Par précaution méthodologique, je ne vais pas relancer le passionnant débat sur les concepts agités notamment : la diaspora, les émigrés, les sénégalais de l’étranger ou de l’extérieur. Je concède cette dernière appellation ; même si j’ai mon avis sur les manipulations conceptuelles qui engendrent des perceptions, des contenus, une vision et des projets. Ces derniers ont toute leur importance dans un monde de communication où la migration est au cœur des politiques de gauche, du centre et de droite avec des conséquences sur les droits politiques, économiques et sociaux des migrants. J’y reviendrai le moment venu ; comme ce n’est pas l’objet de cette contribution.
Depuis 1993, les sénégalais de l’extérieur votent. Sur inspiration de la France, les autorités socialistes avaient institué le conseil supérieur des sénégalais de l’extérieur même si cet organe de conseil a été carrent. Ce qui ne leur enlève pas le mérite de l’initiative. Il a fallu attendre l’alternance avec le Président Me WADE qui a véritablement institutionnalisé les questions migratoires. En 2001, il a convoqué un symposium sur le nouveau partenariat entre les sénégalais de l’extérieur et l’état ; des assises qui ont battu le record de participants. Les conclusions ont été intégrées dans toute la gestion du secteur. Il a renouvelé et doté de moyens audit conseil ; ce qui lui a permis d’assurer son fonctionnement et initier un programme. Le régime de WADE a consacré un ministère de plein exercice doté d’un fonds (Fonds d’Appui à l’Investissement des Sénégalais de l’Extérieur FAISE) exclusivement destiné à accompagner les projets des émigrés. Aussi, il a consolidé la représentation des émigrés dans toutes les instituions de la république (Présidence, sénat, conseil économique, ministères…). Enfin, les libéraux ont renforcé la couverture diplomatique et consulaire de proximité et érigé huit (08) d’émission de cartes d’identité et passeport numérisés entre autres.
Cet évolution institutionnelle de la gestion migratoire a été freiné par le régime de Macky SALL qui a ignoré le conseil supérieur et effacé le ministère des sénégalais de l’armature gouvernementale. Rattrapé par le traumatisme du second mandat, il improvise un prétendu souvenir de son obligation d’impliquer les émigrés par l’élection de quinze (15) députés. Il faut préciser que ce qui est en cause ce n’est ni la pertinence ; encore moins le nombre que la méthode cavalière et l’incohérence de ces options de marginalisation des émigrés dans toutes les autres institutions.
Des conditions d’affectation du quota de députés
En démocratie, la vie politique investit les acteurs notamment les autorités ; les responsables de la majorité et de la minorité ; les indépendants et la société civile à promouvoir un dialogue continu sur les questions d’intérêt national. Cette démarche permettrait des consensus forts et favoriser l’adhésion du plus grand nombre de citoyens.
Dans le cas d’espèces, le chef de l’état a unilatéralement utilisé sa majorité mécanique à l’assemblée nationale pour voter la loi N°44/2016 portant code électoral qui fait passer le Sénégal à cent soixante cinq (165) députés dont quinze (15) issus de l’extérieur, dans le mépris de l’avis même des émigrés les principaux concernés. Il oublie que les émigrés ne sont pas des personnes à administrer par des actes confectionnés dans les officines marron-beiges; mais plutôt des citoyens avec lesquels il faut privilégier l’écoute, la concertation et la mise en confiance. Endoctriné par un allié, adepte du congrès sans débat, il est tout juste obnubilé par le recasement d’une clientèle politique déçue par le non respect des promesses électorales. Même les observateurs s’accordent sur l’absence de cohérence d’un Président qui a brillé par la régression institutionnelle de la gestion de la problématique migratoire et qui, subitement postule à l’oscar du protecteur des émigrés qui, souvent froidement abattus ou expulsés massivement ne bénéficient d’aucune initiative diplomatique du département de tutelle.
