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Le Sénégal Entre Défaillances De L’etat Et Omniprésence De La Famille Du Chef De L’etat

Le Sénégal Entre Défaillances De L’etat Et Omniprésence De La Famille Du Chef De L’etat

Jamais de mémoire de Sénégalais, un mois d’avril n’a été aussi meurtrier. Entre les 20 morts dans l’accident sur la route de Porokhane, le 23 morts dans l’incendie du Daaka de Médina Gounass, les 21 femmes qui ont péri dans le chavirement de leur pirogue au large de Bétenti ou les 2 naufragés de Thialy, la loi des séries continue de dérouler son bilan macabre.

L’analyse la plus simpliste pour les uns, et la plus confortable pour les autres dont ça soulage la conscience parce qu’elle les dédouane et dégage leur responsabilité, c’est d’accuser les esprits maléfiques (les djinns), qui ont décidément bon dos, qui seraient très fâchés, et à qui on devrait faire des sacrifices sous forme d’offrandes pour calmer leur colère. Singulièrement, l’Etat du Sénégal a opté pour cette hypothèse plus commode, qu’écartent tous les cartésiens, mais qui est la bienvenue pour mieux masquer les carences, l’incurie et les insuffisances des pouvoirs publics.

Dans le diagnostic des accidents de la circulation routière, les experts mettent en cause trois facteurs principalement : l’état de la route, celui du véhicule et le facteur humain. Dans tous les cas de figure, l’Etat a sa part de responsabilité. En effet, c’est lui le responsable du mauvais état des routes. Idem pour les véhicules qui ne sont pas en règle avec la visite technique. Il n y a pas à chercher de midi à quatorze heures, avec toutes ces guimbardes brinquebalantes qui circulent dans ce pays. De véritables « pousse mou takk ».

Enfin, faute de sanctions exemplaires contre les contrevenants, ces derniers, dopés par l’impunité et la corruption, font comme bon leur semble, avec la surcharge de leurs véhicules, l’excès de vitesse et l’indiscipline caractérisée, avec comme conséquence une hécatombe sur les routes, en dépit de la « Tolérance zéro » décrétée par les autorités mais qui est restée lettre morte. Comme l’a constaté le syndicaliste Gora Khouma, pour le déplorer et s’en désoler, le président Macky Sall ne cesse de nous bassiner avec sa « Tolérance zéro », surtout en matière de surcharge dans les transports en commun. Mais, ses menaces contre l’indiscipline et l’incivisme de certains Sénégalais sont plus perceptibles dans son camp où, à l’occasion de meetings, visites ou inaugurations présidés par le chef de l’Etat, ses militants sont juchés sur le toit des véhicules bondés et remplis à ras-bord, défiant toutes les normes de la sécurité routière, sous l’œil bienveillant d’un Macky Sall qui ne boude pas son plaisir de voir son parti réussir une telle mobilisation et qui, à ce niveau, tolère cette indiscipline notoire de ses ouailles.

Bétenti, un village enclavé, coupé du reste du monde, n’a jamais eu de cesse de crier son abandon, l’isolement et l’oubli dont il a toujours fait l’objet de la part de l’Etat du Sénégal. L’infirmier-chef de poste du village, Moussa Bâ, à la retraite depuis le mois de septembre 2016, est maintenu en poste et continue à servir bénévolement, faute de remplaçant. Et puis, le bilan allait être plus lourd si une unité de sapeurs-pompiers détachée spécialement à Bétenti pour assurer la sécurité de la fille du chef de l’Etat, qui faisait la bamboula sans les parages, n’était intervenue de justesse pour limiter les dégâts. Comme quoi rien n’est de trop pour qu’il n’arrive rien au clan de Macky Sall.

