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L’école Sénégalaise En Crise : éléments De Réponses Pour Un Système éducatif Stable Au Service De La Nation

L’école Sénégalaise En Crise : éléments De Réponses Pour Un Système éducatif Stable Au Service De La Nation

Introduction

Pour aborder la problématique de l’école sénégalaise et la crise qui y sévit depuis fort longtemps, je voudrais poser un certain nombre de questions afin d’y apporter des éléments de réponses : Pourquoi notre système éducatif connait des perturbations récurrentes ? Pourquoi depuis plus de cinq ans le quantum horaire qui est de 900 heures environ par an, n’est plus atteint au Sénégal ? Qu’est ce qui explique l’existence de plus de 50 organisations syndicales ? L’Etat peut- il résoudre les revendications exprimées par les syndicats ? Que faire pour avoir un système éducatif stable, centré exclusivement sur les enseignements et les apprentissages et définitivement à l’abri des perturbations qui affectent le quantum horaire ?

I/ Bref état des lieux

La mise en œuvre des programmes exécutés depuis 2000 a permis de réaliser des avancées significatives en direction des objectifs de développement de notre système éducatif.

De gros efforts ont été réalisés par l’Etat dans l’élargissement de l’accès et dans le domaine des infrastructures. Selon les statistiques de 2015 nous ne comptons pas moins de 3.219.677 élèves au Sénégal et 14.569 établissements scolaires. La situation de l’exécution du budget global en 2014 montre une dotation finale de 390 855 866 686 FCFA.

Malgré tous les efforts consentis par l’Etat, certains indicateurs pointent notre système éducatif sur une moyenne d’environ cinq cents heures par An alors que la norme internationale est d’environ 900 heures. Pourquoi, chaque année, les 500 heures sont rarement dépassées ?

Cela semble expliquer sans doute, en partie, les raisons pour lesquelles le niveau académique des élèves du public ne cesse de baisser au fil des ans. Notre système éducatif coûte cher et chaque année, plus de la moitié des apprenants échouent aux examens. A l’examen du baccalauréat, le taux de réussite en 2015 était de 31.80 %, pour le BFEM 43.20% et pour le CFEE 37.97%.

On voit bien que nos propres évaluations nationales révèlent des faiblesses notoires. Pourquoi ces perturbations récurrentes ? Que faudrait-il faire pour rendre le système éducatif plus efficient ?

Parmi les causes perturbatrices, nous pouvons évoquer, entre autres : les grèves des enseignants, celles des apprenants, les effectifs pléthoriques, les fêtes, l’absentéisme, les retards multiformes, le manque de qualification de certains enseignants ; qui plus est l’environnement scolaire où l’on note un déficit en termes d’intrants : manuels, locaux, matériels didactiques etc.

S’y ajoute le manque de motivation des enseignants qui s’offusquent souvent de l’iniquité dans le traitement des agents de l’Etat. Ce sentiment de frustration engendre ipso facto au niveau du corps enseignant, des réactions qui sont, sans aucun doute, à l’origine de certaines perturbations dans le système.

Les Enseignants sont-ils mal rémunérés ? L’Etat peut-il faire mieux ?

Le moment de réfléchir sérieusement sur le devenir de notre système éducatif est venu. La loi d’orientation de notre système éducatif dit bien que l’école a pour vocation de former des citoyens capables de travailler efficacement à la construction du Pays. L’école forme le citoyen de demain. Conséquemment nous devons préserver cette institution. Nous devons tous défendre et protéger l’école publique.

A ce niveau, c’est l’Etat qui construit les salles de classe ; qui forme les enseignants et qui paie leur salaire, sans oublier les autres intrants.

Les parents d’élèves paient chaque année des droits d’inscription qui ne dépassent pas quatre mille francs par an et par élève pour le primaire ; dix mille francs par an et par élève pour le secondaire. C’est donc l’Etat qui prend presque tout en charge. L’enseignant, a priori, au cours d’une année académique normale a du mal à terminer son programme et à progresser correctement à cause des nombreuses fêtes et des conditions de travail difficiles. Si en plus il y a des débrayages et des grèves, Il aura du mal à terminer son programme et il sera obligé de distribuer à la va-vite, en fin d’année, des polycopies. Les apprenants seront-ils capables de maitriser ces contenus à la veille des examens de fin d’année ?