Il faut signaler l’insertion pernicieuse de la notion de subdivision : « département de l’extérieur » dont je laisse aux juristes et administrateurs civils le soin d’interpréter la réalité, la base juridique dans l’organisation administrative du pays. A mon humble avis, l’idée de circonscription électorale de l’extérieur me semblait plus pertinente. En tout état de cause, je voudrais simplement susciter la réflexion autour de cette question.
A défaut d’un recensement ou d’une enquête pour avoir la taille réelle de la population émigrée voire des statistiques fiables et officiels, nous sommes obligés de nous contenter d’une estimation entre 2,5 et 3 millions d’émigrés rapportée par nos autorités.
Sur la base des données ci-dessus indiquées, on pourrait justifier largement par le calcul suivant :
(2 500 000 : 14 000 000) X 105 = 18,75 (2,5 millions émigrés ; 14 millions de sénégalais ; 105 députés à élire sur la liste départementale ; 18,75 députés).
Concernant les soixante (60) députés élus sur la liste nationale à partir du total des voix de l’intérieur et extérieur rapporté aux (60) postes, appelé quotient national ; c’est clair que les organisations politiques et de la société civile vont y investir des émigrés pour capter le maximum de voix.
Vous conviendrez bien avec moi que le choix d’affecter le nombre de députés par département extérieur sur la base du nombre d’inscrits du fichier révisé de 2011 est une rupture d’égalité entre les citoyens vivants au Sénégal et ceux à l’extérieur. Il s’y ajoute que l’affectation de trois (03) députés à la France par une manipulation des textes est une discrimination inacceptable. D’autant plus que dans le cadre de la révision en cours à l’extérieur, les inscriptions sont orientées systématiquement dans les zones favorables au camp du pouvoir pour minorer les inscriptions d’opposants. Cette pratique disqualifie le Ministre de l’intérieur Abdoulaye Daouda DIALLO qui est entrain de confectionner un fichier frauduleux. Ainsi, le régime expose le pays à une instabilité et des risques de contentieux électoral.
Les acteurs électoraux, les citoyens et les partenaires techniques sont interpellés pour concourir à la démission du ministre et l’organisation d’élections transparentes, fiables par un organe indépendant. L’opinion nationale et internationale se rappellera que le Président WADE avait l’élégance et la hauteur de nommer le Ministre Cheikh GUEYE, un cadre indépendant de l’administration qui a organisé des élections transparentes en 2012. Aujourd’hui, le président SALL prouve à suffisance la démagogie érigée- en système de gouvernance de son régime. Après avoir combattu avec ses alliés l’organisation par Ousmane NGOM du PDS recyclé dans les officines marron-beiges; aujourd’hui, il s’agrippe sur Mr DIALLO, membre de la direction de l’APR, maire et organisateur de la dernière calamiteuse consultation référendaire. Le régime panique devant la volonté exprimée par l’opposition de travailler à la présentation d’une liste unique aux prochaines élections législatives. Le peuple fera de ces élections une conquête du pouvoir en imposant une cohabitation en 2017.
Par ailleurs, les autorités ont écarté les indépendants qui seront obligés de se faire parrainer ; malgré l’esprit et la lettre de la nouvelle constitution.
Last but not least, avec la faiblesse du nombre de commissions d’inscription les sénégalais de l’extérieur seront non seulement privés de leur droit de vote ; mais aussi de l’accès à leur carte d’identité biométrique qui sous tend toutes les pièces liées à leur séjour et le renouvellement de leur document de travail et même leur passeport. Il y va de leur sécurité. Parfois nos compatriotes sont obligés de prendre en charge des frais de salle et de restauration pour accueillir les commissions administratives entre autres. Où sont passés les milliards du budget tant chantés par les thuriféraires du régime marron.
Des missions, profils des candidats et bonne représentation
Par délégation du peuple les députés sont ses représentants qui votent les lois, contrôlent l’action gouvernementale. Ils peuvent provoquer la démission du gouvernement par le vote d’une motion de censure. Aussi, l’assemblée nationale est dotée de pouvoirs d’évaluation des politiques publiques.
