Avec le vote du projet de loi N°44/2016 portant code électoral, la question des députés de la diaspora refait surface. Il est important, au-delà de certaines considérations partisanes, d’apporter un éclairage sur ce point.
Que prévoit la loi ?
L’article L 146 alinéa 1 dispose que «les députés à l’Assemblée nationale sont élus à raison de cent cinq (105) députés dont quatre-vingt-dix (90) pour l’intérieur du pays et quinze (15) pour l’extérieur, au scrutin majoritaire à un tour dans le ressort du département et de soixante (60) députés au scrutin proportionnel sur une liste nationale.»
L’extérieur du pays est subdivisé en départements qui sont, conformément aux dispositions de l’article L 146 alinéa 3, le département Afrique du Nord, le département Afrique de l’Ouest, le département Afrique du Centre, le département Afrique du Sud, le département Europe de l’Ouest, du Centre et du Nord, le département Europe du Sud, le département Amériques-Océanie et le département Asie-Moyen Orient.
Le partage des 15 députés de la diaspora entre les différents départements sera effectué «par décret en tenant compte de l’importance de l’électorat de chaque département.» Cependant l’article L.147 alinéa 3 dispose que «dans chacun de ces départements de l’extérieur sont élus trois (03) députés au plus et un député au moins. Toutefois, dans un même département, les pays dont l’électorat est égal ou supérieur à 40 000 électeurs obtiennent au minimum deux (02) sièges».
Ce que la politique dissimule
La loi s’appliquera erga omnes parce que imposée et votée par une majorité mécanique du Président Macky Sall à l’Assemblée nationale. Il est clair que la diaspora mérite d’être représentée à toutes les instances de décision, y compris à l’Assemblée nationale. Et ceci compte tenu de son apport significatif dans l’économie du pays et de son rôle de régulateur social. Cependant, la manière dont la question des députés de la diaspora est posée par le président de la République et ses équipes apparaît plus comme une stratégie politique qu’une volonté réelle de se pencher sur les vraies questions. Commençons par écarter le type de lien de causalité instauré par la majorité entre l’augmentation du nombre de députés et l’obligation légale d’instituer des députés de la diaspora. L’application de la loi référendaire sur les députés de la diaspora pouvait se faire sans une augmentation du nombre de députés. Il suffisait de faire les aménagements nécessaires pour inclure le nombre prévu pour la diaspora dans le nombre total de150 députés figurant sur le code électoral modifié.
À la place de cette solution, le président de la République et sa majorité ont préféré faire supporter aux contribuables sénégalais une stratégie politicienne d’accaparement de sièges.
Ce n’est pas forcément en attribuant des députés à la diaspora que ses problèmes vont être réglés. En effet le député n’a pas pour rôle de régler des problèmes mais de les porter à la connaissance de l’exécutif. Or, il se trouve que le président de la République, chef de l’exécutif, a fait plusieurs fois le tour de la diaspora en sa qualité de candidat à la présidentielle et de président de la République. Il a nommé, une fois au pouvoir, un directeur chargé des Sénégalais de l’extérieur et un ministre des Affaires étrangères. Il s’est donc doté de tous les outils d’imprégnation et d’exécution pour pouvoir identifier les problèmes de la diaspora et les régler définitivement. Si ces problèmes sont devenus récurrents et persistent c’est parce qu’il existe un défaut de volonté politique et non l’absence de députés de la diaspora. Il s’y ajoute que ces députés ne pourront pas bénéficier des politiques de souveraineté. Ils se contenteront juste de politiques de facilitation. Des facilitations que la diaspora attend depuis belle lurette et qui ne se matérialiseront qu’à travers une volonté politique réelle. À la place de la correcte prise en charge des préoccupations des populations, le président de la République, patron de l’Apr et de Benno Bokk Yakaar, M. Macky Sall préfère asseoir des stratégies politiques de maintien au pouvoir.
Thierno BOCOUM – Député à l’Assemblée nationale sénégalaise
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