A la lumière des dispositions du nouveau code électoral, article L.145, alinéa 2, il convient de relever d’emblée que les entités indépendantes ne peuvent pas présenter de candidats au scrutin majoritaire sur les listes des départements de l’extérieur et que les électeurs figurant sur le fichier spécial des Sénégalais de l’extérieur n’ont pas droit à parrainer une candidature indépendante.
De plus, le choix du fichier de référence à partir duquel les signatures seront recueillies par les entités indépendantes pour faire valablement acte de candidature aux prochaines législatives aurait dû être fixé de manière précise à l’image de la détermination du nombre de député à élire au niveau des départements de l’extérieur qui se fera sur la base du fichier actuel, cf. art. L.353, dispositions transitoires. Certes l’article L.354 prévoit l’usage du numéro de récépissé de dépôt qui peut faire office de numéro de carte d’électeur pour le dépôt des candidatures et pour le parrainage des candidatures indépendantes, mais il ne renvoie pas expressément au fichier actuel ni à celui en phase de constitution.
Comment peut-on déterminer 0,5% d’un fichier électoral qui ne sera consolidé qu’au terme de la gestion du contentieux sur les inscriptions ? Or à trois (3) mois de la date de dépôt des candidatures, les modalités de parrainage des candidatures indépendantes devraient être déjà précisées afin de faciliter la collecte des signatures.
Alors que l’article 29 de la Constitution prévoie, pour la recevabilité des candidatures indépendantes à l’élection présidentielle, la signature d’électeurs représentant au moins dix mille (10 000) inscrits domiciliés dans six régions à raison de cinq cents au moins par région, le parrainage en vue des élections législatives, encadré par le code électoral, obéissaient jusque-là aux mêmes critères. C’est ainsi que l’administration électorale a voulu maintenir cette clause.
Mais les acteurs politiques, sous le prétexte d’adapter le texte à l’évolution du fichier électoral, ont corsé les conditions de participation des entités indépendantes. Voilà ce qui a motivé les nouvelles dispositions contraignantes du code électoral dont certaines soulèvent même une question d’inconstitutionnalité.
En vérité, il faut admettre que celles-ci ont dévoyé l’esprit de la révision constitutionnelle. Il fallait donner à la volonté du constituant la plénitude de son sens puisque la garantie aux candidats indépendants de participer à tous les types d’élection, énoncée à l’article 4 de la Constitution, est un acquis consolidé par le référendum du 20 mars 2016. Autrement, l’initiateur des réformes institutionnelle aurait pu envisager simplement une loi qui autorise la participation des indépendants aux élections locales dès lors que la loi constitutionnelle n° 91-46 du 6 octobre 1991 portant révision de la Constitution l’avait déjà intégrée pour l’élection présidentielle et le code électoral de 1992 pour les législatives.
Au surplus, et à sa décharge, le Président de la République avait bien prôné, lors du lancement du dialogue national, qu’aussi bien les candidats indépendants que ceux investis par les partis politiques soient soumis aux mêmes exigences relativement à la collecte de signatures d’électeurs. Une position que nous avons longtemps défendue puisque la participation aux élections est source de dépenses publiques énormes. Sous ce rapport, les partis politiques devraient cesser de se dissimuler continuellement derrière des coalitions. D’où la nécessité d’instaurer la preuve de la représentativité théorisée par l’expert Bakar Ndiaye.
Le code électoral, en encadrant la candidature indépendante en son art. L.57, est source de contentieux. Il en résulte que l’ensemble des candidats titulaires comme suppléants devront respecter la clause: n’avoir jamais milité dans un parti politique ou avoir cessé ses activités militantes au moins un (1) an. Or l’application stricte de cette disposition -à sens unique- provoquerait plusieurs contentieux car si le candidat tête de liste est facilement identifiable, il n’en est pas certain pour le reste des investis.
Si la refonte partielle en cours enregistre un taux d’inscription dans les proportions de celui de la refonte totale de 2007, le fichier parviendra à 6 millions d’inscrits (82%). Donc 0,5% des électeurs équivaut à 30 000 signatures que les entités indépendantes devraient collecter pour la recevabilité de leur candidature alors qu’à la présidentielle de 2007 et celle de 2012, six (6) candidats ont obtenu un score inférieur à 0,5% des inscrits tandis qu’aux dernières législatives sur les 24 listes en compétition, 18 n’avaient pas atteint ce seuil (26 843 électeurs) et pourtant sept (7) d’entre-elles ont pu gagner un siège à l’Assemblée nationale.
Au vu de tout ce qui précède, il serait judicieux de réformer le code électoral en vue de faciliter la participation des entités indépendantes aux élections :
Prévoir la présentation des listes indépendantes pour le scrutin majoritaire départemental au niveau de l’extérieur,
Moduler le nombre de signatures en fonction du nombre de circonscriptions dans lesquelles les candidatures seront présentées,
Prendre en compte le quotient électoral des dernières élections législatives,
Prévoir le parrainage par les électeurs inscrits dans le fichier spécial des sénégalais de l’extérieur,
Instaurer le parrainage en ligne (par internet),
Fixer un seuil de représentativité aux partis politiques.
Préciser les modalités de collectes des signatures dès la fixation de la date des élections.
En attendant, il revient aux entités indépendantes qui souhaitent prendre part aux prochaines consultations d’intégrer les dispositions contraignantes et de négocier avec les quelques 200 partis politiques qui ne participent pas aux élections. Par conséquent, les entités indépendantes pourraient éviter le syndrome Youssou Ndour.
Sénégal, 28 février 2017
Ndiaga SYLLA, Expert électoral
Membre du GRADEC
Email : codelectoral@gmail.com