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Privatisation Des Forages Ruraux : Lourdes Menaces Sur La Stabilité Sociale

Privatisation Des Forages Ruraux : Lourdes Menaces Sur La Stabilité Sociale

«Dans une démocratie, la fonction la plus importante est celle du citoyen», disait le juge Louis Brandeis.

Je demande solennellement aux honorables députés de nous éclairer sur les modalités de cette privatisation et sur ces piètres résultats.

En effet, il est temps d’observer que le Sénégal est à la croisée des chemins et la deuxième alternance n’a pas fini de brouiller les pistes du nouvel «espoir» au lendemain du 25 mars 2012. Après quatre ans de pouvoir, l’horizon s’assombrit et les options sont brouillées par des actes qui rappellent d’autres époques. L’âpreté des batailles électorales et la persistance du combat pour le développement nous indiquent plus de responsabilité dans les véritables choix de l’avenir pour dépouiller toute absurdité à la vie politique nationale, économique, culturelle et sociale.

L’économie et ses perspectives ne sauraient ne pas être au service de l’homme. Ce qui nous amène aujourd’hui à dire que la croissance n’est pas une fin en soi. Une croissance gagne toujours en légitimité si elle se fige dans les vertus de la «justice distributive».

On se le rappelle, «Madame moulin» et «Monsieur forage» !

Tellement la question de l’hydraulique rurale était lancinante et avait fini de trouver des voies de solutions sous les magistères des Présidents Abdou Diouf et ensuite, Abdoulaye Wade. Le gouvernement de la première alternance trouva tout un dispositif porté par les Asufor (en charge de la gestion des forages ruraux). La gestion de l’hydraulique rurale a fini de convaincre les populations que la gestion communautaire avait ses limites, mais également ses avantages. Les populations se sont exercées à la gestion avec la mise en place des Asufor qui ont pu gérer l’entretien et les affaires courantes des forages ruraux. Avec la création de l’Ofor, par la loi 2014-13 du 28 février 2014, l’idée de la privatisation fût lancée et par la suite une société de droit privé se voit attribuée la gestion des forages ruraux au Sénégal. La société devait investir afin de stabiliser la gestion des infrastructures et rendre meilleure la qualité de l’eau, récupérer les sommes colossales gérées jadis par les Asufor, et professionnaliser le dispositif. Ainsi, un protocole fut signé le 24 mars 2016 avec l’Association des maires du Sénégal (Ams), déterminant les mesures transitoires «pour impliquer l’Ams dans le processus de gestion actuelle des ouvrages hydrauliques à travers les Asufor» (1).

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En réalité, privatiser n’est pas mauvais en soi ! Mais quand la privatisation n’a aucune plus-value sur la gestion et les investissements, il est loisible de se demander si c’est la peine de la consacrer. Il est clair que cette privatisation rampante de l’eau rurale a des conséquences drastiques sur le panier de la ménagère. On peut citer, entre autres questions posées par les populations qui se préparent dans bien des localités à la résurrection rurale autour de l’eau, la flambée des prix. Les prix sont passés du simple au double. Les populations méconnaissent les modalités de facturation, car elle n’est guère transparente. Mais elles peuvent constater toute augmentation. Les comités d’initiative qui se mettent en place sur l’ensemble du territoire protestent contre des factures qui sont passées de 5 000 F à 15 000 F, devenant 3 fois plus chères qu’à la période faste de la gestion communautaire malgré la baisse du mètre cube de 300 F à 275 F Cfa (2).

Déjà dans la vallée du fleuve Sénégal, où comme le dit le célè­bre chanteur «l’eau coule à flot», un Walo-Walo ne peut pas comprendre devoir payer une facture d’eau plus chère que celle des habitants de Dakar qu’il alimente en eau à partir du Lac de Guiers. De même, il est difficile de comprendre que les villages tout autour de l’usine des eaux n’aient pas accès à une eau potable alors que l’eau coule orgueilleusement vers Dakar. C’est un des paradoxes de l’iniquité des politiques publiques et également de la privatisation en cours.

Le directeur de l’Ofor est monté récemment au créneau dans un numéro du magazine Nouvel Hori­zon paru au mois de novembre 2016 pour sermonner Touba, la sainte, et se rebeller contre le refus du paiement de l’eau à Touba.

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Touba a toutes les raisons de résister à la privatisation galopante, perçue comme une démission de l’Etat face à ses devoirs de services publics, tant qu’elle n’a pas accès à une eau de qualité et qu’elle n’a pas d’assurance que les privés ne vont pas devenir les manitous d’une denrée aussi essentielle que l’eau pour les prendre en otage.

Sa requête, celle du Dg de l’Ofor, peut s’avérer légitime, mais la privatisation qui exclut les populations et les met en état de subir le diktat des entreprises privées, soucieuses que de leur profit, ne rime pas avec cette exigence. Touba a raison de se constituer en bouclier pour les intérêts des autres populations des collectivités locales pour mettre la pression sur le délégataire et l’Ofor afin d’exiger : une tarification responsable et transparente ; une gestion de l’eau qui associe les citoyens du fait que les populations ont eu à participer à l’élan des investissements pour l’accès à l’eau dans leur terroir ; la réalisation des investissements promis par le délégataire et aux fins d’amélioration de la qualité de l’eau ; la stabilisation des branchements à un niveau socialement acceptable ; la formation et qualification des jeunes des localités pour une préférence locale en matière de recrutement ; la mise en place d’une structure autonome de suivi des engagements liés à la privatisation.

Sans cela, il sera difficile de contenir la grande colère rampante des populations qui rappellent le cauchemar des politiques de privatisation des années 90. Abdou Diouf l’a appris à ses dépens !

Il est essentiel de rappeler que notre économie n’est la résultante ni d’une loi naturelle, encore moins d’une fatalité. La marche a été le fruit d’essais et d’échecs, mais à aucun moment le dialogue avec les citoyens n’a cessé. On ne peut se permettre dans une économie de rompre le contrat ou d’exclure le citoyen. Ce dernier est au centre des actions et c’est parce qu’il est au centre que toute approche novatrice doit être inclusive et transparente.

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Mansour NDIAYE

Président Union pour la démocratie et la réforme

(Urdr) Dooley yaakaar

# Protocole entre AMS et OFOR en date du 24 mars 2016.

# Cas des communes de Ross-Béthio, de Mbakhana (dans le Diama)

 

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