La civilisation industrielle, impulsée par le culte du productivisme et des taux de croissance illimités, est actuellement entrée dans la dernière phase de destruction de la planète : les mers du monde se meurent sous les effets accumulés de la surpêche et des déversements sauvages de produits chimiques et d’ordures solides, les aires agricoles, pastorales et forestières diminuent de façon drastique alors que la population mondiale ne cesse de croître et de vivre des crises alimentaires récurrentes, le nombre des réfugiés économiques et climatiques est en hausse constante, alimentant ainsi les tensions intra et intercommunautaires dans toutes les régions du globe. Aucune région, ni aucune communauté dans le monde ne sont aujourd’hui épargnées par les effets dévastateurs des changements climatiques.
Pourtant, près de treize siècles avant le début de l’ère industrielle et de ses conséquences désastreuses sur la santé de notre planète et le bien-être des communautés humaines, l’islam avait indiqué clairement les voies à suivre pour maintenir les grands équilibres écologiques et éviter ainsi les catastrophes climatiques que l’humanité connaît actuellement. La préservation de l’environnement est une dimension fondamentale de l’islam. Au-delà des rites cultuels rythmant le quotidien de ses fidèles, la religion musulmane offre un mode de vie, de pensée et d’action basé sur une vision globale et respectueuse de l’univers, de l’homme et de l’ensemble de ces créatures divines dans leur interrelation dynamique.
Allah, le Très Haut, a créé les éléments de notre univers avec mesure et une précision dépassant l’entendement humain, dans des proportions exactes, tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Le Créateur les a ordonnés dans une harmonie sans faille en mettant un équilibre dans leur mouvement, leur température, leur force d’attraction, les effets de leurs champs magnétiques et dans leurs phénomènes électriques, dans les eaux des mers et des océans, entre les planètes. Cet équilibre est inscrit au sein de chaque sous-système, de chaque élément, de chaque être vivant, entre toutes les créatures, entre le cycle de la vie et de la mort pour que justement aucune espèce ne domine jamais l’autre. Dieu dit au verset 40 de La Salvation : «Nous avons créé toute chose et lui avons évalué sa mesure.» Le Tout-puissant le réitère dans le verset La Lune : «Nous avons certes créé toute chose avec juste mesure.» (Coran 54:49)
Notre univers, comme notre planète, les organismes vivants, les cellules animales ou végétales, est constitué, en effet, des systèmes infiniment complexes qui n’existent que par leur équilibre. La force vitale de chacun des éléments est tributaire de cette cohérence interne et externe. Et dans une cohésion globale, créatures et éléments se complètent en se rendant mutuellement service dans une interdépendance complexe et féconde.
Le Saint Coran nous indique également que l’univers n’est pas le fruit d’un hasard. Il a été conçu à dessein. Chaque élément de ces systèmes a été créé pour être au service de Dieu qui administre Ses créatures et Ses créations en utilisant les unes en faveur des autres et en contrôlant les cycles miraculeux de la vie et de la mort.
L’islam nous enseigne que tout ce qui se trouve dans l’univers, tous les systèmes écologiques et les formes de vie qu’ils soutiennent ont été soigneusement conçus par Allah et sont dépendants de Lui et à Son service. Par conséquent, les êtres humains ont plus en commun avec les tortues, les papillons et les montagnes qu’avec leur Créateur. Allah affirme, en effet, dans le Coran : «Ce n’est pas par divertissement que Nous avons créé les cieux, la terre et tout ce qui se trouve entre les deux. En vérité, Nous les avons créés dans un but précis.» (Coran 44:38-39). A titre illustratif, nous savons que les insectes butineurs (abeilles, papillons et guêpes entre autres) sont pollinisateurs, les oiseaux migrateurs assurent la répartition des plantes et le contrôle des organismes que nous autres humains considérons comme des parasites. Les micro-organismes et les charognards nettoient la terre, la fertilisent et contribuent ainsi au maintien du cycle de la vie.
Qu’elles soient vivantes ou non-vivantes, visibles ou invisibles, toutes les créatures adorent, dans leur totalité, leur Créateur et louent en permanence Ses bienfaits : «Ne vois-tu pas que tout ce qui est dans les cieux et sur la terre adore le Seigneur, le soleil, la lune, les étoiles, les montagnes, les arbres, les animaux.» (Sourate AL-Hajj, verset 18). Allah, le Tout-puissant, ajoute aussi : «Les sept cieux et tout ce qu’ils renferment, ainsi que la terre, célèbrent Ses louanges. Il n’y a point de chose qui ne célèbre Ses louanges, mais vous ne comprenez pas leurs chants», Sourate Al-Isra (verset 44).
