La valeur de celui qui ne pense qu’à remplir son ventre n’a d’égale que ce qui en ressort ! Imam Gazhâli
L’espoir de vivre des lendemains meilleurs nous galvanise, mais ne nous fera point vivre mieux. Le mal est beaucoup plus profond. Nous pointons du doigt l’oligarchie, le népotisme, le clientélisme, le clanisme, etc… Mais le tout passe quand un peuple souverain reste complice, en fermant les yeux, en croisant les doigts, en abdiquant face au déséquilibre social et à l’injustice. A un moment donné il faut taper sur la table; si s’offusquer est un devoir, se rebiffer devient un acte citoyen. Le seul et unique intérêt à défendre doit être celui du Sénégal, notre destin commun, avant n’importe quel individu ou conglomérat de politiciens professionnels. Les défis sont énormes, et nous nous devons de rompre avec le « je ne suis pas le seul, dou man kessè ».
Un responsable politique doit incarner la transparence, la compétence et la pertinence. Toutes ces caisses noires, fonds politiques et leur corollaire doivent disparaître. Même les pays supposés riches ne peuvent pas se permettre certaines largesses hérétiques, c’est juste aberrant ! Il est plus que temps de combattre ces dérives sectaires, de vieilles habitudes délétères qui nous ont ferrés au bas fond de l’immoralité. Ces vices de politiciens véreux qui se singent au sens propre comme au sens figuré, dans les méandres vertigineux de la décadence. Imiter et perpétuer le mal, légaliser le vol, la corruption et la concussion. La générosité d’un homme politique ne devrait pas se mesurer sur sa capacité à dilapider des biens publics ou l’argent du contribuable sénégalais. Mais depuis maintenant plusieurs décennies, c’est presque devenu anodin.
Pour rappel, depuis plusieurs mois, L’État et la mairie de Dakar se disputaient la réfection de la place de l’indépendance, pendant qu’une partie de la population souffrait des inondations, pendant que le chômage, l’insalubrité et l’insécurité ne cessaient de croître, pendant que l’eau et l’électricité devenaient un luxe, pendant que la santé et l’éducation sombraient dans le chaos… On attendait de l’État, des projets pour développer l’industrialisation, l’autosuffisance alimentaire, etc… Et de la mairie de Dakar d’arrêter de brader des centaines de millions pour des feux d’artifices à chaque nouvel an, l’illustration d’une passion pour le bling bling et de rêves de grandeur. Une vision plus réaliste que des pavés et la chasse aux marchands ambulants.
« Il n’y a pas de détournement, il n’y a pas d’escroquerie, nous n’avons fait que continuer une pratique, une modalité de gestion. » dixit le maire de Dakar.
Les mots ont leur sens, et l’erreur serait de politiser un débat qui nous concerne tous. Chaque citoyen qui gère des deniers publics devrait rendre des comptes pendant et après son mandat, mais sans parti pris. Une justice indépendante, une presse libre, des citoyens assez lucides pour s’acquitter de leur devoir et exiger leur droit. Ne nous leurrons pas, aucun pays ne s’est développé dans la fourberie, la félonie et la flagornerie. Nombreux sont ces sénégalais consciencieux, intègres, mais complètement déboussolés et dépités de la politique. Ils sont presque tous devenus fatalistes. Alors que le juste combat pour le bien-être dans la demeure familiale concerne tous les enfants; et dans une même famille on se doit d’être engagés, vrais, authentiques, pour l’intérêt commun, au nom de nos propres valeurs culturelles et morales.
Une gestion sobre et vertueuse ? Ce n’est pas utopique, mais nous y arriverons quand la Justice sera là pour chaque citoyen, du guide spirituel au célèbre chanteur, de l’opposant politique au membre du parti au pouvoir ou frère du président de la République. On a l’impression que gouvernants, opposants et opportunistes, jouent avec le thermostat de la situation politique et sociale de notre pays. Alors notre démocratie accoutumée à une léthargie quasi éthylique, inexorablement, s’enfonce dans la décrépitude. Il est incohérent de nous rabâcher du « patriotisme » à longueur de semaines, et venir nous demander de cautionner parallèlement des actes que nous combattons sur d’autres fronts.
Tout individu qui gère des deniers publics devrait être heureux et fier de venir rendre des comptes, a fortiori lorsque l’on nourrit des ambitions présidentielles. Une occasion de démontrer sa bonne foi et son intégrité, tout en exigeant la même chose pour les autres, loin de se morfondre dans la victimisation. Mais surtout Non à une justice à plusieurs vitesses. Cependant, si nous devons changer pour la même chose, les mêmes habitudes, les mêmes attitudes, les mêmes causes et les mêmes effets, à quoi bon ? Nous nous devons d’être intransigeants avec nos dirigeants ainsi qu’aux potentiels candidats à la gestion des affaires de la cité. Au cœur de nos revendications, l’exemplarité, la transparence, le courage politique, la foi patriotique, une lucidité sans faille… La raison citoyenne, loin du suivisme aveugle dicté par l’émotion et la passion.
Bocar GUEYE