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Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

De La Députation Des Universités

De La Députation Des Universités

  1. Universitas et Universitates

Par Universités, il faut entendre non pas les Universités francophones, qui sont les plus récentes comme l’ex-Université de Dakar ou 18ème Université de l’Union Française (1957), mais aussi les trois types d’Universitas visés en substance par le Projet Députation des Universités. En l’occurrence, il s’agit des Universitates spécialisées dans les Sciences islamiques, – de véritables Centres d’Elaboration et de Diffusion de la culture-arabo-musulmane, d’une part ; et d’autre part, des Universités Catholiques, expression sur le terrain des Savoirs, des Traités de Théologie chrétienne et leur opérationnalisation par l’intermédiaire de la Doctrine Sociale de l’Eglise. Et enfin, pour compléter le tableau général, nous prenons en compte, les Savoirs globaux sur l’Homme et la Société, l’Univers et le Cosmos, etc., des sociétés historiques qui précèdent les nôtres ; des sociétés auxquelles l’Offre Universitaire sénégalaise de l’Avenir – publique, privée ou mixte-, est redevable – -de toute autorité.

Evidemment, les Universités dites modernes ne se réduisent pas seulement aux Enseignants-Chercheurs, aux PATS et aux Etudiants, qui incluent les personnels de Sécurité, les Chauffeurs et les Gardiens, les Balayeuses et l’Entretien comme le Nettoiement.

  1. De quoi s’autorise la Députation des Universités ?

Deux faits majeurs commandent le processus de formulation en cours, de ce que l’on nous accordera de nommer une « Députation des Universités ». Il s’agit, d’une part, de l’absence de Représentants qualifiés et autorisés de la Communauté comme telle. Une Communauté qu’il ne faudrait pas confondre avec une addition simple des segments organisés constitutifs : Personnel d’Enseignement et de Recherche (PER), Personnels Administratifs Techniques et Services (PATS), Etudiant (ET). Car, en effet, à l’expérience de près d’un quart de siècle au moins, chacun de ces segments s’occupe d’abord de ses intérêts spécifiques, de manière générale.

Mais, d’autre part, – réciproque de la proposition précédente – qui n’a pas constaté l’absence manifeste d’Interlocuteurs qualifiés de la Communauté ? De fait, ni les segments organisés, ni les Recteurs, les Médiateurs, encore moins les Ministres de l’Enseignement Supérieur – n’avaient joué le rôle d’Interlocuteurs, mais seulement de Relais, ce qui est très différent ! Et pour cause ! Tous désignés par une Autorité politique externe, ils se soucient avant tout des instructions de qui les a nommés et qui détient la prérogative de les dégommer !

D’où suit un double handicap : d’une part, l’absence de Représentants Autorisés de la Communauté et, d’autre part, l’inexistence d’Interlocuteurs Pertinents des Segments indiqués précédemment. Moyennant quoi, il semble s’être créé un gap essentiel d’incommunication entre les protagonistes, lequel prolonge indéfiniment les grèves et les affrontements multiples, les conflits et les tensions, les violences latentes et les explosions ouvertes ; les manifestations d’humeur et les marches récurrentes répétitives, sans compter les états d’âme et les sautes d’humeur ou les casus belli, etc. Ajoutez à ces facteurs navrants, le stress né des dysfonctionnements des institutions facultaires, des Instituts d’Universités, de la BU, des Départements surpeuplés ou les amphis bondés qui refusent du monde, et vous aurez une idée de la sédimentation des problèmes non résolus qui minent les Universités dites francophones, lesquelles peuvent prendre le maquis à tout moment, sans crier gare ; étant donné que toutes les conditions y sont réunies pour des explosions partielles ou générales.

Singulièrement, lorsque l’on prend en compte les difficultés énormes des Labos, les retards multiples des « sommes dues » et des publications, la tendance marquée au « Per diemisme » et au « Xar Matt » des Enseignants-chercheurs, sur fond de carriérisme et d’utilitarisme. On ne peut expliquer autrement les levées de boucliers des étudiants, des enseignants et des PATS, dans la totale désolation des Parents et l’inquiétude des visiteurs étrangers, des partenaires extérieurs !