Cette perfection de la création divine s’illustre dans l’équilibre entre composantes de la faune et de la flore. Les populations animales et végétales se maintiennent selon une démographie équilibrée. Mais l’Homme, par son égocentrisme paralysant et dans sa volonté démesurée de se substituer au Maître de la planète, se permet d’utiliser les poisons à sa portée de façon excessive et inconsidérée pour améliorer ses rendements agro-industriels ; il perturbe ainsi, sans cesse, l’équilibre qui gouverne l’existence harmonieuse que mènent animaux et végétaux entre eux.
La sauvegarde de ces richesses naturelles, que nous ne sommes en droit ni de surexploiter ni de gaspiller, constitue une obligation religieuse pour tout croyant. Allah Swt proscrit les excès de consommation : Il exhorte les communautés humaines à se servir des ressources qu’il a mises à leur disposition de manière responsable et respectueuse : «Mangez et buvez de ce que vous a attribué Dieu. (Mais) ne vous élevez pas sur terre en prédateurs», la Génisse, verset 60.
Dieu Le Miséricordieux a été généreux envers l’humanité en mettant à sa disposition un environnement merveilleux, sain et favorable à la vie. Il considère comme péché le fait de rendre le bien par le mal, de gaspiller les ressources naturelles par un comportement qui les dégrade et les menace d’extinction. De tels agissements nous écartent de la voie tracée par Allah et du sens réel de notre religion, car ils font peser une lourde menace pour toutes les espèces qui dépendent de la terre. L’islam nous interdit de porter préjudice à nos proches ainsi qu’à nous-mêmes. Le Prophète Mohamed (Psl) dit à ce propos : «Nul ne doit nuire à autrui.» La notion d’autrui englobe ici toutes les créatures divines.
La dégradation consciente des biens providentiels, dont tant d’êtres vivants sont tributaires, revient à nier la providence divine. L’adoration du Créateur, à travers la célébration de son œuvre et la réalisation du bien-être de ses créatures, telle est la finalité en islam de la protection et du développement de l’environnement.
Comme nous l’enseignent le Coran et les paroles prophétiques, la nature est un cadre de méditation, de contemplation, d’émerveillement, de recueillement et de purification de l’âme. C’est face à l’immensité des océans, dans le silence du désert, au cœur des sanctuaires naturels que sont les forêts que nous prenons souvent pleinement conscience des miracles de notre monde, de notre vulnérabilité et de la puissance infinie de Dieu, de Sa maîtrise de cycle miraculeux de la vie et de la mort. A ce propos, Allah rappelle qu’Il est la Source de la vie et de la mort : «Que la terre morte de sécheresse leur serve de signe de notre puissance.»
Dans la perspective musulmane, la terre est perçue dans ses moindres parties comme un espace de méditation, de prière, de purification et de croissance spirituelles. C’est ce qui ressort du noble hadith du Prophète : «La terre m’a été créée comme un lieu de prières et de purification.» (Al Boukhari). Par conséquent, il s’ensuit que nous devons la traiter avec tout le respect dû aux lieux de prière et la préserver contre toute impureté ou souillure. Dans ses activités quotidiennes, le fidèle musulman se meut dans cette immense mosquée que constitue la terre ; tout en luttant contre le mal et les périls qui peuvent guetter aussi bien les humains que les autres créatures divines.
Dans le code éthique islamique, les humains, comme toutes les créatures de Dieu, ont le droit de jouir en commun les ressources de la terre. Les animaux ont des droits et des intérêts que la personne humaine est tenue de respecter sous peine de malédiction ou de sanction divine. La religion musulmane interdit la maltraitance, la surexploitation ou la négligence des animaux. Si leur maître les maltraite ou s’abstient de subvenir à leurs besoins, l’islam indique qu’il appartient à l’autorité publique de l’y contraindre, et s’il n’obtempère pas ou est dans l’incapacité de pourvoir à leurs besoins et de prendre entièrement soin d’eux, l’autorité doit l’obliger soit à les vendre soit à les égorger pour les manger s’il s’agit d’animaux dont la consommation est licite.
Dieu nous pardonne nos péchés lorsque nous donnons à boire aux animaux ou sauvons leur vie. Nous aurons la récompense divine si nous les traitons avec bonté et bienveillance. L’islam veille à la survie et au confort des créatures divines afin qu’elles puissent remplir les fonctions religieuses et sociales qui leur sont assignées par le Seigneur.
