Les parlementaires sénégalais s’étaient réunis le 18 mai 2017 à Saly dans le cadre d’un atelier de renforcement des capacités sur le contrôle budgétaire et l’évaluation des politiques publiques.
C’est une initiative que nous tenons à saluer d’autant plus que la prochaine législature s’inscrit dans un contexte de renforcement des pouvoirs de l’Assemblée nationale.
En effet, sur la base des réformes constitutionnelles adoptées lors du référendum de Mars 2017, la fonction évaluative est devenue une compétence de l’Assemblée nationale
Ces dispositions nouvelles permettent à l’assemblée nationale d’être informée sur les coûts et les bénéfices des politiques que propose le gouvernement et avoir tendance à demander et à utiliser plus l’évaluation pour mieux juger la pertinence, l’efficacité, l’efficience et la durabilité des programmes et projets publics.
Il s’agit là d’une innovation majeure qui vise à renforcer la reddition de compte, garantir une gouvernance équitable, inclusive et durable de la chose politique.
Plusieurs défis restent cependant à relever notamment le renforcement des capacités des députés et la mise à disposition d’outils de travail adaptés.
Aussi, l’absence d’une plateforme formelle de coordination entre les différentes parties prenantes chargées de la planification, du suivi et de l’évaluation, nous renseigne sur l’expertise qu’il faut se doter pour atteindre les objectifs adossés à cette nouvelle prérogative constitutionnelle.
En d’autres termes, l’opérationnalisation de la fonction évaluative devrait permettre la mise en place d’un système interne cohérent, efficient et durable de suivi-évaluation.
Pour ce faire, nous proposons des recommandations susceptibles de remédier aux insuffisances de l’existant tout en capitalisant sur les acquis et les opportunités au niveau national et international pour mieux institutionnaliser l’offre, la demande et l’utilisation de l’évaluation.
Ainsi, une entité technique dédiée aux questions d’évaluation pourrait être rattachée à l’assemblée nationale.
Cette structure jouerait le rôle central de conseil en évaluation. Elle serait chargée de veiller à l’application de la politique d’évaluation, d’établir les modalités et outils d’évaluation à mettre en œuvre par l’Assemblée nationale.
Plus concrètement, ce service assurerait la fonction support pour l’Assemblée nationale et publierait des guides méthodologiques sur l’implémentation de l’évaluation.
L’existence de cet organisme que nous appellerons COMITÉ D’ÉVALUTION DES PROGRAMMES identifié sous le sigle CEP, permettrait à l’Assemblée nationale d’avoir un véritable Think Thank sur l’évaluation et de préparer ses évolutions futures.
D’une part le CEP produit des rapports d’évaluation annuels qu’il soumet à l’Assemblée nationale. D’autre part, il élabore des rapports d’évaluation quinquennaux concernant la performance globale des programmes.
Ainsi, au sein de cette structure, chaque commission technique aura un représentant, la société civile pour, d’une part réaliser des évaluations dans le cadre de la haute surveillance parlementaire et d’autre part pour analyser les évaluations préparées par le Gouvernement. Cette structure n’est pas une commission parlementaire classique puisque le CEP serait un organe d’appui aux commissions de gestion.
Ainsi, certains pays comme la France avec les Missions d’Évaluation et de Contrôle de la Commission des Finances sont des exemples où le parlement joue un rôle important dans toutes les questions liées à l’évaluation des politiques, programmes et projet du Gouvernement. Toutefois, un point important doit être soulevé : si un rôle important du Parlement contribue fortement à l’institutionnalisation de l’évaluation des politiques publiques, cela ne garantit pas une prise en compte réelle des évaluations dans l’amélioration des politiques publiques, en raison du risque de la déconnexion fréquente entre la sphère de débat parlementaire ou public, l’agenda politique et la décision publique. Ainsi, aux USA malgré leur importance les moments d’évaluations sont des moments de transparence et de débat démocratique et pas forcément des moments de perfectionnement, d’amélioration et d’optimisation des politiques publiques. Ceci montre l’importance fondamentale d’une bonne coordination entre la fonction d’évaluation au sein de l’Assemblée nationale et au niveau du gouvernement.
En amont, il est intéressant que les évaluations menées par l’Assemblée nationale impliquent les entités gouvernementales concernées. De même qu’il est crucial, que s’opère une coordination des évaluations, des thématiques, des calendriers et des moyens entre l’exécutif, l’Assemblée nationale et éventuellement la Cour des Comptes. Cette coordination peut être opérée à très haut niveau par un organisme spécialisé rattaché à la présidence de la république ou au gouvernement.
A présent, il me reste à souhaiter que celles et ceux qui seront élus le 30 juillet prochain puissent être en mesure de suivre le rythme du gouvernement surtout dans un contexte de découverte de gaz et de pétrole.
Hady TRAORE
Évaluateur de programmes publics