Les autres pauvres Sénégalais, quant à eux, ils peuvent toujours crever. Et, il a fallu que ce bled de Bétenti, perdu au fond des îles du Saloum, paie un lourd tribut dans le naufrage qui a coûté la vie à 21 femmes, dont l’une en état de grossesse avancée, pour que l’Etat du Sénégal, toujours en retard d’une impulsion, daigne se secouer un peu, mais tout juste pour faire le « médecin après la mort ». Pire, l’Etat s’est illustré de la plus vile des façons dans la distribution d’argent et de sacs de riz aux familles endeuillées. En effet, affectionnant le cliquant et le bling-bling, l’Etat du Sénégal en a fait tout un tintamarre au moment où les familles meurtries et inconsolables avaient à cœur de faire leur deuil dans le calme et le recueillement absolus pour respecter la mémoire des disparues.

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Voulant sans doute se rattraper, le président Macky Sall a fait le voyage de Bétenti, après celui effectué quelques jours auparavant par ses ministres, Oumar Guèye et Mariama Sarr, pour annoncer sur place une batterie de mesures « généreuses » et qui n’arrivent pas trop tôt. En effet, c’est d’abord un devoir pour le président de la république, d’aller immédiatement au chevet des Sénégalais dans un désarroi pareil. C’est la moindre des choses si l’on sait que le président que nous avons élu pour qu’il s’occupe d’abord de nos petits problèmes de Sénégalais, n’hésite pas à tout laisser sur place pour prendre l’avion présidentiel et gaspiller le kérosène nationale pour aller participer à une marche à Paris en guise de soutien à ces blasphémateurs de Charlie Hebdo.

C’est toujours le même président de la république du Sénégal, qui a du retard à l’allumage à chaque fois que des drames frappent de plein fouet les Sénégalais, qui s’empresse à envoyer des messages de condoléances à son homologue François Hollande, toutes les fois qu’une poignée de citoyens Français se font trucider. Et puis, 88 millions ou 100 millions distribués à Bétenti, cela représente une broutille à l’échelle de la puissance financière de l’Etat du Sénégal au point qu’on s’en auto-glorifie. L’argent dégagé pour les « jaxal », les promesses de construction de la mosquée, du centre de santé ou de l’érection de ce patelin en commune, sont inversement proportionnels aux vies humaines perdues. C’est vraiment cher payé pour les populations de Bétenti car il a fallu qu’une vingtaine des leurs passent de vie à trépas pour qu’elles puissent enfin obtenir la promesse de l’Etat d’accéder à leurs doléances datant de plusieurs années. La note est très salée. Les enfants des victimes, pupilles de nation ? On attend de voir. On a vu tout ce qui s’est passé avec les orphelins des naufragés du bateau Le Joola.

Pareil pour les enfants de feu-Mamadou Diop, mort lors d’une manifestation du M23 à la Place de l’Obélisque le 31 janvier 2012. Outre la communication désastreuse à l’occasion de ces douloureux évènements, on note une approche bancale des problèmes. En effet, les populations de Guet Ndar, à Saint-Louis, dont les maisons ont été emportées par les eaux de la mer en furie, ont craché sur les sacs de riz offerts par l’Etat du Sénégal et préfèrent la prise de mesures plus hardies et plus adéquates par rapport à la nature du sinistre. On est là en face d’un Etat qui n’a pas le sens des priorités et qui se trompe de choix de solutions. Bref, un Etat central décalé et déphasé par rapport au vécu réel des Sénégalais. Les déficiences et défaillances de l’Etat du Sénégal sont notées dans de nombreux autres secteurs comme en matière de sécurité publique.

Ainsi, face à l’impéritie et l’incapacité de l’Etat à assurer et à garantir la sécurité des citoyens, les populations s’organisent elles-mêmes en mettant en place des brigades de surveillance et d’auto-défense dans leurs localités pour lutter contre les malfaiteurs, avec tous les risques de dérives. Des Sénégalais sont tués de façon atroce, certains égorgés en plein jour. La nuit, les quartiers sont sous coupes réglées avec des malfrats munis d’armes de guerre et qui tiennent en respect les forces de sécurité. C’est des braquages de banques, de stations-services, d’officines de pharmacie. Comme toute réponse, le chef de la Police nationale ose dire qu’«Il n’y a pas d’insécurité au Sénégal, mais de sentiment d’insécurité ». Cette Police, absente quand il faut assurer la sécurité du paisible citoyen, est bien présente lorsqu’il faut casser du manifestant, surtout quand il s’agit d’opposants ou d’étudiants. Et ce ne sont pas les « opération coup de poing » épisodiques de rafles qui vont changer la donne, les malfaiteurs ayant le temps de se planquer pour laisser passer l’orage avant de revenir sur les lieux de leurs crimes et perpétrer à nouveau leurs forfaits. Il est arrivé aussi que des populations aient le sentiment d’abandon de la part de l’Etat, pouvant alors les amener à recourir à des solutions extrêmes.

