Les Sénégalais ont appris, avec étonnement, la révocation du Directeur gérant de la SODAV, le weekend dernier. La presse en a fait largement écho. La majorité des Sénégalais s’en est émue. « Encore une victime du système ! », s’offusquent beaucoup. Au-delà de tout ce que l’on peut penser ou croire, cette affaire pose la problématique de la responsabilité des différents acteurs et parties prenantes.
Bouna Manel FALL, pour ne pas le citer, a pris fonction en octobre 2016, soit plus de deux ans après le pot de bienvenue organisé par le conseil d’administration de la nouvelle société de gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins. Intitule de revenir sur les détails de sa désignation : il est nettement sorti du lot, suite à un appel à candidature qui a fait même concourir des postulants à l’étranger. L’establishment ne voulait pas de cet élément indépendant. Il est connu pour n’être d’aucun bord, de n’être inféodé à nul groupe de pression, de ne se soumettre à aucun cercle d’intérêt. Ce profil de gestionnaire libre dérange jusque dans les plus hautes sphères du pays. C’est à contrecœur que les forces qui l’ont combattu ont assisté à sa prise de fonction. Depuis, il s’est mis à l’ouvrage, fort de sa vision et de ses compétences managériales propres. Devant la décision qui a été prise par le conseil d’administration (dont la composition peut interloquer plus d’un au vu des profils de ses membres), il reste droits dans ses bottes de soldats et assume les responsabilités qui lui ont été assignées.
Qu’en pense le personnel ? Les langues commencent à se délier. Il est fait état de l’engagement du Directeur gérant. Il est assidu et ponctuel, nous dit-on. Mieux, il émarge tous les jours au plus tard à 7h 40mn, excepté le matin où la voiture de fonction lui a joué un tour ; l’obligeant ainsi à la laisser au niveau de la station d’essence en face du lycée Seydou Nourou Tall. Il a su, en quelques mois, rassurer les agents et donner du cœur à l’ouvrage aux troupes. En somme, on nous confie qu’il a imprimé une nouvelle dynamique de travail. Il promeut, ajoute-t-on, une véritable culture de l’effort et du mérite. D’où les résultats probants qu’affiche la SODAV en un trimestre.
S’il jouit d’une telle estime auprès de ses collaborateurs, pourquoi est-ce qu’ils sont aussi couards devant son limogeage? Quarante années dans le public, ça ne prédispose guère à la défense de ses intérêts. Ce personnel risque, pourtant, d’être le premier sacrifié sur l’autel de la convoitise débordante de gens de petite vertu. Il appartient au personnel de la SODAV de se déterminer et de défendre ses intérêts qui sont intimement liés au type de manager qui gère l’organisation.
Et les ayant-droits ? On imagine leur incompréhension. Que se passe-t-il dans « leur maison » ? Ils ne savent assurément pas. Et ce n’est pas en restant dans la position de spectateurs que cela s’améliorera. Il est question de leurs revenus, de leurs conditions de vie, de leur avenir (ou de leurs vieux jours). La SODAV est au confluent des formes d’expression culturelles du Sénégal. Avec les droits numériques, la manne financière que peut engranger la société de gestion collective des droits est plus que considérable. Elle sera énorme. De quoi donner le tournis aux rapaces qui n’ont d’yeux que pour l’argent. Ils en bavent même, rien que d’y penser. Heureusement, des leaders d’opinion (Habib Faye, en l’occurrence) ont pris sur eux de dénoncer ce qu’ils appellent un complot ourdi par une « oligarchie » voulant garder la main haute sur l’industrie culturelle. C’est en fait une forfaiture qui s’accomplit sous les yeux des acteurs culturels et ils seraient coupables de rester les bras ballants. C’est à eux de prendre en charge la préservation de leurs aspirations légitimes. Et à ce niveau, les membres du conseil d’administration qui ont la bonne information doivent éclairer leurs frères et sœurs qui sont embarqués dans le même navire qu’on veut couler.
Qu’en est-il de la tutelle ? L’autorité est faite pour être exercée. L’abus d’autorité est intolérable, à tous points de vue. Mais il y a pire : la vacuité de l’autorité. Les Africains sont adeptes des deux extrêmes. Dans le cas présent, le ministre qui a en charge le portefeuille de la culture doit prendre toute sa responsabilité. La suite à donner à ce dossier lui incombe. Il doit prendre la pleine mesure des enjeux. Dans les prochains ours, on sera fixé sur la position qu’adoptera le ministre.
Narcisse