Les îles du Saloum, voilà une partie du Sénégal coupée du monde et longtemps rangée aux oubliettes malgré les énormes potentialités. Localisées dans la zone du delta du Saloum, site inscrit dans le patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2011, elles dénombrent plus de 25 villages répartis dans l’île de Mar et dans les îles de Gandoul.
L’île de Mar se situe dans la partie extrême Sud-Ouest de la commune de Fimela, département de Fatick, plus précisément au Nord de l’estuaire du Saloum. Elle compte quatre (4) villages, Mar-Lothie, Mar-Soulou, Mar-Fafaco, Wandié.
Les îles de Gandoul quant à elles, sont comprises entre les bras de mer du Saloum et du Diombos, et abritent de nombreux villages dont les principaux sont Bassoul, Dionewar , Niodior (chef-lieu d’arrondissement), Djirnda, Thialane, Moundé, Bassar, Diogane, Ndioure, Siwo, Falia, Baout, Diamniadio, Fambine, Fayako, Félir, Ngadior, Rofangué, Vélingara. Ces villages sont rattachés administrativement au département de Foundiougne.
Les îles du Saloum couvrent près de 1093 km2. Sur le plan démographique, la population dépassait déjà 31 000 habitants en 2009. Cette population a beaucoup souffert en silence. Ses valeurs morales et républicaines caractérisées par le « diom », la dignité, la discipline et le « kërsa » vis-à-vis de l’Etat et de ses gouvernants, ont longtemps prévalu sur les complaintes. C’est d’autant plus vrai qu’il n’y a pas de routes à bloquer à la circulation comme peuvent le faire les populations vivant le long des axes routiers. Et finalement, personne ou peu parle suffisamment de cette situation, et l’écho des cris de cœur des populations insulaires ne retentit guère. L’enclavement telle une muraille aurait-elle tout obturé ?
Pourtant, c’est un secret de Polichinelle, les îles du Saloum font face à un handicap permanent lié à leur insularité. Elles souffrent de l’enclavement en effet, avec son lot de conséquences.
Tout d’abord, les îles du Saloum subissent subissent tous les handicaps liés à l’insuffisance criarde dans la fourniture de l’électricité. Celle-ci est produite par des centrales solaires ou par des groupes électrogènes. Elle n’est pas garantie pendant plus de 07h de temps par jour et ne prévoit que du matériel à faible besoin d’énergie : radios, lampes et télévisions.
Il est évident donc que la production de biens et services ne peut prospérer, malgré les potentialités agricoles, laitières, animalières et halieutiques, parce que tout simplement les opportunités n’existent pas pour produire des quantités suffisantes à la transformation ou la commercialisation, par faute d’unités de conservation qui ne peuvent être opérantes sans énergie. Ainsi, au moment où le secteur primaire se débat à cause d’une faible pluviométrie combinée à une réduction des surfaces cultivables et de pâturages découlant d’une salinisation et d’un habitat poussés, voilà qu’au 21ième siècle, faute d’un minimum d’énergie et d’électricité garanti, les populations des îles du Saloum n’ont pas d’alternatives crédibles pour faire face à leurs besoins vitaux.
Le tourisme qui aurait dû jouer un rôle important sur les revenus, dégringole pour rester à l’état rudimentaire malgré le potentiel des îles, ce qui est tout à fait logique parce que l’électricité est indispensable au touriste.
L’autre problématique est naturellement l’accès et le transport qui constituent un casse-tête permanent. Les îles sont ralliées en pirogue en général à partir du village de Ndangane Sambou sur la rive nord du sine, un affluent de l’estuaire du saloum. Une seule pirogue fait la navette par jour, pour chaque village, et il ne faut surtout pas avoir la malchance de rater le départ. S’il s’agit de rallier Mar-Lothie, il faudra attendre des heures et des heures pour un nouveau départ, et s’il s’agit des villages de Gandoul, il faudra passer la nuit à Ndangane Sambou et attendre le lendemain. Il s’y ajoute que les conditions de voyages sont difficiles, la sécurité en mer n’est pas assurée, le transport coûte cher et le trajet peut durer des heures pour arriver aux îles de Gandoul. Et il n’y a jamais eu de bac dans la zone, du moins dans les 30 dernières années.
L’allégement de ces conditions d’accès et difficultés liées au transport maritime, était l’une des raisons du projet de pont de l’île de Mar qui a été évoqué par le Président de la République, son Excellence Macky SALL lors du conseil des ministres décentralisé tenu à Fatick en juillet 2015. Ce projet a été cité parmi les réalisations d’infrastructures à faire.