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Les victimes de démolition de leurs maisons sises à Tivaouane-Peul, la mort dans l’âme, ont trouvé juste de quitter le Sénégal, de changer de patrie, pour aller vivre en Mauritanie, en Gambie ou en Guinée voisines. En situation d’insécurité dans leur propre pays, les Sénégalais n’en sont pas moins rassurés à l’étranger où ils ont traqués, pourchassés et tués aux quatre coins du monde où ils ne sentent pas véritablement l’Etat du Sénégal représenté à l’extérieur par les ambassades et les consulats. Quand le directeur des Sénégalais de l’extérieur, Sory Kaba, montre sa tronche à la télé, c’est pour annoncer les mesures prises par l’Etat du Sénégal pour rapatrier les dépouilles des Sénégalais assassinés en terre étrangère. Cette démission de l’Etat est inacceptable au moment où, comme ont eu à le dénoncer certains expatriés Sénégalais reconduits à la frontière des pays où ils s’étaient rendus pour y gagner honnêtement leur vie, ils ont constaté plus de sollicitude de la part des autorités consulaires d’autres pays africains envers leurs compatriotes qu’au niveau de la représentation extérieure du Sénégal envers les leurs. Passe encore si nos compatriotes expatriés sont expulsés, mais la manière brutale et le traitement inhumain dont ils font l’objet, en violation de la dignité humaine, heurtent les consciences et prouvent à suffisance le manque de caractère, de personnalité et d’autorité de l’Etat du Sénégal de faire valoir les droits et la respectabilité de ses ressortissants. Maintenant, si en plus de tout cela, les rumeurs d’argent que les autorités des pays expulseurs auraient remis à l’Etat du Sénégal pour le compte des rapatriés, sont avérées, les victimes présumées ont bien raison de crier à l’escroquerie d’Etat. L’Etat du Sénégal a donc là, une belle occasion d’éclairer la lanterne des Sénégalais et de se laver de tout soupçon.

Pendant que l’Etat du Sénégal s’illustre, dans bien des secteurs, par son absence remarquable, la famille du chef de l’Etat occupe le terrain et le devant de la scène. La nature a horreur du vide. L’actualité, c’est aussi cette histoire de « J’y vais, j’y vais plus, j’y vais finalement » de Aliou Sall, maire Guédiawaye, président de l’Association des maires du Sénégal (AMS) et de l’Union des Associations des élus locaux (UAEL) par rapport à sa présence ou non sur les listes électorales en perspective des Législatives du 30 juillet prochain. Que le président Macky Sall ait, dans un premier temps, intimé l’ordre à son jeune frère de s’engager, que ce dernier ait obtempéré avant de revenir sur sa décision, « à la demande de ses militants », c’est du cinéma que seuls des naïfs peuvent gober. On attend de voir quelle histoire à dormir debout va nous raconter Abdoulaye Thimbo, oncle de Macky Sall et maire de Pikine. La vérité, c’est que le clan Faye-Sall, qui fait aujourd’hui la pluie et le beau temps au Sénégal, veut divertir les Sénégalais. Quand Aliou Sall, frère de qui vous savez, fait main basse sur le pétrole et le gaz du Sénégal, le beau-frère du président de la république, en l’occurrence Adama Faye, met le grappin sur un site d’une étendue de 5000 m2 sis au quartier dakarois d’Ouest-Foire réservé pour la construction d’une école élémentaire et d’un centre de santé. Il n’y a pas longtemps, la presse nationale avait fait état des agissements hors-la-loi d’un autre beau-frère de Macky Sall, en la personne d’Ibou Faye, qui voudrait coûte-que-coûte construire sur le domaine public un bâtiment dans le quartier dakarois des Mamelles. A Rufisque, le parti présidentiel, l’Alliance pour la république (Apr) baigne dans des eaux troubles du fait des manœuvres d’Abdourahmane Seck dit Homère, PCA de PETROSEN, mais surtout beau-père du président Macky Sall. Pour sa part, le maire de Saint-Louis et ministre de l’Hydraulique, Mansour Faye, beau-frère du président Macky Sall, voit son ministère se transformer impunément en boîte à scandales avec un détournement présumé de 2 milliards.Mais, le comble c’est à Fatick où, un certain Babacar Sall, un simple ex-releveur de compteurs de la SDE, qui serait un individu peu recommandable, et sans qualifications, a été bombardé chef de station régionale de cette entreprise parce qu’il a le mérite d’être le frère…du président Macky Sall.