Bon nombre de versets coraniques portent des noms d’animaux (la Vache, les Troupeaux, les Abeilles, les Fourmis, l’Araignée, l’Eléphant) ou des éléments ou phénomènes naturels (le Tonnerre, la Lumière, le Mont, l’Etoile, la Lune, les Constellations, le Soleil, la Nuit, l’Aube). Tout cela montre que les êtres, qu’ils soient vivants, inanimés, visibles ou invisibles sont investis d’une fonction et d’une mission : Ils témoignent tous de la grandeur d’Allah. Chaque créature est, en effet, un signe révélateur de la gloire, la sagesse et la grandeur infinies de son Créateur. «Ne vois-tu pas que Dieu est glorifié par tous ceux qui se trouvent dans les cieux et sur la terre, de même que par les oiseaux déployant leurs ailes ? Chacun d’eux sait L’adorer et Le glorifier. Et Dieu sait parfaitement ce qu’ils font.» (Coran 24:41).
Le Prophète Mohamed (Prière et Salut d’Allah sur lui) a interdit, même en temps de guerre, d’abattre des arbres fruitiers, et le cheptel (sauf pour s’en nourrir), de détruire les lieux d’habitation, de détruire les ruches d’abeilles, de mettre du feu à une fourmilière, car ce sont des communautés qui se prosternent devant le Seigneur. Le Messager d’Allah (Swt) défend les fidèles de polluer l’eau, d’uriner ou de déféquer dans une source d’eau qu’elle soit stagnante ou courante, puis s’en purifier. Nous savons aujourd’hui que le strict respect de ces prescriptions religieuses nous permet d’éviter ou de réduire la transmission de maladies liées aux matières fécales comme le choléra, la dysenterie, la bilharziose ou encore les parasites de toute sorte.
Le Messager d’Allah Le Miséricordieux, exhorte les fidèles à prendre soin des terres arides et planter des arbres, car ces actes sont des gestes de bienfaisance : «Tout musulman qui plante un arbre ou cultive une terre aura accompli un acte de charité si un homme, un oiseau ou un animal s’en nourrit». Il y ajoute : «Quiconque plante un arbre aura accompli un acte de charité, quand bien même aucun être humain ni aucune créature ne s’en nourrit.» (Hadith rapporté par l’imam Ahmad dans le Musad et par At- Tabaran, dans Al- Mu’jam Al- Kabir).
Le Prophète (Psl) a pris de mesures écologiques exemplaires visant à préserver la faune et la flore des cités saintes de La Mecque et de Médine en les considérant comme des sanctuaires naturels. Selon Ibn Abbas, le Messager de Dieu a dit le jour de la soumission de la Mecque à l’islam : «Cette cité a été décrétée lieu saint par Dieu depuis la création de la terre et ce, jusqu’au jour de la résurrection. Nul n’en arrachera les plantes ni n’en poursuivra le gibier. Il n’en sera prélevé que des fleurs pour leur parfum, jamais elle ne sera délibérément polluée.» Bukari de son côté rapporte que le Prophète a dit : «Médina est une réserve gardée. Nul n’en coupera les arbres, celui qui y provoquera ce délit, que la malédiction de Dieu, des anges, et de tous les hommes soit sur lui.» Dans ces réserves, il n’était permis de prendre comme bois que ce qui était tombé des arbres au sol.
En somme, l’islam nous a fait comprendre que l’adoration envers Allah ne se limite pas aux œuvres spirituelles telles que la prière, le jeûne et le pèlerinage, mais elle englobe aussi tous les commandements divins sur la protection de la nature et de la vie. La religion musulmane exhorte l’humanité à interagir avec douceur, grâce et responsabilité avec la terre et les créatures qui y existent. Le Saint Coran et le Prophète Mohamed nous enseignent qu’Allah est Beauté et Bonté et Il aime le beau et le bon. Il nous a solennellement prévenus contre le désordre, l’avidité, le gaspillage des ressources et contre toute initiative visant à rompre l’équilibre écologique établi.
L’Etat de dégradation avancée de notre planète est le résultat de notre ignorance de ce que le Créateur exige de nous et de l’érosion de notre spiritualité collective. La sécheresse spirituelle que traverse l’humanité constitue sans aucun doute un facteur aggravant du dérèglement climatique et des calamités naturelles qui en découlent. La technoscience et la politique, sans la foi religieuse, n’arriveront pas à sortir l’humanité de la crise écologique actuelle.
M. Ousmane Aly PAME
Docteur d’Etat, Président du Réseau Mondial des écovillages/Afrique (www.gen-africa.org)
Membre du Conseil International des écovillages