  1. Crises des Universités et Piétinement des Réformes sociétales

Si les Réformes escomptées accusent un retard, la faute n’en incombe pas seulement à un leadership politique de moins en moins averti, voire peu instruit. Mais, d’un autre côté, la raison principale de ces piétinements et de ces retards ne réside-t-elle pas précisément dans le dessaisissement total ou partiel des Universités et des Universitaires (au sens large), lesquels ont vocation d’étudier, de diagnostiquer, puis d’indiquer les voies de solutions probables des questions stratégiques de ce pays ?

Mieux, à y regarder de près, le drame des Réformes visées en substance, en quoi consiste-t-il, sinon dans ce fait qu’en lieu et place d’une Offre Universitaire sénégalaise endogène, c’est encore et toujours une Expertise exogène qui fait sa Loi, au mépris total des données historico-sociologiques et culturelles originales ainsi réduites à néant ? Qui plus est, des données historiques et culturelles pulvérisées sans autre forme de procès, par une logomachie conceptuelle aussi improductive pour la Nation et l’Economie ou l’Education, à l’instar des Réformes de l’Imitation et du copier-coller baptisées LMD !

Moyennant quoi, au lieu d’une Centralité affirmée des Sénégalais eux-mêmes concernant un processus de transformation sociale qu’ils souhaitent et escomptent, qu’avons-nous vu ? Une débauche de clichés et une émeute de mots d’emprunts, de concepts passe-partout, sinon prêts à porter, etc., lesquels avaient tôt fait de se substituer aux équations historiques que nous sommes tenus pourtant d’analyser rigoureusement et de maîtriser, en vue de paramétrer les mutations sociales de notre pays et de promouvoir les Réformes comme les Ruptures pertinentes qui correspondent !

Qu’est-ce à dire, dans ces conditions, sinon que l’Offre Universitaire proprement sénégalaise est marginalisée à mesure même que des Réformes Exogènes sont élaborées et appliquées par des Cabinets étrangers et/ou des Labos Outre-Atlantique ? Autrement dit, si la Communauté et les Segments constitutifs sont privés jusqu’ici de Représentants qualifiés et d’Interlocuteurs pertinents, la raison pourrait bien être que la Décision – très lourde de conséquences- a été prise de se passer de l’Expertise Universitaire sénégalaise ! Auquel cas, toutes ces crises qui agitent régulièrement l’Université Sénégalaise, tant les Enseignants, les PATS et les Etudiants, etc., seraient en fait provoquées sciemment, à l’effet d’aboutir à des formes de privatisations qui ne disent pas encore clairement leur nom ?

  1. Députation des Universités et Requalification de l’Offre Universitaire sénégalaise

La crise des lieux de production des Savoirs explique dans une mesure qui ne cessera de grandir pourquoi la société elle-même est en crise prolongée. Sans Xam Xam ni Gandàl, Londëy, Tuwaaxu ou Ó Fan, etc., comment imaginer un seul instant que la Société globale, l’Etat, ou encore l’économie et l’emploi, le Droit et la Justice, la Culture et la Diplomatie, l’Agriculture ou l’émigration et les Diasporas, etc., puissent s’en sortir ?

Aussi, avant que d’aller prêcher dans la Société, les Universitaires devraient d’abord subir l’épreuve-test de l’instabilité gravissime et de la crise chronique des Universités et de l’Ecole sénégalaise. Bala Ngaa Laax Jaay, Nga Laax Lekk, am déet ?

Mieux, si les Universités ne sont pas en mesure de résoudre la crise chronique qui les secoue depuis pratiquement 1977, n’est-il pas aventureux de les tenir pour des Centres d’Excellence ou des Pôle de production et de transmission des connaissances ? En d’autres termes, les Universités doivent faire face à leurs propres responsabilités en se donnant les moyens d’exister comme Communauté essentielle au devenir futur de cette Nation, de l’Etat et de l’Economie ou de la Culture, etc. Alors, n’est-il pas temps de tirer les leçons et enseignements de la bonne vieille règle de chez nous : « Mbay Ci Sa We Wu Tank » ? Autrement dit, les Universités devraient prendre sur elles d’examiner de manière approfondie aussi bien les questions relatives à l’Enseignement, aux Etudes, aux Recherches ; à la Production des connaissances et à la Conservation des résultats (Publications et Bibliothèques), à la Transmission de ces mêmes connaissances (Etudes supérieures), etc., dans les différents domaines d’études et champs des Savoirs anciens et nouveaux. Nous parlons bien de Connaissances, mais ce que nous visons pour notre pays, ce sont, comme de bien entendu, des Savoirs certifiés et de Sagesses éprouvées, c’est-à-dire de connaissances testées sur la durée, contrairement à la dictature des urgences d’une Mondialisation sous contrainte, qui est désordonnée parce que pressée, et arrogante parce que dénuée de Sagesse et d’Ethique !

