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Pour Le Rétablissement Partiel De La Peine De Mort

Pour Le Rétablissement Partiel De La Peine De Mort

Monsieur le président de l’Assemblée nationale, Honorables députés, Mesdames et Messieurs,

Avant tout, qu’il nous soit permis comme tant d’autres d’alimenter auprès de vous, illustres représentants du Peuple, la conversation nationale autour d’une question cruciale : la peine de mort. D’entrée de jeu, nous sommes opposés au rétablissement intégral et à l’application implacable de la peine capitale. Nous sommes tout aussi opposés au crime-sous-couvert-de-l’abolition-de-la-peine-de-mort transmué, truqué et travesti, aujourd’hui, en permis de tuer assorti d’un simple retrait de la licence de circulation.

Cependant, notre position se situe à l’intersection de ces deux extrêmes. Une position intermédiaire qui consiste à introduire un principe d’exceptionnalité à cette abolition, ce qui entraînera une peine de mort automatique dans des cas bien précis. C’est ce que nous appellerons ici «le crime capital parfait» qui n’est rien d’autre qu’un meurtre sauvage et barbare commis en direct, soit à bout touchant, soit à bout portant devant témoin(s) – comme c’est de plus en plus le cas au Sénégal – et donc, qui ne nécessite ni enquête ni une instruction ni risque d’erreur judiciaire. Mais avant de tenter d’apporter une dignité conceptuelle à ce principe d’exceptionnalité, permettez-nous, Monsieur le président, Honorables députés, de replacer sereinement les choses dans leur contexte.

Pour rappel, le 10 décembre 2004, douze ans déjà, sous la houlette du président Pape Diop, vos prédécesseurs avaient eu le redoutable privilège d’examiner un projet de loi voulu par le Président Abdoulaye Wade et défendu par son garde des Sceaux, ministre de la Justice, le Pr Serigne Diop. Ce projet de loi était relatif à l’abolition de la peine de mort au Sénégal. Au moment où les députés de la dixième législature prenaient cette initiative, attendaient dans le couloir quatre condamnés à mort.

Moustapha Niasse avait-il raison en 2004 ?

Après une demande de grâce présidentielle, leur condamnation avait été commuée en une peine de prison à vie. Parce que forts d’une majorité écrasante, les élus libéraux avaient adopté cette loi «historique» aux yeux des médias et des organisations des droits de l’Homme d’extraction européo-centristes, en même temps qu’elle laissait le Peuple perplexe et incrédule. Seule une bonne frange de l’opposition, dirigée par l’Alliance des forces de progrès (Afp) de Moustapha Niasse, avait manifesté sa totale désapprobation. Aujourd’hui, les faits semblent lui donner raison. Il faut rappeler que depuis 1967 – cinquante ans déjà – la peine de mort n’a été appliquée que deux fois au Sénégal : le premier accusé, Moustapha Lô, avait tenté d’assassiner le Président Léopold Sédar Senghor ; tandis que le second, Abdou Faye, avait froidement abattu l’honorable parlementaire Demba Diop. Un demi-siècle plus tard, l’histoire se répète. Ce 19 novembre 2016, jour de grand Magal, dès potron-jaquet, une autre déléguée du Peuple, la conseillère économique, sociale et environnementale Fatoumata Makhtar Ndiaye a été sauvagement égorgée. Au-delà de ce crime odieux, ajouté à celui du taximan Ibrahima Samb, pas une semaine au Sénégal sans homicide spectaculaire, sans assassinat public, sans meurtre en live. Une petite comptabilité macabre permet d’enregistrer des centaines de crimes crapuleux au cours de la décennie. Alors, un constat s’impose : Douze ans après l’abolition de la peine de mort, le bilan est reluisant pour les criminels, satisfaisant pour les organisations des droits de l’Homme, stupéfiant et terrifiant pour les populations. Il y a donc lieu de revoir «notre» copie. Parce que d’abord, il n’y a pas de consensus international sur la question ; parce qu’ensuite, face au terrorisme, plusieurs Etats viennent de réintroduire la peine capitale ; parce qu’enfin, nos sociétés en panne sont devenues violentes et criminogènes.

