Ce matin encore une fois, je me suis réveillé avec des idées qui se bousculent dans ma tête et ma main généreuse animée par une envie folle d’écrire, saisit la plume digitale pour transcrire ce qui bouillonne dans l’esprit.
L’homme est incontestablement l’espèce la plus évoluée du règne animal et mieux encore, il détient une culture et une civilisation qui confortent cette supériorité. Mais certains de ses actes parfois choquent, blessent, trompent et surprennent ses semblables à tel enseigne que l’on se demande si l’homo sapiens a réellement subi une évolution. Nul doute que notre vieux monde a vécu toutes sortes d’histoires les unes aussi surprenantes que les autres et l’humain en a toujours été le principal conteur. Nous voilà à présent au sommet de notre art avec l’invention d’un concept, la matérialisation d’une chose dont nous n’avons plus le contrôle. Je veux nommer Internet, l’arme la plus puissante et la plus fatale qu’on ait créé. Il est clair que depuis sa création, internet a beaucoup contribué au développement des activités de l’homme allant jusqu’à le suppléer dans ses tâches au quotidien mais force est d’admettre que cet outil a causé plus de maux qu’il n’en soigne.
Le Sénégal dont il est question, un pays qui a une longue tradition de conscience morale et de croyances religieuses. Ici, on accorde une importance capitale aux valeurs traditionnelles, à la dignité, la famille et à la foi. C’est du moins ce qui fut jusqu’à ce que l’internet franchisse nos frontières et barrières culturelles avec son cortège de malheurs et destructeurs. Jamais notre société n’a connu pire crise des valeurs que celle dont nous vivons actuellement avec internet. Tous les jours un scandale est révélé au public via les sites de People et réseaux sociaux. Le partage de contenus pornographiques et immoraux est d’une rare violence et les auteurs de ces actes demeurent impunis.
Qui n’a pas vu cette idiote de danseuse s’exhiber nue devant un Smartphone ? Quelle femme ignoble ! L’autre idiot qui par bêtise si je peux l’appeler ainsi, balance un « snap » avec son pénis. Quel pauvre type ! Cet agent municipal qu’on avait filmé en pleins ébats sexuels sur une jeune fille. Quel serviteur de la nation ! Cette jeune fille élève dans un collège privé de Dakar filmée en plein rapport sexuel par son partenaire. Quelle apprenante ! Pas plus tard qu’aujourd’hui, un contenu m’a gravement choqué sur le compte Snapchat d’un ami : une femme se faisait un piercing au niveau de sa partie génitale avec une laideur inouïe. L’Expert lui, d’après les infos, est très sollicité par la communauté sénégalaise de ce réseau social.
De nos jours, la pudeur est devenue une faiblesse, la femme démystifiée, l’homme perverti et le sexe banalisé puis vandalisé. Internet s’est brutalement emparé de toute notre vie privée à tel point que notre Code Pénal s’en ‘’méfie’’ intégrant ainsi une sanction contre « l’atteinte à la vie privée et la représentation de la personne par captation d’images ou de sons, la mise en danger d’autrui et la fausse alerte ». Dans les maisons et dans les regroupements de personnes, le constat est unanime : chacun est penché sur son mobile. Les salutations et règles de courtoisie sont à peine exécutées et ceci ne dérange personne, à la limite c’est devenu normal. On donne toujours l’exemple de ce « père de famille qui rentre à la maison après une journée de travail, effectue la salutation audible et se rend compte que femme et enfants sont tellement accrochés par l’internet qu’ils oublient la présence du mari ou du père ». Autrefois, on éprouvait du plaisir et de la sincérité à rendre visite un ami ou un collègue.
Maintenant, répondre à un message sur son mobile pose d’énormes difficultés et nos amis ainsi que nos discussions n’existent que dans le virtuel. C’est ainsi qu’Albert Einstein martelait : « je crains le jour ou la technologie dépassera les capacités humaines. Le monde risque alors de voir une génération de parfaits imbéciles ». Difficile de l’admettre mais notre société et ses hommes sont entrain de sombrer avec cette crise des valeurs engendrée en partie par l’internet. Aucun repère ne guide nos actions, aucune prétention ne justifie notre insouciance et notre attitude volatile. Et pourtant, cette situation malheureuse se déroule sous le regard naïf des gens de ma génération.
A quand la prise de conscience ? Quel Sénégal voulons-nous voir dans quelques années ? Qui pour le changement ? Il nous faut effectivement changer de comportements et de paradigmes. Oui, il faudrait nous ressaisir et arrêter le mimétisme car les repères ne manquent pas. Sur le plan culturel, il est clair que nous vivons dans un monde où les cultures n’ont plus de frontières, où tout se confond mais seuls les peuples avec une identité et une authenticité pourront se faire valoir au « rendez-vous du donné et du recevoir ». Nous avons des valeurs sûres tant sur le plan culturel que religieux qui peuvent nous guider dans notre quête de salut et notre volonté de faire du Sénégal un pays valeureux dans le vrai sens du terme.
Concrètement il nous faut revisiter les enseignements de Cheikh Anta DIOP qui nous mettait en garde en ce qui concerne la détérioration de nos valeurs dans son ouvrage intitulé Civilisation ou Barbarie. Il disait ceci: « ainsi l’impérialisme, tel le chasseur de la préhistoire, tue d’abord spirituellement et culturellement l’être, avant de chercher à l’éliminer physiquement. La négation de l’histoire et des réalisations intellectuelles des peuples africains noirs est le meurtre culturel, mental, qui a déjà précédé et préparé le génocide ici et là dans le monde ». Ceci est d’autant plus vrai qu’aujourd’hui nous assistons à une disparition progressive de notre histoire au profit de la civilisation occidentale dans le seul but d’intensifier leur emprise économique. Car la colonisation culturelle précède la colonisation économique.
Il nous faut passer au peigne fin les écrits et enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké (fondateur du Mouridisme) qui explique dans son ouvrage « Le viatique des adolescents » comment la jeunesse d’une nation doit se comporter pour mener à bien sa mission. Il disait ceci : « Ô vous les adolescents ! Ne vous préoccupez que de droiture, évertuez-vous à la recherche du savoir. Efforcez-vous d’assimiler et de réviser vos leçons, fuyez les assemblées qui entraînent la perdition ». Qui ne se rappelle pas de la noble mission d’éducation culturelle et religieuse D’El Hadji Malick SY (Ambassadeur de la Tidjaniya au Sénégal)? D’ailleurs, la revue égyptienne Al-Azhar, dans une présentation d'El Hadj Malick Sy et de son œuvre soutient que « grâce à lui, l'Islam a connu son épanouissement dans ce pays [Sénégal] en créant des écoles, des mosquées, des « zâwiya », et, poursuit la revue, il a aussi formé de brillants érudits qui se sont éparpillés dans tous les coins du pays telle l’expansion de la lumière dans l'obscurité ».
Et tant d’autres Exemples qui nous ont légué une richesse culturelle inestimable et dont l’usage nous propulsera sans doute vers un lendemain meilleur, vers un Sénégal où la jeunesse refuse le laxisme, la paresse, et la naïveté. Refuse la manipulation, les faux débats et l’inaction. Une jeunesse consciente, focalisée sur le travail et la récompense méritée.
A présent, je retire ma plume digitale du papyrus virtuel.
Djibril Badiane