des qualités humaines et professionnelles sûres, car le succès est au bout de l’effort à tous les niveaux. On a aussi noté que l’expérience n’est rien d’autre que les enseignements tirés des évènements qu’on a vécus. Si la compétence s’acquiert graduellement, force est de reconnaître aussi que l’expérience en est le levier fondamental. En clair, la formation dans les écoles ou centres de formation développe des réflexes et inculque des connaissances liées à l’exercice du futur emploi. Comme disait le penseur : «La culture est ce qui s’ajoute à la nature.» Donc au sortir de ces creusets de formation, le produit qui en sort est en quelque sorte une matière première que les évènements, je veux dire les expériences, vont pétrir pour l’amener au niveau de la polyvalence, de la compétence avérée.

Seulement, aussi rapide que cela puisse paraître, ce cheminement est un long processus au cours duquel l’individu se bat pour soigner ses lacunes, parfaire ses qualités au contact des hommes et déterminer ses limites.

I. Au sein des armées

Dans un passé récent, dans les années post-indépendance, la dominante dans l’Armée était physique. Même si le modernisme impose que les militaires, toujours puisés parmi les meilleurs, soient à la page dans ce paysage mondial de course vers la technologie de pointe, l’on ne doit jamais oublier que la guerre se gagne à deux niveaux. D’abord celui de la conception, mais aussi sur le terrain, avec les hommes dont la restitution reflète le tiers de leurs connaissances et le reste de leur valeur intrinsèque. On a beau avoir des stratèges dans les cabinets d’état-major, si sur le terrain on ne retrouve que de piètres combattants, la déroute sera inéluctable. Pourtant, l’on se rappelle que les contingents noirs envoyés dans les tranchées européennes étaient quasi-illettrés, mais leur bravoure, leur esprit de sacrifice, en un mot les qualités d’hommes vertueux qui les caractérisaient, ont supplanté les formations sommaires de combattants qu’ils ont reçues avant d’être engagés.

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Sur un autre plan, ce n’est pour rien que la promotion dans l’Armée va avec le commandement des cellules dont la taille s’agrandit au fur et à mesure qu’on avance dans la carrière. Des équipes choc et feu jusqu’au niveau de l’unité élémentaire, les entités ont à leur tête non pas simplement des gens titulaires du diplôme requis, mais aptes au commandement, sans oublier que cette notion soulignée tantôt exige des qualités de chef ou de «leader», si vous voulez.

Donc, à la tête des unités de combat par exemple, nous avons besoin de capitaines à l’esprit vif, téméraires, endurants, pour se résumer, des meneurs d’hommes. Ce faisant, est-il logique que pour des soucis de grande sélection, des critères d’âge soient observés pour la suite de la carrière de ces hommes ? Doit-on oublier les résultats sur le terrain, rien que pour faire régner la grande sélection dont la base n’est que théorie ? On peut accepter que les choix stratégiques soient faits par des gens pointus préparés dans de hautes écoles, mais si l’accès est fermé aux autres, cela ne pose-t-il pas problème ? La nature humaine est faite d’insuffisances et d’aptitudes dans des domaines variés, ce qui nous fait noter que les grands théoriciens ne sont pas souvent des hommes de terrain. Aussi, l’histoire militaire nous enseigne que les grands baroudeurs français, américains ou allemands n’ont pas pour la plupart fréquenté les grandes écoles et pourtant, on retiendra leur nom pour les hauts faits de guerre qui ont créé une légende autour d’eux (Patton, Bigeard ou Rommel).

En poussant la réflexion, il sera permis de se demander l’utilité et l’emploi futur de ces hommes laissés en rade. Les stages complètent l’ouverture intellectuelle, il est donc tout à fait opportun de recentrer leur sort, car à quelque niveau qu’on voudrait les employer, ils sont appelés à assumer des fonctions dans les chaînes de commandement ou dans les missions extérieures. Autrement, la formation étant continue et les responsabilités évolutives, un officier doit dans son cursus normal passer par toutes les phases de formation.

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II. Au sein des entités civiles

Dans le milieu civil, les systèmes mis en place ne répondent pratiquement à aucun critère. Mieux, c’est le domaine privilégié d’énormément d’astuces qui sont érigées en institution sous le nez du législateur, comme si aucune disposition réglementant les choix n’existait. La raison est souvent liée à la politique qui est pourtant censée être menée par les dépositaires de pouvoirs et de titres, mais pour une gestion saine des affaires de la cité. Mais au-delà de ce milieu politique existent des pratiques qui n’honorent point notre pays. L’exemple du concours organisé par le ministère de l’Education en est un. Comment peut-on faire dans l’opacité s’il s’agit de choisir ceux qui doivent éduquer les futures élites du pays ? Dans un passé récent, un choix a été opéré sur une dame dont le profil ne cadrait point avec l’emploi à occuper, heureusement qu’elle s’est démise à temps, devant l’énormité des dégâts que son action et ses décisions engendreraient.

