Le cœur vous tombe dans le ventre, lorsque vous surgissez devant la gare de Dakar et que vous ne voyez plus de gare.
Un horrible mur de clôture et un chantier hideux de ce qui ressemble à des boutiques ou des kiosques vous bouchent la vue sur ce magnifique patrimoine colonial qui fait la beauté de notre capitale.
Nous sommes choqués par ceux qui ont pris sur eux de commettre un tel crime. Oui, il s’agit bien d’un crime quand un pareil patrimoine est soumis à ce sort, tout près de deux infrastructures que l’on considère, à tort ou à raison, comme des bijoux: le Grand Théâtre et le Musée des Civilisations noires.
Nous savions que le Président Abdoulaye Wade avait décidé souverainement de faire de la gare de Dakar le Musée d’art contemporain du Sénégal. L’idée était alléchante. Les autorités ferroviaires, semble t-il, s’y étaient opposées, mais en vain. La décision du prince était prise et irrévocable au nom du bien d’État. Il quitta le pouvoir sans avoir réalisé son projet, mais il avait pesé de son poids et de son autorité.
Nous ne savons pas ce qui s’est passé après son départ.
Nous ne connaissons pas les tenants et les aboutissants de ce dossier de la gare de Dakar et à qui appartient la gare de Dakar, en réalité. Par contre, nous savons que la volonté de l’État peut prévaloir pour conserver tel quel ce patrimoine magnifique.
Nous faisons appel à qui de droit, à celui à qui on pense sans hésiter dans de tels cas d’urgence : Monsieur le président de la République. Comme il l’a fait en confiant le dossier de la corniche à son intransigeant Premier ministre, il doit, avec respect, sans tarder, demander à ce dernier de faire arrêter les travaux, de détruire le hideux mur qui masque la gare et tout le reste.
Ce chantier de la gare de Dakar doit s’arrêter dans les heures et les jours qui suivent. Une enquête doit être diligentée. Un dialogue doit être engagé avec ceux qui, légalement sans doute, se sont permis de commettre un tel gâchis, un tel crime.
Aucun Sénégalais patriote ne peut accepter ce qui se fait à la gare de Dakar. Elle a disparue. On ne la voit plus. Nous avons frôlé la crise cardiaque devant le spectacle, en pleine nuit, avec des travaux qui s’accélèrent. Allez donc voir le drame et le constater par vous même.
Nous avons déjà perdu dans ce pays un patrimoine considérable, du fait de puissances d’argent qui ont acheté jusqu’à des bâtiments dans des zones classées. Nous avons perdu le quartier du marché de Kermel en laissant y ériger le plus misérable et le plus insoutenable des hôtels. Ce quartier ne méritait pas un tel monstre qui a fait disparaître la beauté du marché Kermel. D’ailleurs, on ne le voit même plus le marché Kermel. Il est mort.
Le Sénégal, terre de culture et d’art, ne mérite pas un tel désastre. Nous en appelons à tous les Sénégalais d’ici et de la diaspora, le Président Macky Sall le premier, pour combattre et dénoncer avec nous ce que l’on est entrain de faire du patrimoine de la gare de Dakar. Nous en appelons à tous les médias d’ici et d’ailleurs pour soutenir notre combat. Nous en appelons à tous les amis et à tous les amoureux du Sénégal. Il faut sauver la beauté. Une œuvre d’art vaut tous les combats.
On ne peut pas imaginer le Palais présidentiel être subitement entouré un matin d’un mur qui nous empêche de voir son bâtiment, ses jardins.
Que l’on nous pardonne notre colère. Mais on ne peut pas laisser faire de tel drame dans notre pays. Cela relève de notre foi et du respect et de l’amour que nous avons pour notre pays.
Amadou Lamine Sall