Avec le pont, dans un premier temps, des routes et pistes auraient desservi l’île de Mar, jusqu’au Cap Marignane sur la rive nord du Saloum, à 3 kilomètres au sud de Mar-Lothie. De Cap Marignane, ancienne station militaire française (avec comme principales attractions, deux imposants canons dont l’un est tourné vers la mer), les iles de Gandoul allaient y trouver un embarcadère plus propice, qui réduirait la distance et le temps en pirogue et qui favoriserait plusieurs voyages aller/retour.
Dans un deuxième temps, un pont ou bac pourrait être envisagé à Cap Marignane, permettant ainsi un désenclavement total des autres îles de Gandoul, avec un réseau routier ou de pistes qui interconnecteraient les différents villages.
Toujours à Cap Marignane, des escales des bateaux venant ou ralliant Foundiougne et Kaolack pourraient être envisagées aussi, favorisant encore le ralliement des insulaires du Saloum par la mer, à partir de Dakar ou Kaolack, avec toute la sécurité requise.
Le doute s’est installé cependant quant à la réalité de cet ouvrage. En effet, au fil des communications ou messages du chef de l’Etat sur les infrastructures, notamment lors de la fête de l’indépendance d’avril 2016 et du nouvel an 2017, le projet de pont de de l’île de Mar disparait dans le discours, suscitant une grande inquiétude au sein de la population. Une vision claire et parfaite semble être estompée, le désenclavement par ce pont aurait été une aubaine pour l’ensemble des iles en effet.
L’espoir s’assombrit de ce fait et les conséquences directes de ces difficultés combinées se font ressentir et deviennent de plus en plus insupportables.
Les adultes et les jeunes sans perspectives d’avenir, sombrent dans l’oisiveté avec son lot de vices (anarchie, délinquance, drogue, alcool, …) qui risquent de compromettre dangereusement la stabilité sociale de la zone.
Les évacuations sanitaires sont de plus en plus assimilées à des morts certaines, et du coup, les parents et les malades préfèrent s’en remettre à Dieu plus tôt que de fournir les efforts de l’évacuation.
Il y’a aussi le panier de la ménagère qui en pâtit parce que les prix des denrées de première nécessité (riz, huile, lait, sucre, …) flambent toujours, comparées aux centres urbains et autres villages environnants du « djéri ».
Les populations insulaires vivotent en réalité et sont contraintes d’endurer au quotidien, toutes sortes de corvées insupportables.
Et pourtant, l’Etat du Sénégal est bien conscient de cette situation difficile dont souffrent les îles du Saloum. Le chef de l’Etat lui-même, à l’occasion du message de nouvel an 2017, a réaffirmé l’existence de contrées au Sénégal où les populations continuent d’exécuter des tâches d’un autre âge.
Par la même occasion, le Président Macky SALL a fait renaitre l’espoir de voir les grandes injustices réparées. L’écho de ce message de nouvel an a retentit dans les îles du Saloum.
Cette volonté politique exprimée se manifeste déjà à travers la prise en charge de l’accès à l’eau potable. Aujourd’hui, les programmes publics d’adduction au réseau d’eau potable (Programme Notto-Ndiosmone-Palmarin, l’Office des Forages) ont bien pris le relais sur les programmes de la Caritas qui étaient conduits par le Révérend Père THALMANN. Ainsi, grâce à la nouvelle impulsion donnée par son Excellence le Président de la République, l’Etat du Sénégal est entrain de régler définitivement cette question pour le bien des populations.
La volonté politique se manifeste aussi à travers les énormes investissements consentis pour désenclaver l’Ile à Morphil dans le nord du Sénégal. Cela suscite d’avantage l’espoir des populations des îles du Saloum, sur l’attention toute particulière que l’Etat devrait réserver à leurs terroirs aussi, pour valoriser les énormes potentialités et contribuer à leur émergence.
Ainsi, parce que l’espoir est permis, parce que les îles du Saloum existent bel et bien et sont partie intégrante du Sénégal, parce que les îles du Saloum ont des atouts majeurs et ne sauraient être négligées, notre conscience de fils du terroir va à l’encontre de la politique du silence qui prévaut, et nous dicte de porter la voix de ces populations et de revendiquer des conditions de vie normales.
François NDONG
De Mar-Lothie,
nfranquy@gmail.com