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On en vient maintenant à la première dame, Marième Faye Sall, qui est la plus braquée sous les feux de l’actualité. Son mari de président de la république regrette même que son épouse soit aussi « exposée ». En tous les cas, les Sénégalais s’étonnent que la femme du président de la république puisse acquérir à ses propres frais un appareil de dépistage précoce du cancer du sein et du col de l’utérus ou qu’elle prenne en charge les frais de rapatriement de la dépouille mortelle de Jeannot Mendy, récemment tué par balles aux USA. A ce que je sache, Marième Faye Sall, du haut de sa stature de première dame, n’en a pas pour autant une fonction officielle dans la nomenclature des emplois de l’Etat. Mais, la réalité c’est que cette bonne dame se substitue aux ministres de Macky Sall, pour combler leurs manquements et gommer leurs carences.

Pendant qu’on y est, autant nommer Marième Faye Sall au gouvernement en lieu et place des ministres en charge de la santé, de la famille et de l’action sociale. Bon sang ! Où est l’Etat du Sénégal, pour que la Première dame empiète comme ça sur les plates bandes de ministères en bonne et due forme. A notre connaissance, personne n’a élu Marième Faye Sall. Sa bonne volonté, sa générosité et son empathie ne sont pas des raisons pour que des ministres nommés par le président de la république et entretenus à grands frais par l’Etat, se tournent les pouces et manquent à leurs devoirs. Que Marième Faye Sall joue à fond son rôle de Première dame et contribue à soulager des Sénégalais dans la mélasse, c’est tout à son honneur, mais de là à interférer dans les affaires intérieures de l’Etat, il y a maldonne.

C’est le temps de la confusion des genres et des rôles. Rappelez-vous aussi l’épisode rigolo qui avait vu le ministre Youssou Touré annoncer sa démission du gouvernement à l’heure de la prière de « Timis » avant de ravaler sa langue avant la prière de « Guéwé ». Mais, ce qui avait surtout estomaqué les Sénégalais dans cette comédie, c’est que ce soit Marième Faye Sall en personne qui ait intervenu pour faire réintégrer dans l’attelage gouvernemental ce ministre réputé fantasque et trop bavard.

Au total, il est inadmissible que les Sénégalais soient tout le temps pressurisés par des impôts et taxes qui les ruinent littéralement, qu’on exige toujours beaucoup d’eux en termes de devoirs civiques ou de patriotisme, et qu’en retour l’Etat ne renvoie pas l’ascenseur et s’illustre par une absence criarde au moment de remplir ses prérogatives. Pour sa part, le népotisme érigé en mode de gouvernance, et qui met la famille du chef de l’Etat au faîte de grands centres de décision de la république, au détriment des forces vives de la nation, plus à même de porter le sursaut national, achève de convaincre les plus sceptiques qu’avec le président Macky Sall, ce n’est pas demain la veille d’un Sénégal émergent. En attendant, la famille et la belle-famille du chef de l’Etat déroulent.

 

Pape SAMB

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