Dans le milieu associatif et certaines organisations telles que les fédérations sportives qui gèrent des activités vitrines du pays, l’on assiste à une situation toujours décriée. Souvent confiées à des mains inexpertes, les dépositaires de ces fonctions temporaires en font une propriété et signent dans la pérennité, à cause des retombées qui ne disent pas leur nom. Aussi, chaque fois que des renouvèlements sont de mise, ils donnent droit à des déchirements souvent sanglants. L’on ne devrait pas donc s’étonner de ne pas voir notre pays trôner sur le continent dans plusieurs domaines de compétition. Il est difficile de faire l’unanimité autour d’une personne, le tout sur fond de luttes internes et fratricides sur le dos de l’intérêt public. L’Africain aime le pouvoir, disait le chanteur.

Le choix des hommes dans les hautes sphères du pays n’échappe pas à cette situation, osons le dire. Ce serait malhonnête de ne pas reconnaître que les nominations sont décriées et généralement expliquées sur la base d’une coloration ethnique. Mais si la grogne est visible, la contestation est battue en brèche par ce garde-fou discrétionnaire que les institutions gardent jalousement. André Suarez disait, je le cite : «Toute l’œuvre de Dostoïevski est une vie dans la profondeur et dans la vérité secrète qui est l’unique vérité», fin de citation. Donc, ce sont nos textes à comprendre et nos systèmes à revoir, au besoin pour que les frustrés ruminent autrement leur colère.

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III. Des alternatives

Afin d’éviter de donner aux laissés en rade une impression d’oubliés du système, l’on est tenté de penser à explorer des voies qui permettraient à ceux-là de valider leurs compétences. Cette posture permettrait à l’institution de multiplier et de faire éclore les compétences, un nouvel élan et une émulation entre les hommes et tuer dans l’œuf tous ces débats qui peuvent gangrener notre unité nationale.

– Entrée dans la fonction publique : Pour renforcer la disponibilité des personnels, redynamiser leur esprit civique et mieux outiller les fonctionnaires dans cet environnement de risques sécuritaires, le service militaire devrait être une exigence pour les futurs agents de l’Etat. Ce n’est pas dans un but sectaire, mais une autre réponse pour relever les défis de l’heure et faire baisser les grèves et contestations de toutes sortes qui nous handicapent toutes les années.

– Les nominations aux hautes fonctions : Dans le but de mieux renforcer notre démocratie, il urge de suivre le modèle américain et de soumettre à l’Assemblée pour validation les désignations pour ces fonctions stratégiques. Même si l’Assemblée peut avoir une coloration quelconque, on légifère pour les générations futures, car certains débats remettent en question notre unité nationale même, et cette mesure perfectible resterait béton dans ce Sénégal miroir et laboratoire de démocratie.

En définitive, l’Armée demeure un milieu où la marge d’erreur dans l’exercice du commandement est très réduite. Si forcément des critères doivent être retenus pour faire appliquer la loi du nombre et être en respect des exigences liées à la hiérarchie pyramidale, on devrait clarifier les profils de carrière à tous les niveaux et attaquer avec courage et célérité certains sujets rendus tabous sans que l’on ne sache pourquoi. Face aux concepts de temps de commandement et de temps de responsabilité clairement définis à nos jours, la réflexion devrait s’orienter vers la multiciplicité des filières. Il y va de l’intérêt de l’Armée et de ses cadres, car comme la courbe d’attention qui chute au-delà de midi, le répondant physique décline au cours de la carrière pour laisser la place à la sagesse et à l’expérience qui ne sont rien d’autre que la lumière de tous les temps.

Dans le sillage de l’Armée, l’Administration devrait mener ces avancées, car notre pays est à un niveau où tout est perfectible, c’est la seule lecture citoyenne qu’il faudrait noter. Nous aimons ce pays et tout ce qui pourrait remettre en question ses acquis doit être combattu.

 

Lieutenant-colonel (Er) Adama DIOP

-Ancien Chef de la Division Médias et stratégies de la Dirpa.

ada_diop2003@yahoo.fr

 

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