Aussi, à l’encontre des manières de penser et d’agir des Courtiers du Non-développement, est-il question aujourd’hui de passer de la passivité entrecoupée d’explosions onéreuses et de mouvements grévistes éprouvants et coûteux – en morts d’Enseignants-chercheurs, d’Etudiants et de PATS, de changer de méthode et d’approche, grâce une mobilisation courtoise et concertée dénommée « Députation des Universités ». Mais une Députation qui dès le départ compose avec une Recomposition des Savoirs sans laquelle la chose est positivement impossible, sinon en paroles !

Car, en effet, il y a bien des raisons aujourd’hui de considérer que la crise persistante de la Société globale sénégalaise et des sociétés partielles, y compris les rapports de sociabilité et de régulation, etc., réside dans l’offre déclinante des Savoirs au sens le plus large. Ou ce qui est la même chose, le cercle vicieux, et/ou le rituel de répétition des cycles dysfonctionnels et des acteurs –du-déjà-vu, pourrait s’expliquer par une Offre des Savoirs non conforme, et par suite, décalée et inopérante. Autrement dit, nous avons affaire à une Offre inadéquate des Savoirs, laquelle produit et reproduit à l’envie la fameuse » Crise des Valeurs et des Pratiques », dont tout le monde se plaint ; une Crise qui évolue en sens contraire des tentatives les plus audacieuses de Réformation, de Dia Mamadou et Senghor à Macky, en passant par Diouf et Wade !

Moyennant quoi, les solutions sociétales que l’on cherche encore dans la Politique, dans l’Economie ou dans les Religions, ou la Culture et la Diplomatie, etc., ne seront point au rendez-vous, à défaut d’une reconnaissance honnête de l’existence d’une Crise stratégique des Savoirs essentiels, dont la durabilité et la persistance – notamment depuis le départ de Senghor et l’absence de Wade – finit d’envahir tous les comportements et tous les segments, paralyse l’action d’un Etat victime de l’inculture d’une classe politique qui a cessé de Penser et qui se morfond dans « la peur des critiques » et se complaît dans « l’amour des éloges », sinon dans le calcul d’intérêt et l’apologie du gain !

  1. Réformer, c’est Penser, d’abord et avant tout

Le Temps de l’Action est indispensable, c’est entendu. Mais, la Réflexion stratégique et prospective est-elle oui ou non de la partie ? Poser la question, c’est y répondre ! Car, à considérer que les Organes spécialisés des Savoirs de Notre pays dysfonctionnent, s’agit-il pour autant d’aller voir ailleurs ? Que nenni ! En conséquence de quoi, il s’agit bien de prendre à bras le corps les problèmes posés, mais nullement de les mettre entre parenthèses, et de recourir à des pis-aller extérieurs ou étrangers. Un pays est une totalité dynamique et intégrée, et une Université n’est pas une pièce interchangeable à volonté, mais une Construction stratégique sur la longue durée. Partant, il est aussi illusoire de prétendre Réformer la Société sénégalaise sans les Connaissances et les Savoirs des Universités sénégalaises, que de vouloir empêcher les nouvelles générations intellectuelles de prévenir toute capitulation de l’intelligence et toute abdication de la Raison devant lesdits Courtiers du non-développement.

