Le message de soutien que le maire de Montréal a adressé à son collègue Khalifa Ababacar Sall, via une vidéo diffusée sur le net, vous a servi de prétexte pour vous adonner à ce qui est tristement devenu, depuis quelques temps, votre sport favori, à savoir les attaques en règle contre le maire de Dakar. Qu’est-ce qui justifie un tel acharnement sur le maire de Dakar ? Votre « mission spéciale » se limite-t-elle à verser dans le dénigrement contre Khalifa Ababacar Sall pour donner des gages d’engagement, de fidélité et de loyauté au prince ? Avez-vous du mal à effacer de votre mémoire le souvenir douloureux de la raclée qu’il vous a fait subir à Grand-Yoff lors des locales de 2014 et qui vous ont, plus tard, conduit à l’exil politique à Kaolack ? Tenez-vous sérieusement Khalifa Ababacar Sall pour responsable de votre départ de la tête du gouvernement et de votre rétrogradation au poste d’ « Envoyée spéciale » sans mission précise ?
Dans votre réplique au maire de Montréal, lorsque vous invoquez les exigences de « bonne gouvernance », de « bonne gestion de nos deniers publics » et de « lutte contre la corruption de nos élites » pour justifier, sans conviction, l’arrestation de Khalifa Ababacar Sall, vous nous replongez, si amèrement, dans les premiers moments de l’avènement du régime de Macky Sall. Qui ne se souvient pas de vos multiples sorties médiatiques ? A l’époque Ministre de la justice, vous avez, avec dextérité, usé et abusé de ces notions que vous réchauffez aujourd’hui, au point de faire caresser aux Sénégalais le rêve de voir triompher dans leur pays « une gouvernance sobre et vertueuse ». Hélas, la suite ne fut que désillusion pour nos compatriotes. De toutes les personnalités politiques du régime précédent mises en accusation par la CREI, seul Karim Wade, opposant, a été jugé et condamné, avant d’être libéré dans des circonstances qui doivent, aujourd’hui, interpeller votre conscience si, bien sûr, votre capacité d’indignation a résisté à l’érosion du temps et des lambris dorés du pouvoir. Cela ne vous gêne-t-il pas de partager la mouvance présidentielle avec ceux que vous accusiez d’ « enrichissement illicite » et qui ont été blanchis par le Chef de l’Etat à la faveur de compromissions politiques ?
Madame l’Envoyée spéciale, êtes-vous en quête d’une légitimité politique pour préparer la succession de Macky Sall ? Une telle ambition est bien louable en démocratie, mais ce n’est pas par l’acharnement contre un homme politique victime de l’arbitraire de votre régime que vous obtiendrez la légitimé recherchée. Au nom de l’éthique, de la transparence et par respect pour les Sénégalais, vous êtes tenues de nous dire le montant de la facture engendrée par les multiples missions rogatoires envoyées à l’étranger dans le cadre de la « lutte contre l’enrichissement illicite ». A combien s’élève le montant effectivement recouvré ? Nos compatriotes attendent toujours des réponses.
La vérité est que, hier, vous vous êtes servis de la justice pour exécuter politiquement Karim Wade ; aujourd’hui, vous faites usage du même instrument, avec le même cynisme, pour écarter Khalifa Ababacar Sall des prochaines compétitions électorales.
Si, comme vous le déclarez dans votre réplique au maire de Montréal, « les Sénégalais souhaitent accéder à l’éducation, à l’eau potable, au logement décent(…) », ces besoins essentiels pouvaient être satisfaits si le Chef de l’Etat gérait de manière plus saine nos ressources publiques, en réduisant la taille du gouvernement, en se débarrassant d’une partie de ses multiples conseillers et autres envoyés spéciaux sans aucune utilité pour le pays, en se gardant de créer des institutions budgétivores qui répondent moins à un souci d’efficacité dans l’exécution des politiques publiques, qu’à une volonté de partage du butin entre les membres d’une coalition. En outre, si « les sommes d’argent incriminées pour les fausses factures de la mairie de Dakar permettraient de créer quinze postes de santé équipés, logement de la sage-femme y compris », admettez aussi que les douze milliards de francs versés à l’homme d’affaires Bictogo, dans des conditions à la fois choquantes et opaques, en vue de réparer un préjudice causé uniquement par les humeurs changeants du Président de la République, pouvaient permettre de construire deux mille quatre cents salles de classes, et délivrer ainsi plus d’une centaine de milliers d’élèves des abris de provisoires.
Assurément, Madame l’Envoyée spéciale, votre régime est disqualifié pour professer des leçons d’éthique et de bonne gouvernance. Arrêtez de sous-estimer la capacité de discernement des Sénégalais. Votre frère de parti Mbaye Ndiaye a bien raison : l’arrestation de Khalifa Ababacar Sall est purement politique.
Serigne Assane KANE,
Membre de la Jeunesse pour la
Démocratie et le Socialisme (JDS)
assanekane2012@yahoo.fr