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Affaire Khalifa Sall : Une Caisse, Dix Questions

L’exécution de la dépense publique est encadrée par des principes et procédures clairement décrits par des textes législatifs et réglementaires (directives de l’UEMOA, Loi organique portant Loi de finance, Règlement général sur la comptabilité publique, etc.) connus des pratiquants de la finance publique. Le règlement général sur la comptabilité publique ne reconnaît désormais, que deux acteurs : l’ordonnateur, représenté par le maire dans le cas d’espèce et le comptable qui est le receveur percepteur municipal.
A ce propos, le principe de la séparation des fonctions d’ordonnateur et de comptable est consacré et la dépense publique est exécutée, généralement, suivant les étapes ci -après : engagement, liquidation, ordonnancement et paiement ; l’ordonnateur étant responsable de la phase administrative de la dépense (les trois premières étapes) et le comptable, seul responsable du paiement.
Toutefois, dans un souci de simplifier le traitement de certaines opérations, le législateur a prévu certaines mesures dérogatoires d’exécution de la dépense publique en concédant un assouplissement au principe de séparation sus cité; c’est le cas des régies d’avance communément appelé caisse d’avance. Cette facilité permet à l’ordonnateur, à travers des agents de l’ordre administratif appelé régisseurs d’avance ou de recettes, d’exécuter des opérations traditionnellement dévolues aux comptables et de réserver le contrôle a priori du comptable de rattachement après l’exécution des opérations.
Les conditions de création des régies d’avance pour les collectivités locales sont prévues par le décret n°66-510 du 04 juillet 1966 portant régime financier des collectivités locales, notamment en son article 16 qui stipule : « pour faciliter le recouvrement des produits recouvrables au comptant ou le paiement de certaines dépenses urgentes ou de faible montant, des régies de recette ou d’avances peuvent être instituées par décision du maire prise après avis conforme du receveur municipal et, en ce qui concerne les régies d’avances, approbation du Ministre de l’Intérieur. Leurs titulaires sont nommés par le maire après avis conforme du receveur municipal. Ils sont soumis aux obligations et responsabilités des régisseurs de l’Etat et, notamment, au contrôle direct du receveur municipal. ».
Ce même décret renvoie, pour les cas non prévus aux règles applicables pour l’Etat et dans notre cas au décret n° 2003-657 du 14 août 2003 relatif aux régies de recettes et aux régies d’avances de l’Etat. Les conditions de création des régies sont donc de trois ordres : l’existence d’un arrêté de création de la régie, la décision de nomination du régisseur et l’exécution d’opérations prévues.

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Ainsi, dès lors que la régie est régulièrement créée, le comptable de rattachement peut régulièrement approvisionner en fonds, le régisseur d’avance. Et après exécution des opérations visées, le régisseur rend compte au comptable de rattachement qui, en acceptant les pièces produites, en devient responsable, personnellement et pécuniairement devant la Cour des comptes. A défaut, il les rejette en mettant le régisseur en débet c’est-à-dire en engageant sa responsabilité pour le remboursement des sommes à hauteur des paiements irrégulièrement effectués.

A la lecture de ces éclaircissements, on est en devoir de se poser certaines questions sur le cas de la caisse d’avance de la mairie de Dakar :
Les régies d’avance ne dérogeant pas au Code des marchés publics, les acquisitions de denrées alimentaires ont-elles été effectuées en respect à la réglementation en vigueur ?
Si le code des marchés publics a été respecté, comment un G.I.E fictif pourrait-il être attributaire d’un marché annuel de 360 000 000FCFA puisque, parmi les conditions de formes de participation à la commande publique, les candidats doivent être en règle avec l’administration fiscale, l’IPRES, la CSS, etc.
Si ledit code n’a pas été respecté pourquoi le comptable assignataire a-t-il accepté les pièces produites par le régisseur ? Pourquoi, l’ARMP, à travers ses diverses missions n’a jamais décelé ce cas et a même cité la Mairie en exemple en matière de passation des marchés publics ?
Comment une caisse d’avance, dont la dépense est imputable au compte 6490 (dépenses diverses) inscrit au service 313 (cabinet du maire), a-t-elle pu permettre l’acquisition de denrées alimentaires normalement enregistrées au compte 601 (matières et fournitures) ?

