Depuis un certain temps, on observe une résurgence des prises de position sur l’opportunité des pays africains des zones Uemoa et Cemac de sortir ou non de la zone Franc. A vrai dire, rien, ni dans les termes, ni dans le contenu, de ce débat n’est nouveau. Depuis l’émergence de la zone Franc, à l’aube des indépendances, un très fort courant nationaliste a porté, en Afrique et dans la diaspora, les arguments favorables à une sortie de la zone. Cette dernière étant jugée néocoloniale, l’érection d’arrangements monétaires alternatifs accélérerait le processus de développement des pays membres et romprait les liens de dépendance d’avec l’ancien colonisateur. Ce débat s’était, par la suite, quelque peu estompé, avant de ressurgir dans la période récente, porté par une bonne partie de l’intelligentsia africaine, et même du leadership politique, avec la récente sortie du président Idriss Débi Itno sur la question. Notre point de vue est que dans leur forme actuelle, comme au début des indépendances, les arguments politiques à tendance plutôt souverainistes semblent prendre le dessus sur le raisonnement scientifique sur une question éminemment technique. L’avantage de tels arguments est qu’ils permettent de fouetter la fierté des Africains et pourraient les amener à davantage compter sur eux-mêmes et leur génie propre pour sortir du piège du sous-développement.
Le danger de tels arguments, c’est qu’ils cachent les véritables enjeux d’une gestion monétaire, qui est d’abord un instrument de politique économique pouvant accompagner ou contrarier les efforts de développement des pays membres. L’objet de cette contribution est de jeter un regard lucide et factuel qui manque tant à la clameur actuelle sur l’arrangement institutionnel de la zone Franc et ses implications monétaires, financières, et plus globalement de développement économique des pays membres.
Les arrangements institutionnels régissant la zone Franc : quelques fondamentaux à garder à l’esprit
Indiscutablement, la zone Franc est une séquelle de l’économie coloniale. Le Franc Cfa qui existe depuis maintenant plus de 70 ans, fut un des piliers fondamentaux de l’économie de traite qui, selon beaucoup d’évaluations, visait plutôt à enrichir la métropole au détriment des colonies. Actuellement, le système monétaire qui couvre la France et une quinzaine d’États africains (8 de l’Uemoa, 6 de la Cemac et les Comores) suscite également beaucoup de controverses. L’Uemoa et la Cemac ont chacune une monnaie appelée Franc Cfa qui a la même valeur faciale, mais qui ne signifie pas la même chose. Alors que dans l’Uemoa on parle du Franc de la communauté financière africaine (créée en 1962 par le Traité de l’Union monétaire ouest-africaine), dans la Cemac, on parle plutôt de Franc de la coopération financière africaine. Le Franc Cfa est, aujourd’hui, lié à l’euro par un système de parité fixe (1euro égal à 655.957 FCfa) et bénéficie ainsi d’une garantie de convertibilité assurée par le trésor public français. En contrepartie, les États africains sont tenus de déposer, dans des comptes d’opérations ouverts au trésor français, 50 % de leurs avoirs extérieurs nets (la Bceao et la Beac ont chacune un compte d’opérations). Les avoirs extérieurs déposés dans les comptes d’opérations sont rémunérés au taux de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne (Bce), pour la quotité obligatoire des dépôts (50 %), et au taux minimum des opérations principales de refinancement de la Bce pour les avoirs déposés au-delà de la quotité obligatoire des 50 %, dans les cas où les banques centrales africaines souhaitent centraliser leurs avoirs extérieurs auprès du Trésor français, au-delà de ces 50 % prévus par les textes. Par contre, si le compte devenait débiteur, les importations hors chaque zone monétaire des États africains seraient alors couvertes par la France ; et les pays africains seraient alors tenus de verser à la France des intérêts débiteurs.
Dans la pratique, l’éventualité d’un compte débiteur est très peu probable dans la mesure où, dans la convention liant la France à ses anciennes colonies, il est prévu que lorsque le rapport entre les avoirs extérieurs nets et les engagements monétaires à vue de chacune des banques centrales devient inférieur à 20 % durant trois mois consécutifs, des mesures drastiques comme le relèvement des taux directeurs et la réduction des montants de refinancement sont appliquées. De plus, les banques et les opérateurs économiques sont tenus de céder à la Banque centrale leurs avoirs extérieurs pour la couverture des importations.
