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Budget Santé Et Cmu : Se Donner Les Moyens De Nos Ambitions

L’examen du budget du Ministère de la Santé et de l’Action sociale, pour l’année 2017 est riche d’enseignements. Malgré les prouesses de la machine propagandiste de l’État sénégalais, un regard critique de l’opinion se développe de plus en plus sur les politiques publiques de santé et d’action sociale. C’est ainsi que les échos, qui nous sont parvenus de la Place Soweto indiquent, que des fissures commencent à apparaître dans la cuirasse de bienveillance, dont les autorités en charge de la Santé et de l’Action sociale étaient jusque-là couverts, depuis 2012.

Et pour ne rien arranger, le SAMES n’a pas hésité à décréter un mot d’ordre de grève, le jour même de l’examen du budget. Il faut dire que le secteur est, depuis quelque temps, en proie à une instabilité chronique, avec des mouvements d’humeur itératifs, depuis la création, en mai 2016, du Cadre Permanent des syndicats de la santé pour l’Action Unitaire (2S-AU), qui réclame l’application d’engagements auxquels le gouvernement avait déjà souscrits et la rectification des innombrables dysfonctionnements causés par l’Acte 3 de la décentralisation.

On peut également noter la contradiction flagrante entre les nombreux chantiers annoncés par le Ministère de la Santé et la modicité des moyens mis à sa disposition. L’augmentation de 13 milliards a, en effet, tout l’air d’être plus symbolique que significative.

Rien d’étonnant, alors, à ce que les parlementaires déplorent l’insuffisance criarde du budget du Secteur de l’Action sociale, qui a décidément du mal à s’intégrer au Ministère en charge de la Santé ! Et pourtant, l’Etat consacre à sa politique sociale des montants beaucoup plus importants souvent absorbés par des préoccupations clientélistes et politiciennes prises en charge, entre autres, par la Direction Générale à la Protection Sociale et à la Solidarité Nationale, directement rattachée à la Présidence de la République. Cela se fait au détriment de la Direction Générale de l’Action Sociale, amputée, au fil du temps de l’essentiel de ses prérogatives.

L’option politique pertinente prise par le gouvernement sénégalais en faveur de la couverture maladie universelle confère une importance accrue à l’adoption du budget dévolu au Ministère en charge de la Santé à cause des nécessaires modifications des arrangements institutionnels et des pratiques organisationnelles. Et cela, d’autant plus que la collection des ressources provient encore essentiellement des impôts, avec une part marginale pour les primes d’assurance des IPM et mutuelles. C’est pourquoi, on ne peut que déplorer que les ressources budgétaires dévolues à ce département ministériel n’aient pas encore atteint la barre fatidique des 15% recommandée, depuis 2001, par la conférence d’Abuja. Or, la réussite de la CMU, censée faciliter l’accès des personnes pauvres et vulnérables sera pour beaucoup redevable des ressources affectées au secteur socio-sanitaire pour le mettre en situation d’offrir une palette de services de santé équitables et efficaces.

Malheureusement, le Ministère de l’Economie et des Finances, de même que les honorables députés du Parlement ne semblent pas encore mesurer l’importance des enjeux dans le cadre du processus budgétaire comprenant l’arbitrage devant le gouvernement, l’avant-projet du budget soumis en conférence budgétaire et l’adoption par le parlement. En fin de compte, le rôle des autorités en charge de la santé se trouve être marginal, du moment, qu’elles n’ont aucune prise sur la répartition des fonds et les enveloppes indicatives, qui sont largement en deçà des montants nécessaires pour la prise en charge des priorités.

Concernant la mise en commun des fonds, elle est encore essentiellement orientée vers un système de subvention de politiques de gratuité touchant les enfants de moins de cinq ans, les personnes âgées de plus de 60 ans et les femmes enceintes, si on fait abstraction de l’assurance-maladie obligatoire, qui prend en charge les fonctionnaires et employés du secteur moderne. Elle permet aussi de prendre en charge la moitié des cotisations des adhérents aux mutuelles et la totalité des contributions des personnes vulnérables enrôlées et bénéficiaires des bourses de sécurité familiale, ce qui va incontestablement dans le sens de l’équité.