Réformer la Société sénégalaise, l’économie, l’Etat et les institutions, la culture et les mœurs veut dire précisément recourir aux Expertises consommées des 4 Ecoles historiques des Savoirs du pays de Bamba et Daniel Brottier, Mgr Thiandoum et Thierno Souleymane Baal, l’Abbé Jacques Seck et Serigne Cheikh Mbacké Ngaïdé Fatma, etc., en lieu et place de cette fuite en avant caractérisée des Tondeurs de coupons et des grilleurs de cacahuètes des Universités. Une manière de dire que l’Offre Universitaire sénégalaise organique est bien plus importante, en termes de Développement de ce pays – et dix mille fois plus – que le capital étranger ou les technologies de la croissance extravertie (EIFFAGE, TER, Petro Kosmos Tim, Diamniadio, CIAD, etc.).

Si donc l’existence d’une crise endémique de l’Offre universitaire sénégalaise ne saurait être niée, aucunement, pourquoi chercher à la prolonger ? Singulièrement, par ce recours peu conséquent et absurde à une expertise étrangère de substitution qui est loin d’avoir fait ses preuves ! Et qui plus est, transformera à coup sûr  la présente Crise sénégalaise des Connaissances, des Valeurs et des Pratiques en une tueuse silencieuse susceptible d’aggraver jusqu’à l’extrême, les dysfonctionnements enregistrés dans l’Etat et l’Economie, la classe politique et la presse, l’emploi et le monde rural, les collectivités locales et l’Assemblée National, le CESE, l’Ecole, l’Education ou la Santé et l’Emigration et les Diasporas !

En revanche, si la nomenklatura est loin d’avoir le niveau requis par l’histoire politique de ce pays, nul doute qu’une Offre Universitaire mitigée des Savoirs y est pour quelque chose. Mais en tout état de cause, si nonobstant les appels de la raison et les leçons de notre propre Histoire, les Universités au sens où l’avons défini devaient continuer dans la gestion routinière des 4 Ecoles historiques éclatées, en lieu et place de la Recomposition attendue, la société découvrira à son détriment, que la Crise des Connaissances est rien moins que plus mortelle pour un Etat qu’une crise financière ou économique, énergétique ou sécuritaire. En effet, c’est par le haut que se bâtissent les Nations, non par le bas ! Précisément, parce que la Connaissance et les Savoirs, Epistêmê et Xam Xam, c’est-à-dire le Savoir authentique, est la condition sine qua non de l’efficacité des actions publiques et étatiques, en ce qu’il irrigue et oriente progressivement, mais invariablement, tous les niveaux de la décision stratégique, en dépit de la propension de certaines élites l’irresponsabilité et à la démission devant leurs missions à elles confiées par l’Histoire.

  1. Conclusions (provisoires)

Au total, la crise contemporaine des Connaissances appelle, de la part des professionnels des Savoirs des 4 Ecoles historiques, une épreuve-test sans précédent, qui a pour nom Recomposition des Savoirs, mais aussi Députation des Universités. Une épreuve-test, qui faut-il le rappeler ? – s’adresse, concerne et implique les sociétés préislamiques et/ou non islamiques, les sociétés islamisées, les sociétés christianisées ainsi que les sociétés « francophonisées »-« mondialisées », etc., que compte le Sénégal et ses diasporas dans le monde.

En définitive, le concept de Députation des Universités et celui de la Recomposition des Savoirs qu’il implique sont bien plus qu’une gageure parlementaire : il s’agit de l’entame du Réarmement stratégique d’une Société outillée par l’Histoire, mais désarmée par les jeux d’intérêts et les logiques de Pouvoir d’une classe politique traditionnelle confrontée à une remontée des valeurs de la Nation finistérienne ouest-africaine et sénégambienne dénommée Sénégal !

Voilà donc l’invitation au débat lancé aux élites des 4 Ecoles des Savoirs dénombrées dans notre pays. Si ce débat commence à commence à l’UCAD, notamment en Lettres, il s’adresse à l’ensemble des Universités au sens où nous croyons l’avoir défini dans cette ébauche. En attendant la Conférence proprement dite lancement du Projet Députation des Universités et Recomposition des Savoirs, en date du mercredi 11 janvier 2017, à partir de 15 h, au Welmaa Kaala Gardens de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’UCAD.

 

Pr. Malick Ndiaye

Directeur du Laboratoire de Prospective et de Science des Mutations

Département de Sociologie, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, UCAD

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