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La Crise En Tenue

La Crise En Tenue

Une semaine après avoir appelé l’attention des autorités sur le cas des anciens militaires invalides, ces derniers ont à nouveau posé un acte décrié par certains, en bloquant la route de Ouakam. Dans un passé récent, un grand officier de la gendarmerie a pris sa plume pour fustiger des mesures prises par une autorité de la maréchaussée. Ses écrits ont fait des ravages réels et même sanctionné, sa témérité va faire école. Un autre de cette même famille militaire a été injustement relevé de ses fonctions et ramené de l’étranger, alors qu’il était dans son droit. Il a fallu le départ de cette autorité pour que son successeur le rétablisse dans ses droits. Loin de nous la prétention d’être un lanceur d’alerte, mais force est de reconnaître que ces phénomènes cycliques posent un réel problème de communication au sein de la famille militaire ou un manque de confiance entre la hiérarchie et les hommes.

Une observation faite au détour sur les relations existant entre les militaires et leur hiérarchie dénote une certaine méfiance, voire un défaut de confiance, fait gravissime et préjudiciable à une formation militaire moderne. Si on ne bloque pas la circulation ou passe par des actes tragiques, on assiste impunément à une transgression manifeste de la loi. Relevant les derniers faits enregistrés au cours de ces deux décennies, l’on peut dire sans risque de se tromper qu’il y a une profonde crise de leadership dans la grande muette. Au-delà des critiques étouffées se rapportant aux nominations, des justifications laconiques relatives aux promesses accusant des retards d’exécution, nos valeureux jambars naviguent dans un désert d’espoir quant à l’arrivée d’un messie pour relever les défis majeurs. Cet homme providentiel pourtant n’aurait point un profil absent de nos casernes, il y en a à profusion. Il suffirait de puiser dans nos valeureuses ressources humaines quelqu’un parmi ces «saints des saints» à porter au firmament de la décision et mettre un terme à l’effritement continu du moral de nos hommes. Il n’aura pas le monopole du savoir ou de l’expérience, mais tout simplement la qualité d’être au cœur des hommes, d’avoir le répondant suffisant pour régler leurs problèmes. Sa tâche serait simple devant notre chef à tous, le Premier magistrat, traduire en besoin le ressentiment des hommes. Revenir sur certains évènements marquerait une volonté réelle d’éclairer la lanterne de nos dirigeants sur ces signaux révélateurs et annonciateurs d’une situation qui couve. Cependant, notre message ne devrait souffrir d’aucune incompréhension, en ce sens qu’il devrait être compris dans une démarche régalienne, non teintée d’une volonté d’enfreindre aux bonnes marches des institutions de notre cher Sénégal. Cela dit, pourquoi et comment justifier ces écarts de comportement ? Les blocages de la circulation Sous le magistère du Président Abdou Diouf, cette forme de protestation a vu le jour sur l’axe de Diamniadio et sur l’autoroute Limamou Laye pour réclamer des primes. Cette attitude désinvolte, inqualifiable aux yeux des férus de la discipline, a fait tache d’huile dans l’évolution de notre Armée. Mais elle reste légitime pour ses acteurs, parce qu’ayant épuisé toutes les étapes normales de la communication graduelle militaire. Si les chefs sont sourds aux appels du pied, briser le silence et gêner ces derniers est une bonne stratégie, selon les hommes. Pourtant, ces formes de protestation se sont faites avec utilisation d’armes à feu dans d’autres pays comme la Côte-d’Ivoire tout récemment. A-t-elle servi de leçon ? Le capitaine Valentine Strasser en Sierra Leone et le lieutenant Yahya Jammeh en Gambie, dans une moindre mesure, ont accédé à la Magistrature suprême suite à ces sautes d’humeur des militaires. Ces exemples ne sont pas transposables chez nous, on ne le souhaite pas. Mais stopper ces spirales de protestations et cette dynamique dès les prémisses serait la mesure idoine à prendre de toute urgence. Incidents tragiques Toujours dans le courant de cette décennie et principalement dans l’environnement stressant du Sud du pays, un homme a froidement abattu son commandant d’unité. Aussi grave que cela puisse paraître, ce meurtre est la résultante de rapports hiérarchiques conflictuels dont la base demeure la persécution vécue par un homme, dont l’utilisation de son arme était l’ultime recours pour sauver son honneur. Autant rappeler un pan essentiel des fameuses bases de la discipline de Napoléon Bonaparte : «Les membres de la hiérarchie militaire, à quelques degrés qu’ils soient placés, doivent respect et déférence à leurs subordonnés.» Mais cette assertion tombe souvent