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Le Sénégal Qui M’a été Raconté

Notre cher Sénégal était pays de la Teranga ascendante, d’hospitalité légendaire, d’accueil à bras ouverts et à visage radieux souriant devant les étrangers du monde entier. Il était la destination préférée des travailleurs saisonniers de la sous-région (les Nawétanes), venus principalement du Mali, du Burkina Faso (ex. Haute Volta), composés essentiellement des Bambaras, des Soninkés (Sarakholés) et des mossi (Turka).

Le bassin arachidier fut leur terre d’accueil, les gares ferroviaires de Guingunéo, Gossas  Kaolack,… étaient leurs points de débarquement et d’embarquement, comblés de joie après avoir payé des vélos, des radios transistors, des boubous tricolores et des pagnes pour leurs conjointes ou futures épouses.

Le Sénégal comme il m’a été raconté était connu de par le courage, la tolérance, la solidarité,  l’entraide, le dialogue franc, fraternel, permanent et fructueux entre les gens, les ethnies et les religions. La cohabitation était cordiale et pacifique entre les familles, les coépouses, les ethnies et les religieux.

Le Sénégal qui m’a été raconté était connu par son ouverture aux autres ; le cousinage à plaisanterie transcende les âges, brise  les clivages ethniques et aplanit la stratification sociale.

Dans le Sénégal qui m’a été raconté, la parole était sacrée, contrôlée, mesurée, pesée pour qu’elle soit pleine d’amour, de tendresse, de politesse. Personne n’osait transgresser la dignité de son semblable ou ternir son image par des injures, des calomnies et des accusations fortuites.

Dans le Sénégal qui m’a été raconté, la vie humaine était tellement sacrée qu’on ne l’ôtait pas pour un mégot de cigarette, une éraflure sur le portail d’une bagnole, une banale discussion.

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Dans le Sénégal qui m’a été raconté, le viol, la pédophilie,  l’homosexualité, l’agression à main armée, le meurtre, la prostitution à visage découvert, … étaient perçus comme culture étrangère que l’on visionne avec stupéfaction dans les salles de cinéma et non comme monnaie courante et mode de vie des Sénégalais.

Dans le Sénégal qui m’a été raconté, le fait de manger dans la rue, d’uriner debout dans un coin de la rue était synonyme d’être  hors norme en transgressant les vertus sociales ancestrales.

Dans le Sénégal qui m’a été raconté, les religieux étaient vertueux, banalisaient la vie de ce bas monde avec ses jouissances éphémères en échange de celles éternelles de l’au-delà. Les guides religieux se concertaient pour s’unir, relever les défis et adopter une position commune sur les grandes questions de l’heure et non créer la  division et rivaliser pour défendre la famille au détriment de l’unité de la Umma.

Dans le Sénégal qui m’a été raconté, être un guide religieux s’acquiert et se mérite par la crainte d’Allah, l’éthique morale, la connaissance des sciences religieuses, la droiture et non par l’héritage du simple fait de porter un tel ou un tel nom de famille.

Les hommes et les femmes haïssaient l’humiliation, la soumission, la domination étrangère.

Les hommes se sentaient heureux en partageant leur bien avec autrui, chacun manifestait son amour envers l’autre, aimait dire la vérité rien que pour la vérité.

Les femmes rivalisaient pour obéir et servir leur mari pour qu’Allah le Tout Puissant leur donne des filles et des fils de haute facture, comblés d’éthique, respectueux dans la société.

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Les enfants obéissaient sans condition et sans hésitation à leurs parents en quête de leur bénédiction (baraka).

Les élèves aimaient la lecture, la dissertation, la poésie et non le port de préservatif.

Les étudiants rivalisaient autour de la quête du savoir et pour la maitrise parfaite des connaissances et non autour de  l’appartenance et des querelles politiques ou confrériques.

Les parents veillaient à l’éducation et à la réussite de leurs enfants et ne les jetaient pas dans la rue pour mendier au nom de la religion ou de l’apprentissage du saint Coran.

Les enseignants transmettaient leur savoir aux élèves et aux étudiants par devoir, amour et abnégation et non pour l’argent et les primes.

Dans le Sénégal comme il m’a été raconté, les maîtres coraniques tiraient leurs moyens de subsistance des travaux champêtres et non pas  de ce qu’apportent les talibés-mendiants.

Les terres étaient fertiles, productives et nourrissaient  les populations de par l’abondance de la récolte tirée de petits lopins de terre.

Il pleuvait cinq mois durant et on s’extasiait devant la beauté éclatante de la verdure de paysages herbacés sous les arbres de la forêt.

Les arbustes de la savane et les buissons du Sahel, le peuplement des arbres épineux et les non épineux attiraient la curiosité des voyageurs.

L’imposant et majestueux baobab et le (Khaye ?????) ornaient les bords des routes comme le patrimoine national floral et non les arbres importés.

Les cours d’eau, les lacs, les rivières, les dépressions, les zones humides gardaient longtemps l’eau du ruissellement  grâce à la faible évaporation consécutive de la densité du couvert végétal des alentours.

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Les greniers étaient toujours pleins, les épis de la nouvelle récolte se substituaient  à  ceux de l’année passée, témoin de la grandeur d’une famille.

Compte tenu de l’abondance de la nourriture, l’émigration hors du terroir était inconnue et mal perçue ; les jeunes villageois passaient leur temps, après les récoles, à la chasse, à la lutte traditionnelle et à discuter sous l’arbre à palabre.

Le Sénégal qui m’a été raconté était gouverné par des femmes et des hommes intègres et vertueux qui se respectaient et honoraient leur parole, leur engagement, rendaient service au pays de par leur savoir, la sueur de leur front et leur travail  et ne se servaient pas de lui.

Le denier public était sacré et considéré comme une braise tombée entre les mains pour qu’on veuille s’en débarrasser pour ne pas se faire brûler ou incendier tout ce qui est autour.

L’Homme européen était vu par les campagnards comme Dieu, l’Arabe comme un islam debout qui marche, le Citadin comme un prince de par sa civilité.

Le Sénégal qui m’a été raconté est aujourd’hui méconnaissable, tout est chamboulé, les repères sont perdus, la boussole n’indique plus la bonne direction. Tout est à refaire, tout est à revoir, tout est à corriger  pour donner un nouveau départ.

 

Docteur El Hadji Ibrahima THIAM

Chercheur – Environnementaliste

 

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