Le niveau académique de nos élèves ne cesse de baisser parce que le non-respect du quantum horaire affecte gravement la qualité des enseignements et des apprentissages. Presque tous les parents qui disposent de moyens financiers suffisants mettent leurs enfants dans les écoles privées. Ils le font parce qu’il n’y a presque jamais de grève dans ces structures.

Dès lors, que faire pour permettre aux élèves d’étudier pendant 13 Ans et de faire 10 800 heures de cours et non 6 500 heures s’ils ne font que 500 heures en moyenne par an ?

II- Pour un système éducatif stabilisé

Si nous voulons un système éducatif stable, nous devrons envisager d’opérer des ruptures radicales et de prendre certaines mesures :

– L’Etat devrait une seconde fois convoquer les ETATS GENERAUX de l’Education et proposer aux enseignants un nouveau paradigme pour l’école. Ce nouveau paradigme serait : LA COGESTION DU SYSTEME EDUCATIF.

Qu’entend-on par Cogestion du système éducatif ? C’est la gestion en commun d’une entreprise. Gestion assurée en commun par le chef d’entreprise et les salariés, comme le souligne le Robert. Le Chef d’entreprise ici, c’est l’Etat et les salariés sont les enseignants. D’un commun accord, l’Etat et les Organisations syndicales devraient s’accorder sur la nécessité, soit de fusionner tous les syndicats et d’avoir une centrale unique, soit de dissoudre toutes les Organisations syndicales et de mettre, en lieu et place des syndicats, une nouvelle organisation qu’on pourrait dénommer par exemple l’ORDRE DES ENSEIGNANTS.

Cette nouvelle forme d’association pourrait être le point de départ d’un nouveau paradigme que nous appelons la cogestion du système éducatif. Dans ce nouveau paradigme, les enseignants organisés dans l’ORDRE où ils sont tous représentés selon le statut, le corps ou le grade à l’issue d’élections de représentativité, fixent d’un commun accord avec l’Etat : leur rôle, leurs missions, leurs droits et leurs devoirs. Le premier devoir d’un enseignant, c’est d’enseigner. Or enseigner, c’est avant tout, s’engager à respecter le quantum horaire. Parmi les droits des enseignants, nous citerons en premier le paiement sans délais de leur salaire et de leurs indemnités par l’Etat.

Les questions relatives à l’insatisfaction et à la démotivation des enseignants doivent être examinées attentivement et traitées avec honnêteté. Si l’on veut que l’enseignant travaille correctement, il faut le motiver et respecter ses droits.

– Chaque année, le Chef de l’Etat, entouré de tous les ministres et de toutes les institutions de la République, devrait ouvrir et présider ce qu’on pourrait appeler la RENTREE SOLENNELLE DES ENSEIGNANTS ET DES ELEVES. Cela me semble important pour la revalorisation du statut et le réarmement moral des enseignants.

Un décret devrait instituer la journée du 05 Octobre de chaque année «journée de l’école». Durant cette journée, le Président, à Dakar, et les Gouverneurs, dans toutes les régions du Sénégal, ouvrent solennellement la rentrée des classes. Un rapport annuel, où les acquis et les faiblesses du système éducatif sont passés en revue est présenté et remis au Chef de l’Etat et aux Gouverneurs qui, à leur tour, proposent des améliorations et des recommandations.

Cette date du 05 octobre devra permettre à toute la nation de célébrer l’école, de primer de nouveaux certains lauréats et de décorer des enseignants et des chefs d’établissement valeureux.

L’école est la plus grande entreprise de la nation. Elle emploie plus de 90 000 agents et reçoit plus de 3 millions d’apprenants. A elle seule, elle consomme presque 40% du budget de l’Etat. C’est dans les murs de l’école que le Sénégal a formé tous les citoyens qui gouvernent aujourd’hui ce pays et construisent son développement. Il n’y a nulle part dans la nation une structure ni plus utile, ni plus importante que l’école. On comprend pourquoi Mandela disait : « L’éducation est l’arme la plus puissante que nous puissions utiliser pour changer le monde ». En effet, c’est à l’école que les enseignants s’efforcent d’inculquer à chaque apprenant, les bases d’un substrat moral, civique et intellectuel qui lui serviront pour une vie citoyenne accomplie au service de la nation. Parmi tous les nobles métiers de la planète, celui d’enseigner est l’un des plus nobles, car c’est par ce métier que tous les autres sont accomplis.