dans des oreilles non réceptives, au point de pousser certains chefs à verser dans le manque de considération ou d’inobservation de la dignité humaine. Entre les pratiques liées à la formation militaire et les droits humains, la délimitation est obscure et non protectrice de l’Armée, en atteste la mort du sapeur-pompier en formation. Cette affaire encore pendante en justice va-t-elle être une occasion à ce troisième pouvoir ou aux juges tout court de noter, qualifier ou faire un pas pour légiférer sur le peloton de punition qui existe bel et bien dans l’Armée ? «La discipline fait la force principale des armées», a-t-on chanté partout et c’est vrai, mais le socle sur lequel est assise cette discipline, je veux dire le règlement dans toutes ses composantes, protège-t-il les militaires devant la loi ? Remise en question des lois L’autre manque de considération constatée dans les actes posés par les chefs ces dernières années reste cette propension à signer des notes de service ou à donner des instructions qui remettent en question des pratiques érigées en institution ou des lois votées et en vigueur depuis des lustres. Refus d’autoriser les hommes sous contrat à passer les concours paramilitaires : Le Commandement a toujours exigé des hommes de produire des demandes d’autorisation pour passer des concours. Non sans vouloir prêcher encore une fois dans le désert, je n’ai pas une seule fois vu une loi qui interdit aux militaires sous contrat de passer des concours. Cette possibilité, dans le cadre interne de la fonction publique, est offerte même aux autres citoyens. Si le mobile est de stopper l’hérésie au niveau des effectifs, il demeure un frein à la volonté de réussir de nos hommes et une atteinte grave à leurs droits. Cette pratique fait perdre à l’Armée ses meilleurs éléments au niveau de la troupe et renchérit les autres corps. Une gestion plus prévisionnelle de nos ressources humaines et une ouverture de lignes budgétaires supplétives seraient plus légales et salutaires pour tous, car qu’on soit à la police, à la gendarmerie ou dans un des autres corps, on sert l’Etat. Interdiction d’avancer ou d’aller en stage à moins de 2 ans de la retraite : Comme un effet de mode, ces actes ont été posés au cours des cinq dernières années et ont toujours droit de cité. Si à nouveau le mobile avancé est de faire bénéficier à l’Armée les dépenses effectuées pour la formation des personnels, l’on peut s’étonner du mutisme de ces autorités devant ces avancements dont l’Armée n’a tiré aucun profit. On ne devrait point ouvrir une brèche, en permettant à un chef, quelle que soit sa place dans la hiérarchie, d’imprimer à l’Armée une démarche ou d’avoir une orientation qui brise des carrières ou annihile des ambitions sur la seule volonté de cette autorité. Le malheur réside encore sur la portée de leurs choix et décisions, car étant les seuls interlocuteurs directs de l’autorité suprême. C’est pourquoi il n’est pas rare d’entendre dans les rangs parler de cécité dont souffre la hiérarchie ou de volonté de fermer les yeux sur la situation pour sauvegarder leurs propres intérêts. Ce n’est pas demain la veille. Mais comme l’Armée demeure une des entités les mieux organisées, tout ce qui s’y fait doit impérativement être davantage encadré et soumis à un respect scrupuleux des textes. Se mettre au niveau des élèves, j’allais dire des hommes, est une des premières règles pédagogiques qu’on inculque à un instructeur, un chef, dans sa formation. Donc est-il besoin de rappeler à ce dernier l’attention particulière qu’il doit accorder à sa communication avec ses hommes ? Les hommes passent et l’institution demeure. Même si le pouvoir grise, la formation qu’on a reçue doit nous éloigner de ces comportements et initiatives. Cet outil a été conçu, construit et maintenu par des générations de chefs, des gens désintéressés et dont les seuls soucis étaient de préparer les hommes, de les mettre dans de bonnes conditions et de les amener au feu, le moral haut. Nous émettons le souhait de voir notre pays renforcer ses acquis dans tous les domaines. Il jouit d’une stabilité qu’on souhaite pérenne. La mégalomanie n’est pas militaire et dépouille l’Armée de son essence même. Le chef a raison et il a toujours raison a pour objectif de renforcer la discipline et non d’asservir des hommes. Ne l’oublions point, beaucoup de situations critiques sur le terrain ont été dénouées par les subordonnés dont les avis sont renvoyés aux calendes grecques dans nos paisibles casernes. Lieutenant-colonel (ErR) Adama DIOP Ancien Chef de la Division Médias et stratégies de la Direction de l’information et des  relations publiques des Armées (Dirpa)

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