Bilan reluisant pour les criminels

De là, nous entendons les cris d’indignation des abolitionnistes. Nous percevons leurs éléments de langage préfabriqués. Ils s’en vont répétant que «la peine de mort est un meurtre commis par un Etat avec préméditation et sang-froid, un châtiment cruel, inhumain et dégradant, infligé au nom d’une justice d’un autre âge». Ils aiment à réciter également l’article 7 de la Constitution du 22 janvier 2001 : «La personne humaine est sacrée […] Tout individu a droit à la vie.» Soit ! Mais allez donc dire aux familles éplorées dont les parents sont six pieds sous terre que «la vie des criminels est sacrée». Nullement désemparés, ces abolitionnistes vous expliquent avec un aplomb considérable que la tendance mondiale est à la disparition de la peine capitale. Dans la foulée, ils vous calculent environ 140 Etats abolitionnistes sur 198. Mais comme dit Platon, «il n’est pas permis de s’emporter contre la vérité». Ils oublient d’une part de préciser que plus de 65% de la population mondiale n’ont pas aboli la peine de mort. Pour s’en convaincre, il suffit de citer les Etats les plus peuplés que sont la Chine, l’Indonésie, le Bengladesh, le Nigeria, le Pakistan, les Etats-Unis et le Japon, en autres. En y ajoutant l’Egypte, la Tunisie, le Tchad, le Cameroun et le Soudan qui viennent de rétablir la peine de mort à l’effet de détruire «les auteurs d’actes terroristes». Ils oublient d’autre part de rappeler que le Droit international prévoit la peine de mort pour les crimes les plus graves. Ils oublient d’autre part encore de souligner que l’Onu, par la voix de Ban Ki-Moon, estime que «la question est du ressort de chacun des Etats membres».

Au demeurant, ils n’oublient jamais leur principal argument qui est le risque d’erreur judiciaire. Ils ont raison ! Et c’est bien là qu’il faut également les rassurer. Oui «la peine irréparable suppose un juge infaillible». Or nul ne peut être atteint du «syndrome d’infaillibilité». C’est pourquoi notre théorie du «crime capital parfait» est construite autour de la flagrance.

Les articles 337 et 346 du Code pénal sénégalais avaient été modifiés. Il s’agira de prévoir encore de nouvelles dispositions pour infliger un châtiment juste et approprié aux auteurs de crimes les plus horribles. Expressis verbis, l’on disposera par exemple que, lorsqu’on tue devant témoin(s) une ou plusieurs personnes ; lorsque manifestement l’on est en présence d’un crime flagrant ou d’un acte terroriste, la peine de mort doit être automatique et la piqure létale immédiate. Sauf pour les cas suivants : i) si le criminel a moins de 18 ans au moment des faits, ii) si la personne est en état de grossesse, iii) si elle allaite un enfant et iii) si le meurtrier est âgé de 80 ans révolus.

La loi pour défaire la loi

Notre principe d’exceptionnalité pénale vient tempérer le caractère faussement «irrévisable» de l’abolition de la peine de mort au Sénégal. Sous le bénéfice de cette affirmation, il faut rappeler, Monsieur le président de l’Afp, que le 10 décembre 2004, entouré par les députés de votre parti, vous refusiez de façon héroïque de voter l’abolition de la loi sur la peine capitale. Malheureusement en ces temps-là, vous étiez minoritaires. Ironie du sort, aujourd’hui, vous êtes heureusement majoritaires. C’est pourquoi nous en appelons à votre esprit de cohérence, à votre conscience politique, à votre éthique de responsabilité et même à vos saines colères qui manquent furieusement à cette douzième législature.

Honorables députés, vous êtes globalement favorables au rétablissement de la peine de mort, sous certaines conditions. Parce que tout, à commencer par votre for intérieur, votre déontologie intime, votre intime conviction et vos croyances religieuses, vous conduit irrémédiablement vers une proposition de loi allant dans ce sens. C’est alors que vous tiendriez l’occasion ultime de refléter parfaitement la volonté populaire.

En Droit, l’on nous enseigne que «ce que la loi a fait, seule la loi peut le défaire». Mieux, l’initiative des lois appartient concurremment au gouvernement et au Parlement. Le ministre de la Justice, Me Sidiki Kaba, champion des droits de l’Homme, dans une autorité verticale, a professé sa religion : «Il n’est pas question de revenir sur la peine de mort.» Mais les élus du Peuple, avec à leur tête l’honorable député Seydina Fall, ont également la leur. Alors question d’une simplicité bouleversante : à la fin, qui donc représente le Peuple souverain ? Ou bien doit-on encore tenir un autre référendum ? En tous les cas, le Peuple est toujours maître de changer ses lois, même les meilleures (Jean-Jacques Rousseau). Et puis, vox populi dei est. La voix du Peuple est la voix de Dieu. Une simple proposition de loi, expression de la volonté générale suffit.

 

Dr Cheikh Omar DIALLO

Docteur en Science politique – Consultant en communication

Journaliste-auteur

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