Il convient, enfin, de souligner que le fait que le compte d’opérations soit ouvert au niveau du Trésor français et non de la Banque de France montre que l’accord qui lie les pays africains à la France est un accord budgétaire et non un accord monétaire. Et dans ce sens, c’est le Trésor public français et non la Banque de France qui assure la garantie de convertibilité. Ce qui signifie que la Banque de France, qui fonctionne de plus en plus comme une simple agence de la Banque centrale européenne, n’aurait aucun moyen d’intervenir dans l’éventualité d’un compte d’opérations débiteur pour couvrir la monnaie africaine.
Ce sont de telles dispositions, du reste assez contraignantes pour les pays africains, qui ont toujours servi de cheval de Troie aux nationalistes et activistes africains qui demandent une sortie pure et simple de la zone Franc. Dans cette cacophonie généralisée, avec notamment l’opposition frontale entre le camp du « pour » et le camp du « contre », il est très difficile de distinguer ce qui relève d’évidences scientifiques tangibles de ce qui relève de prises de position plus politiques que purement techniques. Un argument politique de poids est que normalement les pays africains ne devraient pas avoir besoin de la France pour s’auto-discipliner dans la gestion de la monnaie.
D’un point de vue plus économique, la discipline monétaire assez stricte imposée aux deux banques centrales pourrait être de nature à réduire le volume de financement disponible pour les économies nationales et devant accompagner les investissements et la croissance. De plus, l’arrimage du Cfa à une monnaie forte (le Franc français et puis l’euro) peut contribuer à le rendre surévalué, de nature à encourager les importations et à décourager les exportations. Notre raisonnement mettra davantage l’accent sur ces deux derniers arguments qui ont l’avantage de se prêter plus aisément à une évaluation scientifique. Sans vouloir disqualifier la portée des prises de position politiques, notre avis est qu’elles risquent d’être très difficiles à évaluer du fait qu’elles dépendent énormément des sensibilités personnelles et penchants idéologiques des uns et des autres.
La discipline monétaire imposée aux banques centrales régionales contraint-elle le volume de financement disponible dans les économies nationales ?
Le niveau de financement bancaire des économies de la zone Franc est souvent dit en deçà de ceux observés dans les autres pays en développement (en Afrique comme en dehors du continent africain), correspondant aux mêmes tranches de revenu. D’aucuns associent la zone Franc au faible accès au crédit bancaire, au niveau élevé des taux d’intérêt débiteurs et à la prédominance des crédits à court-terme, notamment les crédits de consommation, sur les prêts à plus long terme destinés à financer l’investissement.
Les résultats de nos études ainsi que bien d’autres sources confirment les difficultés liées à l’accès et aux coûts du financement dans nos pays. Les statistiques de la Bceao montrent qu’autant les crédits à l’économie que les taux d’intérêt et autres conditions de financement posent problème, même si on observe une certaine amélioration ces dernières années, selon cette même source. Ces problèmes sont-ils, pour autant, tous imputables à notre appartenance à la zone Franc ? Nous proposons deux approches complémentaires pour répondre à cette question :
- a) comparer les pays de la zone Franc aux pays africains non membres
- b) au sein même des pays de la zone Franc, comparer les niveaux et conditions d’accès au crédit de différentes catégories socio-professionnelles.
Un regard attentif sur un certain nombre d’indicateurs devrait nous amener à être plus nuancés sur le rôle joué par la zone Franc dans les performances du marché financier sous-régional. Encore une fois, il ne s’agit pas de négliger les effets que les arrangements institutionnels en vigueur dans les deux zones monétaires peuvent avoir sur le financement des économies nationales. Il nous semble toutefois que négliger les effets d’autres facteurs tout aussi importants, voire plus importants, constituerait une très grosse erreur d’appréciation. Les difficultés que les banques ont toujours eues pour recouvrer les créances faites à certaines catégories d’acteurs, comme les Petites et moyennes entreprises (Pme) et les activités agricoles, d’élevage et de la pêche, sont bien connues. Ce sont les mêmes qui les ont progressivement poussées à adopter une attitude d’extrême prudence vis-à-vis de certains acteurs.