Cette option de financement de la demande de soins, à travers de généreuses subventions et des politiques de gratuité insuffisamment élaborées, en plus d’être onéreuse, pose de multiples problèmes, dont celui de la pérennisation, sans compter qu’elle est handicapée par un environnement institutionnel contraignant. En effet, depuis 1996, date à laquelle, la Santé et l’Action sociale sont devenues des compétences transférées, les fonds collectés au profit de la Santé ne parviennent plus directement aux structures socio-sanitaires que sont les CPRS, districts et les établissements publics de santé, mais transitent par les Collectivités Locales, lesquelles bénéficient d’un transfert concomitant de ressources financières et la mise à leur disposition des services extérieurs de l’Etat, en l’occurence ceux de la Santé. Il est, malheureusement, de notoriété publique, que depuis cette réforme, les fonds d’appui aux services de l’État (inclus dans les fonds de dotation de la décentralisation) dévolus à ces secteurs ont, à quelques exceptions près, fait l’objet sinon de détournement tout court, tout au moins de détournement d’objectifs. On assiste, ainsi, depuis lors, à l’augmentation des charges incombant aux comités de santé devenus, par la force des choses, la principale source de financement du fonctionnement des structures sanitaires, avec des effets pervers sur l’accessibilité des soins (hausse des tarifs). L’avènement de l’Acte 3 de la décentralisation, loin de corriger ces dysfonctionnements, les a, au contraire, aggravés en y ajoutant d’autres tels que les retards de salaires des agents municipaux, qui ont par la même occasion, été dépouillés de leur couverture maladie.

Qu’en-est-il de l’achat des services de santé ?

Il se déroule dans une atmosphère de méfiance réciproque entre les acteurs liée principalement aux dysfonctionnements des processus de gestion (lourdeurs administratives, retards dans les remboursements). Les professionnels de santé reprochent à l’Agence de la Couverture Maladie Universelle d’asphyxier leurs structures, en raison des retards de remboursements des factures échues. Ces lenteurs seraient à mettre sur le compte d’un contrôle tatillon de la tutelle (avec implication des autorités administratives) hantée par la crainte de surfacturations de la part des structures de soins. Sur un autre plan, les tensions de trésorerie consécutives à des retards de paiement de plusieurs mois amènent parfois les gestionnaires des structures de soins et/ou les comités de santé, confrontés à des charges fixes à user d’astuces pour faire payer les usagers en amont ou en aval de l’acte subventionné, ce qui a le don d’énerver les autorités ministérielles.

Malgré l’existence de 671 mutuelles, qui loin d’avoir été le fruit de dynamiques communautaires autonomes, semblent plutôt constituer des structures auxiliaires de l’Agence de Couverture Maladie Universelle, il ne fait aucun doute que la bataille de la mutualité est loin d’être gagnée dans notre pays. Car, comme le reconnaît madame le Ministre elle-même : « ces mutuelles, il faut les faire marcher et l’Agence travaille à les encadrer ».

Mais il serait instructif de savoir combien parmi les 2.200.000 personnes censées être actuellement couvertes le sont par des mutuelles ayant signé des conventions avec les structures de soins que sont les centres de santé et hôpitaux.

Tout cela montre la nécessité pour les autorités en charge de la Santé et de l’Action sociale, de cultiver les meilleures relations avec les autres départements ministériels, particulièrement celui de l’Économie et des Finances chargé du contrôle des dépenses publiques, mais aussi celui des Collectivités Locales. Mais seule une véritable prise de conscience par l’ensemble de l’Exécutif des enjeux du financement de la Santé et une réorientation des politiques publiques, en concertation avec les acteurs de terrain, pour plus d’équité envers les couches vulnérables et une meilleure gouvernance à tous les niveaux, pourront garantir des succès futurs.

 

NIOXOR TINE

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