– Les enseignants doivent se rendre compte aujourd’hui que c’est leur nombre qui constitue leur principale force. En créant L’ORDRE DES ENSEIGNANTS DU SENEGAL et en l’organisant en une véritable entreprise, structurée et administrée démocratiquement, ils vont accomplir des choses extraordinaires. Une telle entreprise générera des dividendes que tous les enseignants se partageront. Entre autres missions, l’Etat devra confier à l’ORDRE certaines tâches comme la formation continue des enseignants et la conception des manuels didactiques. Les enseignants deviendraient, en partenariat avec l’Etat, des formateurs et des concepteurs d’outils didactiques. Ces services exécutés dans ce cadre seraient rémunérés. Dès le premier mandat tous les membres des bureaux actuels des syndicats pourraient être cooptés dans le comité d’administration de l’Ordre. Ce Comité d’administration élira un bureau exécutif et lancera un appel à candidature pour sélectionner et choisir un Administrateur chargé de gérer et de fructifier les biens de l’Ordre. Cet ORDRE des enseignants gérerait également la couverture maladie de l’enseignant et les frais médicaux des enseignants devraient être remboursés. L’ORDRE devrait également disposer d’un quota sur les terres qui appartiennent au domaine national. De telles dispositions pourraient lui permettre de mettre à la portée de tout enseignant qui débute sa carrière un terrain, une maison, une voiture et d’autres équipements. L’enseignant aurait la possibilité de s’acquitter progressivement de ses engagements à des coûts relativement avantageux et supportables. L’ORDRE, avec les cotisations mensuelles de plus de 90.000 enseignants, auxquelles s’ajouteraient les subventions de l’Etat et la quote-part issue de ses prestations de service, pourrait amplement contribuer à résoudre certains problèmes des enseignants. On pourrait même au moment où on parle d’une manne liée à l’exploitation du pétrole, demandait à l’Etat d’allouer 10% des bénéfices de cette ressource au secteur de l’éducation. Une partie alors reviendrait à l’Etat qui a le devoir de construire les infrastructures scolaires, une autre partie serait allouée aux collectivités locales pour leur permettre avec les compétences transférées de mieux prendre en charge le secteur de l’éducation. La troisième tranche reviendrait à l’Ordre pour aider ce cadre à résoudre les problèmes matériels et sociaux des enseignants.

Les enjeux et les gains sont énormes. On stabilise le système. On contribue à former les maîtres et à relever le statut et les gains par des voies nouvelles qui n’affectent pas directement le budget de l’Etat. Nous aurons des apprenants mieux formés donc plus aptes à s’insérer dans les circuits de production.

Conclusion

Aucun Etat ne peut à lui seul résoudre les problèmes des enseignants. L’école coûte déjà assez cher et les résultats ne sont pas fameux. Tous les indicateurs sont en deçà des attentes du peuple : taux brut de scolarisation à l’élémentaire (86.4), taux brut de scolarisation au moyen (59.9), taux de redoublement enseignement moyen (21.6) taux d’achèvement élémentaire (60.9), taux d’achèvement au moyen (40.5), taux d’abandon au moyen (10.2) et taux de réussite en général en deçà de 50%. On note également que plus de 30% des professeurs du public n’ont pas de diplômes professionnels.

Dans la bataille larvée que le Gouvernement et les Syndicats se livrent, nous n’avons vu que quelques grands acquis. Parallèlement, le système éducatif plie de plus en plus le genou à côté d’un Etat dépassé par un budget de plus en plus exorbitant.

Le temps de revoir les choses a sonné. Le système éducatif doit bouger sinon il risque de périr. Nous devons dépolitiser l’école. Nous devons aller résolument vers la cogestion du système éducatif. L’école doit être gérée par l’Etat, les Collectivités locales et les Enseignants.

Pour atteindre de tels objectifs, les organisations de la société civile doivent prendre leur bâton de pèlerin et agir pour amener le Chef de l’Etat et les Organisations syndicales à se retrouver en vue d’examiner toutes les propositions pour un système éducatif définitivement apaisé. Ces sages médiateurs pourraient même être institués en OBSERVATOIRE NATIONAL et être les garants d’éventuels accords entre l’Etat et les Syndicats. Les organisations de la société civile seront l’interface crédible pour la sauvegarde de l’école publique qui est un bien collectif qui appartient à la nation.

 

Masseck Birane Seck

Président M.T.A (Mobilisons-nous pour que Thiès Avance)

Inspecteur de l’Enseignement Moyen Secondaire Ancien CT1/au Men

Ancien Directeur de Cabinet au Men

Consultant à ADEQET/Afrique

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