L’histoire du Sénégal indépendant est édifiante à ce sujet. La décision du Président Senghor qui avait mis en place le fameux compte K2 pour développer une bourgeoisie nationale, capable de concurrencer le capitalisme français qui contrôlait, à l’époque, l’essentiel du tissu industriel national, a très vite montré ses limites. Le nombre de fois que l’État du Sénégal a dû octroyer des remises de dettes aux paysans, parce que ces derniers avaient manifestement des difficultés à honorer leurs engagements, ne se compte plus. Le laxisme des banques de développement qui avaient généralement accordé des crédits à des pontes du régime politique, avec très peu de considération sur la viabilité des projets présentés, a contribué à la crise bancaire des années 90 qui a fini par considérablement fragiliser le système financier à l’époque. Jusqu’à présent, les créances non performantes (c’est-à-dire celles pour lesquelles les clients n’arrivent plus à rembourser leurs emprunts normalement) représentent jusqu’à 20 % de l’ensemble des prêts bancaires dans la zone Uemoa, selon la Bceao. Autant dire que le risque systémique est encore largement présent.
Il s’y ajoute que les indicateurs financiers récents des pays de la zone Franc ne sont pas toujours plus mauvais que ceux des pays africains non membres. Selon les données des perspectives économiques régionales (Fmi, 2015), la masse monétaire rapportée au Pib atteint 34 % en 2015 dans l’Uemoa, 29 % dans la Cemac, et 34,5 % pour l’Afrique subsaharienne (hors Afrique du Sud et Nigeria) contre 19,2 % pour le Nigeria et 33,8 % pour le Ghana. De plus, les statistiques de la Bceao montrent une baisse continue des taux débiteurs depuis 2005. Le niveau de concentration bancaire, qui est une mesure du niveau de concurrence entre les banques, n’a cessé de baisser depuis les années 90. De plus, le niveau du crédit bancaire à l’économie, rapporté au Pib, était plus élevé, en 2015, dans beaucoup de pays de la zone Franc que dans des pays non membres. Il était, en effet, de 38,89 % au Sénégal et 42 % au Togo, contre 35,35 % au Ghana, 34,31 % en Guinée et seulement 23 % au Nigeria. Le crédit au secteur privé national, qui a atteint 33,3 % au Sénégal et 37 % au Togo, en 2015, n’était que 14,8 % en Guinée et 14,2 %, au Nigeria. Et le taux d’intérêt débiteur qui n’était que 6,3 % en Côte d’Ivoire et 7,7 % au Togo, a atteint 10,4 % au Cap Vert et 16,8 % au Nigeria.
A y regarder de plus près, ce qui détermine le volume de crédits faits à l’économie semble plus lié à la perception que les banques ont de la solvabilité des demandeurs de prêts qu’à une quelconque appartenance à la zone Franc. Il apparait très clairement des statistiques officielles provenant de la Bceao, du Fmi, de la Banque mondiale et de nos propres recherches, que la prudence des banques est plus justifiée par leur manque de confiance (comportement de défiance souvent justifié par ailleurs) vis-à-vis de certains acteurs qu’à la seule discipline monétaire imposée par la banque centrale.
Les acteurs ne présentant aucun risque particulier ont moins de restrictions pour disposer de prêts bancaires. Ces acteurs sont, en général, les cadres des secteurs public et privé, les grandes entreprises, les entreprises exportatrices et, de façon générale, celles sur lesquelles repose un niveau raisonnable de confiance quant à leur solvabilité.