Il est évident que les députés de l’extérieur exercent ses missions au même titre que leurs collègues issus de la liste majoritaire nationale de même que ceux de la proportionnelle qu’ils ont participé à élire.
Durant leurs séjours dans les pays d’accueil ils peuvent valoriser leur statut en collaboration avec les autorités diplomatiques et consulaires pour intensifier la protection des compatriotes et impulser des initiatives de coopération ou les accompagner dans le respect des lois et règlements.
Les députés de l’extérieur doivent avoir une compréhensation très pointues des questions liées à protection, à la promotion et la gestion de la migration. Il serait souhaitable que ses migrants résidents, en mobilité ou de retour qui capitalisent une expérience ; un bilan ou un engagement affirmé sur les enjeux des politiques d’intégration dans les pays d’accueil ; de participation économique et politique des émigrés au développement du pays d’origine et d’accueil ; de promotion d’un retour volontaire articulé autour de projets structurants.
Ces députés doivent nécessairement organiser des missions s de compte rendu parlementaire et soutenus conséquemment par l’assemblée nationale. Il pourrait s’agir de dotations ponctuelles gérées dans la transparence avec obligation de justification des dépenses. Il serait fait obligation de produire un rapport dont les objectifs et résultats attendus seront préalablement discutés et validés par la commission migration. Cette dernière doit être érigée en commission technique autonome en dehors de la commission des affaires étrangères et dotée de moyens financiers, logistiques et humains acceptables. Il me parait pertinent de mobiliser des assistants parlementaires pour accompagner les nouveaux élus et multiplier les séminaires, conférences thématiques suivant les préoccupations des pays composant les huit (08) départements concernés.
Ils pourraient assumer leur leadership pour réduire le déficit de confiance entre l’état et les autorités de la république ; mais aussi s’investir dans le projet d’améliorer l’immatriculation de nos compatriotes au niveau consulaire. Ces nouveaux acteurs institutionnels investis de la confiance des compatriotes auraient intérêt à ne ménager aucun effort pour relever le défi de booster l’organisation du niveau national. Car la difficulté d’acceptation à la base pourrait être un obstacle au succès de leur mission. Bien qu’ils vont être élu sur une liste ; il faudrait qu’ils se taillent le costume du député de tous les sénégalais en général et en particulier de sa circonscription.
Ils sont très attendus sur le volet du plaidoyer pour refuser la communication de stigmatisation et de la criminalisation de la migration à travers l’approche tout sécuritaire et l’érection de frontières extérieures dans de nombreux pays d’accueil.
En conclusion les citoyens, les électeurs et les candidats de l’extérieur doivent mesurer la complexité de l’enjeu de ces élections qui permettraient aux élus de contribuer pleinement à la prochaine législature notamment à toutes missions de vote des lois, du contrôle de l’action du gouvernement et l’évaluation des politiques publiques. Il s’y ajoute que les élus des émigrés sont attendus, spécifiquement sur l’épineuse problématique de la contribution à une meilleure prise en charge des composantes d’une politique migratoire à intégrer institutionnellement dans les départements, institutions et politiques publiques.
La participation, l’offre de programme, l’investiture des candidats pourraient être basée sur de pertinents critères pluriels de profils imbus de qualités et d’engagement soutenu par une organisation politique ou la société civile et parrainé par une liste. Lesdites organisations doivent être évaluées sur leur bilan dans le secteur de la migration. Il serait périlleux de dévoyer ces attentes par l’amateurisme d’acteurs qui pourraient privilégier des prétentions et de l’activisme. Le corps électoral, seul dépositaire de la légitimité de cette fonction élective devrait éviter une appréciation superficielle et réductrice de l’enjeu de ces consultations.
PAPA SAER GUEYE Fait à Dakar le 24/02/2017
CITOYEN