L’absentéisme des députés est assimilable à un détournement de deniers publics, dixit Moustapha Diakhaté, président du groupe parlementaire de la majorité, dans une télévision de la place. Oh Ppp ! Me suis-je dis à chaud, mais avec le recul, cela ne m’a pas surpris surtout venant de la part de M. Diakhaté connu pour son franc-parler.
L’intérêt de son propos, à mon avis, au-delà de son appartenance politique, est d’interpeller tous ceux qui souhaitent briguer les suffrages des électeurs pour se faire élire député lors de la prochaine Législature. Il faudrait dans la foulée, que les coalitions en compétition nous disent ce qu’elles proposent pour régler définitivement l’épineuse équation de l’absentéisme des députés.
Quelle est la solution ? Certains pensent que changer de majorité ou de profils de députés réglera le problème, ce que je ne crois pas, du fait qu’ils sont tous élus à partir de listes confectionnées par les partis, les coalitions de partis ou les mouvements indépendants. Et l’on sait le sacerdoce et les attentes qui accompagnent l’investiture sur une liste politique ou indépendante allant de l’animation du parti, l’entretien des militants au lobbying des sympathisants.
D’autres estiment qu’il faut appliquer les sanctions prévues par le règlement intérieur de l’Assemblée pour les absentéistes. Malheureusement, pendant toute cette Législature, le groupe majoritaire a bien eu du mal à faire appliquer le règlement.
A notre avis, la solution passerait par le remplacement des indemnités mensuelles par des indemnités de session. A coup sûr, cette proposition ne va pas recueillir l’assentiment des différents acteurs en compétition, puisque beaucoup d’entre eux, malheureusement pour l’électeur, font de la fonction de député une sinécure. Mais qu’importe que leurs positions soient opposées à la mienne, l’essentiel est de s’assurer que la contrepartie liée au versement de l’argent du contribuable soit réalisée convenablement par les bénéficiaires.
Cette proposition présente trois avantages :
Faire taire les querelles qui peuvent découler des investitures sur les listes. En effet, il est fort à parier que la suppression des indemnités mensuelles pour faire place à des jetons de présence dissuadera bien des candidats à la députation à franchir le rubicon. N’y seront parties prenantes que ceux qui sont réellement animés de la volonté de servir leur pays et non de s’en servir.
Redonner à l’assistanat parlementaire toute son importance, puisque le député qui ne siège qu’en cas de session aura forcément besoin d’un assistant pour tenir et gérer les activités quotidiennes auxquelles il aurait dû être astreint. Et la bonne utilisation des compétences de l’assistant rendra le député plus efficace au moment des sessions.
Permettre la création de centaines de postes d’assistant avec le prolongement de la formule dans les autres institutions similaires (Cese, Hcct) et de réaliser de fortes économies budgétaires. Il reste évident que substituer le salaire d’un député, conseiller économique ou haut conseiller territorial par des jetons de présence coûterait moins cher au contribuable, ce qui est en droite ligne avec la gouvernance sobre et vertueuse.
Je sais que dans mon domaine, les ressources humaines, tout Drh qui s’hasarde à assurer le paiement intégral du salaire à un employé qui s’absente une bonne partie du mois n’effectuera pas la paie du mois suivant. Et pour cause… ! Loin de nous de faire une comparaison avec un salarié d’une entreprise, l’idée ici est de pousser le député à jouer véritablement son rôle de contrôle efficace de l’action du gouvernement. Et-delà de la question de l’absentéisme, la prochaine Assemblée devra dans le contrat de législature veiller à ce que :
Les députés s’assurent du respect strict par l’Exécutif des plafonds budgétaires et de la bonne destination des crédits alloués
Les députés soient à même de mesurer l’impact des politiques gouvernementales sur le vécu des populations. Il s’agira de commanditer un sondage ou mener une enquête de terrain pour s’assurer du feedback des populations sur les politiques publiques menées. Ces informations devront être partagées avec les ministères concernés avant l’allocation de nouvelles ressources sur le prochain budget.
Les députés s’autosaisissent systématiquement sur les questions touchant à la bonne gouvernance et puissent déclencher en cas de soupçon de détournement de deniers publics une enquête parlementaire pour éclairer l’opinion
Le Parlement soit une véritable force de proposition, bien entendu en harmonie avec la vision du gouvernement pour ne pas laisser la seule initiative des lois à l’Exécutif.
Mieux, pour faire dans le management moderne et dans l’approche participative, la prochaine Législature pourrait même innover en permettant tous les ans à un panel de citoyens de choisir par vote à partir des réseaux sociaux le meilleur député, le meilleur groupe parlementaire, la meilleure proposition de loi, ce qui devrait constituer une grosse source d’émulation pour les parlementaires.
A l’ère du budget programme, il est devenu incontournable pour la représentation nationale de se moderniser, de maîtriser les enjeux et les rouages du travail parlementaire, le seul gage d’une action publique efficace.
Un Exécutif se sachant contrôlé, surveillé et évalué entre deux cycles budgétaires appliquera les politiques publiques de façon plus efficace et diligente pour le plus grand bonheur des administrés. Et si c’était le secret de l’émergence ?
Mamadou BA
Consultant
Diplômé Ena Sénégal et France
allodrh.com@gmail.com