La part des Pme (entreprises ayant un nombre d’employés variant entre 5 et 19) qui ont eu accès soit à un prêt bancaire, soit à une ligne de crédit, ne représentaient que 15,6 % du total en 2015, contre 59,5 % pour les grandes entreprises (plus de 100 employés) au Bénin. Les mêmes proportions sont respectivement de 14,2 % et 70,6 %, au Sénégal, de 17,6 et 56,9 % au Niger. La même chose reste vraie lorsqu’on considère la part des entreprises dont on a exigé une garantie bancaire comme condition d’octroi de prêt. La garantie bancaire est exigée de 95,6 % des petites entreprises contre seulement 58,8 % pour les grandes au Bénin. Les mêmes proportions sont respectivement de 100 % et 72,4 % pour le Niger. Les tendances sont identiques quand on considère la valeur de la garantie demandée, rapportée au montant du prêt. Elle s’élève à 209,6 % pour les petites entreprises du Bénin, contre seulement 127,4 % pour les grandes. Au Burkina, nous avons respectivement 127,4 % et 88,4 %. Au vu de ces tendances, il n’est pas exagéré de dire que les grandes entreprises, réputées être plus solvables que les petites, ont un accès plus élevé au crédit bancaire que les petites, confirmant la défiance des banques par rapport à ces dernières.
A ce niveau, la zone Franc est d’autant moins en cause que les mêmes tendances, sinon des tendances plus défavorables, sont observées dans les pays non membres. Au Nigeria, la part des petites comme celle des grandes entreprises qui ont bénéficié soit d’un prêt ou d’une ligne de crédit est beaucoup plus faible que ce qui est observé dans les pays de l’Uemoa : 12 % pour des petites, et 13,9 % pour les grandes. Dans ce même pays, la part des entreprises dont les banques ont exigé une garantie pour l’octroi de prêts est de 89 % pour les petites et 93,6 % pour les grandes. Et le montant de cette garantie rapportée au montant du prêt y est de 220,6 pour les petites et 295 % pour les grandes. Au Ghana, au Cap-Vert et en Guinée, des tendances similaires sont observées. Lorsqu’on considère maintenant les entreprises exportatrices et non exportatrices, les mêmes tendances dichotomiques restent observées. Les premières ont, en effet, un accès plus élevé au crédit bancaire et disposent de conditions de prêts plus favorables que les dernières, du fait de la perception du risque plus élevé d’insolvabilité que les banques peuvent avoir sur elles.
De façon générale, plus la perception du risque de défaillance est élevée, plus l’accès et les conditions de prêts sont restrictifs. Et l’appartenance ou non à la zone Franc semble très peu corrélée avec ce facteur. C’est dire qu’il y a très peu d’évidences factuelles permettant d’affirmer que le cadre institutionnel propre à la zone Franc explique, à lui seul, les réticences des banques à financer les économies nationales. Le cadre réglementaire régissant les affaires dans nos pays, favorisant le non-respect des engagements pris, nous semble également à blâmer, au moins autant que la seule zone Franc.
L’arrimage du Cfa à l’euro est-elle la cause de la surévaluation de notre monnaie ?
Un autre argument sur lequel les partisans de la sortie de la zone Franc s’appuient est la surévaluation de la monnaie découlant de l’arrimage du Franc Cfa à des monnaies fortes (Franc français, euro). A la veille de la dévaluation du Franc Cfa, en 1994, le niveau de surévaluation du Cfa avait atteint des limites inquiétantes, selon plusieurs estimations. Alors que la dévaluation l’a partiellement corrigée, on a noté une forte appréciation du Cfa qui est largement synonyme de perte de compétitivité dans les années 2000. Le taux de change réel, l’instrument le plus usuel qui est utilisé pour mesurer le niveau de surévaluation d’une monnaie, est la résultante de deux éléments : le taux de change nominal et les prix. Puisque le niveau de l’inflation est contenu dans des limites ne dépassant pas 3 % (soit dit en passant, grâce à la discipline monétaire propre à l’organisation de la zone Franc), l’appréciation du taux de change réel est souvent perçue comme résultant de l’arrimage du Cfa à des monnaies fortes (Franc français et euro).
Si la sortie de la zone Franc nous déconnecterait automatiquement de l’euro, elle pourrait en même temps nous exposer à des niveaux d’inflation plus élevés si la discipline monétaire, qui est consubstantielle à la zone Franc et qui est justement dénoncée par les partisans de la sortie, était relâchée. Il est, à cet égard, illustratif de noter que les autres pays africains non membres de la zone Franc ont des niveaux d’appréciation de leur monnaie parfois plus sévères que ceux de la zone Cfa, justement du fait de la difficulté qu’ils ont à maîtriser leurs prix.
