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Le Saloum Cherche Un Nouveau Buur

Le Saloum Cherche Un Nouveau Buur

Tous les Saloum-Saloum  ont vécu un Nouvel An douloureux avec le rappel à Dieu de Babacar Mbaye Badiane le 4 janvier dernier. Il était le cinquante unième Buur Saloum.

Pendant plus de 20 ans, il a été Buur Saloum. Avec lui, le «Gamou traditionnel de Kahone» a été ressuscité et revêtu une envergure nationale.

Entouré de gens aimant le Saloum, très attachés à leurs valeurs traditionnelles, il a su faire de Pencum Saloum une Association dynamique pendant plus de dix ans.

Ces dernières années, l’âge et la maladie l’avaient progressivement éloigné des activités de l’association. Ainsi il s’est éteint le mercredi 4 janvier 2017. Un autre Alarba1 qui  prive le Saloum de son roi.

Il n’a pas eu des funérailles grandioses, dignes des Buur Saloum. On comprend aisément le pourquoi. Il était musulman ; il a été à la Mecque. Oui parce que dans le Pencum Saloum nous savons vivre nos traditions tout en faisant la part des choses.

Cedo nous étions et Cedo nous sommes restés, car  respectant de manière stricte, les valeurs que nos ancêtres nous ont laissées : sagesse, ruse, puissance  en parole, honnêteté, franchise, loyauté, droiture, discrétion, adresse, courage, témérité, endurance, pénétrance et  prévoyance.

Et parce que nous  voulons perpétuer ces valeurs, Pencum Saloum doit vivre. Or pour qu’il vive il lui faut un Buur. Voilà pour quoi nous allons vers le choix d’un nouveau Buur. Mais il y a lieu de préciser un certain nombre de choses qui régissent  le choix du Buur au Saloum.

Si nous publions cet article, c’est pour que nul n’en ignore. C’est surtout parce que nous avons lu dans un journal de la place un article  relatif à une pièce de théâtre  intitulé : «Damel Macodou Fall ou le parricide d’Etat.» Dans cet article, un passage nous a frappés. Lisons : «Un roi git sur son lit de mort. A ses côtés sa femme regrette de n’avoir pas eu une couche féconde. Bour Saloum meurt sans héritier, laissant vide le trône du Saloum.»

Il faut que l’opinion sache qu’au Saloum le trône ne pouvait être  vacant, faute d’héritier vu le système du matriarcat qui y était en vigueur.

En relatant ici les critères de choix du Buur, au Saloum, nous voudrions rectifier cette erreur de la pièce et en même temps  apporter un éclairage pour le choix du futur roi.

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Le choix du Buur

Au Siin comme au Saloum, le roi est toujours issu de la famille matrilinéaire des Gelwar (Kelwar au singulier en serer).

C’est le mâle le  plus âgé de la branche maternelle du défunt roi. Il peut aussi être son jeune frère, son grand frère, son cousin ou son neveu, et même son petit fils. Mais toujours du côté maternel, donc être un guelwar.

Parfois le roi peut choisir de son vivant, son successeur qui porte le titre de Boumi. Mais ce choix peut ne pas lier le Grand Jaraaf et  l’Assemblée des électeurs.

Les prétendants au trône déposent leur candidature de­vant le grand Jaraaf. Ce dernier examine la situation familiale et morale de chaque candidat.  En plus de cette condition sine qua non, il y a d’autres critères comme : la bravoure, l’ouverture d’esprit, un tempérament modéré.

Tous les prétendants étaient convoqués à  «Gouye Ndiouly», le Baobab mythique des circoncis par le grand Jaraaf. C’est là que le jury se réunissait sous la présidence du grand Jaraaf pour délibérer.

Une fois le choix fait, l’heureux élu passait sa première nuit à Mbadakhoune, un village  à quelques kilomètres au nord de kahone. Le lendemain, il revenait à Kahone pour son intronisation.

Le soir de son intronisation, le nouveau roi se rendait à «Gouye Ndiouli» pour une ultime épreuve. Arrivé au pied de l’arbre, le Buur devait grimper avec ses chaussures jusqu’au sommet de la branche principale et descendre sans s’agripper à un quelconque branchage. La  réussite à  cette épreuve était un bon présage pour lui. On en déduisait qu’il était béni des dieux et qu’il aura un long règne.

Le Buur Saloum devait pouvoir dire l’avenir, prévoir et prévenir  des évènements heureux et malheureux.

Ainsi il bénéficiait de l’assistance discrète  des «saltigui» et de certaines personnes qu’il avait déjà pressenties pour des fonctions importantes à la cour.

Rater cette épreuve était signe d’un bref règne.2

 L’intronisation du Buur

Le couronnement a généralement lieu, les dimanches, lundis ou vendredis en présence de tous les dignitaires du Royaume et du Peuple. La cérémonie est présidée par le grand Jaraaf.