Pourquoi le comptable assignataire de la caisse, qui a accepté les pièces du régisseur et a régulièrement réapprovisionné la caisse, n’a pas été placé sous mandat de dépôt alors que l’ordonnateur qui n’est responsable, dans ce processus, que des certifications qu’il a délivrées a été écroué ?

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Pourquoi le Maire a-t-il accepté de délivrer de fausses certifications pour recevoir de l’argent au lieu de proposer une procédure plus légale de création et de fonctionnement de sa « caisse noire » au vu de la jurisprudence de la Mairie ?

Pourquoi cette pratique « illégale » de la ville de Dakar, vielle de plus de 60 ans, et connu de toutes les autorités du Ministère des Finances, du Ministère en charge des collectivités locales et du Président de la République n’a jamais été soulignée par les corps de contrôles et les autorités politiques ? qu’en est-il de la responsabilité des autorités administratives ayant approuvé les budgets de la Mairie avec cette irrégularité ?

Pourquoi les anciens maires de la ville de Dakar et les percepteurs dont les gestions ne sont pas encore atteintes de prescription ne sont- ils pas visés par l’information judiciaire ouverte ?

Comment M. Khalifa SALL, jadis présenté comme l’un des leaders à la gestion transparente, sobre et vertueuse, et qui avait même, en 2009, déclaré tout son patrimoine alors qu’aucun texte ne l’y obligeait, peut- il aujourd’hui être caricaturé comme délinquant financier ?

Pourquoi les résultats d’une enquête de l’IGE ayant permis la clôture de cette caisse irrégulière depuis plus d’un an n’ont été transmis au procureur que quelques semaines après la décision du Maire de Dakar de présenter sa propre liste aux prochaines législatives ?

Le Maire de Dakar a, certes, enfreint la réglementation régissant les finances publiques en acceptant de délivrer de fausses certifications mais, loin de moi l’idée de le décharger, il a hérité d’une pratique irrégulière connu de tous à tel point qu’elle paraissait légale. Le régime politique du PDS auquel s’opposait le parti de Khalifa, connaissait l’existence de cette caisse mais n’en avait jamais fait une arme politique pour éliminer un adversaire pourtant sérieux à cette époque. Devrions-nous sous-entendre, aujourd’hui, à travers cet acte au relent politicien, qu’appartenir au régime ou à la mouvance présidentielle vaudrait quitus pour tout crime, fut-il financier, vu que la programmation des missions de contrôle des organes dépendant de l’Exécutif de même que les suites à donner découlent du pouvoir discrétionnaire du Président de la République ?
Dans un souci d’apaiser le climat social durant la période appelée « traque des biens mal acquis » le maire de Ziguinchor a pu échapper au mandat de dépôt après la période de mise en demeure pour justifier un enrichissement présumé illicite de plus de 1.4 milliards de FCFA au prix même du limogeage d’un procureur jugé trop téméraire par le pouvoir. Pourquoi donc ne pas tout simplement mettre sous contrôle judiciaire le maire de la capitale qui gère un budget de plus de 60 milliards et qui est prêt à se livrer à la CREI tout en continuant l’instruction afin d’éviter de déstabiliser inutilement le pays, de pourrir davantage le climat politique préélectoral et de décrédibiliser encore la justice ?
C’est Dieu qui donne le pouvoir à qui Il veut sans justifications aucune et lorsqu’il avait décidé de punir pharaon par le biais de Moise Il avait fait de tel sorte que la sécurité, l’éducation, l’alimentation de ce dernier soient assurées par son pire ennemi. De même, lorsqu’Il avait décidé de faire de Joseph un roi, Il avait utilisé la jalousie de ses frères pour l’emprisonner à deux reprises : dans un puits et au cachot avant de le blanchir et de l’élever.
Enfin, pour caricaturer l’autre ils sont venus prendre Karim je n’ai rien dit car n’étant ni karimiste ni du PDS ; ils sont venus prendre Barth je n’ai pas bougé car je ne suis ni chrétien ni socialiste ; ils sont revenu prendre Bamba je n’ai pas bougé, je ne suis pas mouride ; ils sont revenus prendre Khalifa, je n’ai rien fais, je ne suis pas tidiane jusqu’au jour où ils sont venus me prendre, il n’y avait plus personne pour me défendre.

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Ibrahima NDIONE, auditeur, spécialiste en finances publiques
iboundione@yahoo.fr

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