Deuxièmement, le taux de change réel n’est pas qu’une variable nominale. Il est sous-tendu par des variables réelles qu’il serait dangereux de négliger. Beaucoup d’auteurs, incluant nous-mêmes, ont montré que l’évolution de certaines variables réelles comme la productivité ont une incidence non négligeable sur le taux de change réel, surtout lorsque celui-ci est mesuré à l’échelle sectorielle et non macroéconomique. L’approche sectorielle du taux de change réel comporte l’avantage de permettre d’isoler ses différentes composantes. Si nous prenons l’exemple du Sénégal, nous avons montré que la productivité du travail dans le secteur manufacturier, rapportée à celle de la Corée, est passée de 36 % à moins de 10 % dans un intervalle de moins de 12 ans. Ce qui a beaucoup plus contribué à l’appréciation de notre indicateur de taux de change sectoriel réel que le simple taux de change nominal.
Dans des économies où la part du secteur manufacturier peine à dépasser 10 % du Pib, l’impact d’une dévaluation serait forcément limité par la faible capacité de réponse des services faiblement productifs et autres activités non échangeables qui dominent l’économie. Nul doute que les pays africains non membres de la zone Franc se rendent bien compte qu’ils auraient eu beaucoup de mal à booster leurs exportations et stimuler leur croissance en comptant seulement sur de simples manipulations du taux de change.
Enfin, l’amalgame entretenu consistant à confondre dévaluation et sortie de la zone Franc nous semble également à relever. Rien dans le système actuel n’interdit aux États membres des deux zones de se mettre d’accord et de dévaluer leur monnaie. De plus, des discussions peuvent s’engager sur les réformes qui doivent être apportées au sein de cette zone monétaire. On pourrait, par exemple, envisager de laisser flotter le Franc Cfa par rapport à l’euro, ou à un panier de monnaies internationales, ou même à long terme prendre notre indépendance sur le plan monétaire, tout en préservant l’outil d’intégration que constitue la zone Franc. Cette dernière option pourrait être un objectif à long terme ; mais elle impliquerait forcément la mise en place de conditions préalables comme l’harmonisation de certaines politiques qui n’est pas encore tout à fait une réalité dans aucune des deux zones monétaires.
En conclusion, loin de nous l’idée de défendre la zone Franc dans sa configuration actuelle ; nous sommes plutôt persuadés qu’il y a énormément de réformes à entreprendre dans la gestion monétaire et financière de nos pays et dans nos stratégies de développement, en général. De la même manière, afficher notre ambition d’exercer notre souveraineté, sur tous les plans, y compris sur le plan monétaire, sans avoir besoin de se réfugier derrière un prétendu argumentaire technique, relèverait, à notre avis, d’un courage politique à saluer. Nous n’en pensons pas moins que faire croire aux populations africaines que tous leurs problèmes sont expliqués par leur appartenance à la zone Franc, ne nous semble pas tout à fait approprié. Nous sommes d’avis que beaucoup d’éléments du legs colonial sont à démanteler pour amorcer un processus réussi de transformation structurelle. Ainsi en est-il de la Françafrique qui est le vaste réseau de corruption et de pillage du continent organisé par des élites politico-affairistes en France et en Afrique. Il en est de même du jacobinisme français qui a inspiré nos modèles de gouvernance qui laissent très peu de place aux initiatives locales, en centralisant tous les processus de prise de décision. Sans oublier les logiques de rente et de clientélisme gouvernant tout le processus de production et de répartition dans nos pays. Et la liste est longue ! Si l’héritage colonial devait se faire sous bénéfice d’inventaire, sans doute ne sacrifierions-nous pas le Cfa au profit de ces autres éléments constitutifs.
Ahmadou Aly Mbaye, Professeur titulaire
Ibrahima Thione Diop, Professeur associé
Fatou Guèye, Maître de conférence
Faculté des Sciences Économiques et de Gestion
Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Nb : Une version plus détaillée de ce papier, avec les références bibliographiques et données statistiques utilisées qui y sont présentées, est disponible sur la page web suivante : https://interventionseconomiques.revues.org/3156?file=1