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Avant la cérémonie publique de l’intronisation, le nouveau roi devait prendre 7 bains sacrés donnés par les saltigi.

– Le trône est un tas de sable.

– Le costume royal se compose de trois pagnes blancs : le Roi s’entoure les reins avec le premier, le second lui couvre la taille et il porte le troisième sur la tête.

– La couronne (Ndeppe) est une oreille d’éléphant ou un chapeau de paille. Elle est entourée d’une bande d’étoffe blanche.

– Le grand Diaraf saisit le Roi par la taille, l’abaisse et le soulève six fois sans toucher le trône et ce n’est qu’au septième tour qu’il lui permet de s’asseoir.

– Le Bissik  pose la couronne sur la tête du roi. La fusillade crépite.

– Le grand Diaraf salue le monarque par la formule «Dali» (Majesté) et lui dit : «A partir d’aujourd’hui, vous êtes Roi. Vous ne mangerez plus du «mboume» (sauce préparée avec les feuilles fraîches de certains arbres ou plantes). On ne vous démentira plus. Si vous riez, tout le Saloum rit. Si vous vous fâchez, tout le Saloum se fâche. Vous ne marcherez plus seul. A partir d’aujourd’hui, personne ne vous désobéira plus. Je demande à Dieu de vous mettre d’accord avec le Saloum.  Bour, on vous salue avec cent.» (c’est-à-dire que l’on souhaite que le règne du roi dure cent ans).

Le Bour se tourne vers la branche paternelle et lui dit : «Désormais, je suis le Bour. Descendez de vos chevaux et remettez-les moi.»

Il se retourne ensuite vers la branche maternelle et lui dit : «Remettez-moi vos chevaux.»

Le «Djick» (porte-bonheur, présents obligatoires que le Roi donne aux dignitaires et aux membres  de la Cour) commence.

La famille paternelle donne dix chevaux au grand Diaraf (Premier ministre), dix chevaux au Bissate (porteur de la couronne royale), six chevaux à Bissick (Maure du Roi).

Pour les réjouissances, la famille maternelle donne trois chevaux à Fara dioundioung (chef des Tambours royaux), trois chevaux à Fara Lambe (batteurs du /p. 249/ Tam-Tam «Nder»), six chevaux à Pare (chef griot détenteur du Ndouloub, tambour mystique), quatre chevaux à Ngarandou (chef d’orchestre), trois chevaux à Fara Tègue (chef des Forgerons), trois chevaux à Fara Woudé (chef des cordonniers), trois chevaux à Ngala (chef des batteurs de petits tambours appelés tamas), trois chevaux à Lam Ndiane (chef des Mabos).

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A son tour, le Roi couronne sa mère ou sa sœur comme Lynguère, c’est-à-dire comme Reine. La Lynguère désigne son Pare et son thiek rew.

A la fin des cérémonies, le Roi égorge sept bœufs pour les totems, s’arme d’un faisceau composé de paille de selgouf de trois joncs, d’un épi de souna, d’une tige de fer (dérou), d’un bâtonnet de tamarinier et d’un bâtonnet de halome.

Il s’enferme ensuite pendant sept jours en compagnie d’une jeune fille Youri-Youri et se couche par terre.

A la sortie, il se rend sur la place publique et on lui raconte comment avait régné son prédécesseur.

Et c’est après que le Roi aura à nommer les ministres, car lorsque le roi est mort ou chassé du trône, le gouvernement tombe et seul le grand Jaraf conserve son portefeuille, car sa fonction est irrévocable.

Nous reviendrons sur ces nominations dans un prochain article.

Pour terminer, nous revenons à la pièce pour dire que ces précisions ne remettent point en cause la valeur artistique de la pièce. Notre seul souci est d’attirer l’attention pour que l’art reste fidèle aux faits historiques.

Sous la direction de l’honorable député et éminent  historien, Iba Der THIAM, nous sommes en train de réécrire notre histoire. Alors c’est le moment d’être rigoureux, objectif et pertinent.

L’art n’est pas en reste. Les 5, 6 et 7 février s’est tenu un Crd à Tambacounda, sur l’Histoire générale du Sénégal (Hgs). Les artistes et les hommes de culture y étaient bien représentés. Pas seulement les historiens.

Maurice Ndéné WARORE

Président de la Commission

scientifique de

Pencum Saloum

      Commandeur de l’Ordre national du Lion

Retraité de l’Education

guirandokordiabou@gmail.com

1 En effet il y a  ce fameux alarba  Kahone qui a vu le Rip attaquer par surprise Kahone et contraindre le Buur à un exil vers le Sine.

2 Certains nous dirons que le Saloum a eu deux Buur  non GUELWAR.  Nous les renvoyons  à la Décision N° 242 du 20 février 1911. Ils comprendront ainsi l’origine de cette exception  qui, en réalité, n’en est pas une.

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