Lors de l’émission Grand Place à la TFM, le frère et président de PASTEF -Les patriotes Ousmane Sonko a affirmé de façon nette et intègre qu’il ne peut y avoir de cohabitation au Sénégal. Sa déclaration a aussitôt suscité un tôlée dans les réseaux sociaux et des personnes comme le doyen Babacar Gaye du PDS ont prêché mordicus le contraire en soutenant la possibilité d’une cohabitation si l’opposition gagne les prochaines législatives notamment celles du 30 Juillet 2017. Pour ce faire, monsieur Gaye partit d’une définition figurée de la notion de cohabitation et conclu que cette dernière se conçoit comme le fait d’habiter ensemble la même maison. Mais de quelle maison parle-t-il ? Ce qui est sûr, c’est qu’en suivant de prés son raisonnement monsieur Gaye vise plutôt l’État en se basant sur une interprétation imparfaite du précédent français à la matière. Pour cela et pour que ça ne prête plus à confusion, on parle de cohabitation dans le cas de la France pour désigner la coexistence institutionnelle entre un chef de l’État et un chef du gouvernement politiquement antagonistes. C’est une situation politique dans laquelle le président et le Premier ministre appartiennent à des partis politiques opposés. (cf https://fr.wikipedia.org/wiki/Cohabitation_(politique). Ce pouvoir peut être soit le législatif soit l’exécutif et dans une moindre mesure comme aux États Unis d’Amérique le judiciaire où des juges démocrates cohabitent avec des juges républicains. Partant de cette définition on voit alors qu’il existe trois maisons au Sénégal et pas une seule comme semble l’affirmer monsieur Gaye.
En plus, l’exemple choisi à savoir la France où cette situation fut observée a trois reprises (successivement Mitterrand-Chirac, Mitterrand-Balladur et Chirac-Jospin), les choses semblent n’avoir pas épousé les mêmes formes que cela risque de prendre chez nous demain si l’opposition gagne les législatives de juillet prochain. Avant d’approfondir notre opinion sur ce point, il convient de préciser que dans tous les cas, la cohabitation n’est pas un notion, ni une catégorie encore moins un mécanisme juridique, c’est une production de la doctrine ( littérature ) suivant un approche inductive qui consiste à interpréter un fait pour en conclure à une théorie générale sur le fait observé. Donc on ne verra nulle part dans une constitution qu’elle soit sénégalaise ou française où on dit que le président de la République doit cohabiter dans l’exécutif avec son opposition lorsque cette dernière gagne la majorité à l’Assemblée nationale. Dans cet ordre d’idée, on comprend alors que la cohabitation est un moyen de légitimation du gouvernement et non une disposition expressément contenue dans la constitution. Et le résultat poursuivi en faisant recours à celle-ci c’est d’arriver à éviter une instabilité politique permanente qui sera due à un concert de motions de censure que les députés déposeront contre les gouvernements qui n’émaneraient pas de leur majorité.
Alors pourquoi est ce possible en France et non au Sénégal ?
Il faut noter qu’en France le constituant de 1958 n’avait pas prévu le scénario dans lequel l’exécutif perdra sa majorité à l’Assemblée Nationale. Lorsque la dite situation s’est présentée une première fois en 1986 dans ce pays, il n’y avait aucune disposition législative, quelle soit constitutionnelle, organique, ordinaire ou réglementaire qui réglait la question. Face à ce vide juridique, l’élite politique française décida à l’époque de faire recours à la coutume pour solder cette incongruité de type nouveau. La pratique de la constitution de la quatrième république semblait alors offrir la solution suivant des modèles connus tel que le modèle britannique, espagnol, italien, portugais, et belge pour ne citer que ceux-là. Cette dernière (la constitution français de 1946 de la IVème République )exigeait une concordance entre la composition du gouvernement et la majorité parlementaire : On parle alors pour le cas français de coutume praeter légum c’est-à-dire, une coutume qui vient suppléer le législateur lorsque celui –ci est muet ou n’apporte pas de solution à des faits nouveaux que le droit positif ( celui en vigueur , celui de l’État ) n’avait pas prévu. On peut parler même de coutume secunda légum dans le cas français c’est-à-dire une situation dans laquelle la coutume vient seconder la loi. Pour rappel et pour que certains ne puissent entretenir la confusion, la coutume ou règle coutumière est une règle issue de pratiques traditionnelles et d’usages communs consacrés par le temps et qui constitue une source de droit. Reconnue par les tribunaux, elle peut suppléer la loi ou la compléter, à condition de ne pas aller à l’encontre d’une autre loi (cf https://www.google.sn/?gws_rd=ssl#q=les+coutumes+en+droit ). On voit alors que la coutume ne peu en aucun cas remplacer la loi pour résoudre un problème juridique déjà tranché par celle-ci.
Pour le cas du Sénégal, cette possibilité de cohabitation est impossible pour les raisons suivantes :
Première considération, cette question est déjà résolue par le constituant sénégalais qui attribue expressément au président de la République les prérogatives de définir la politique de la nation et concomitamment celles de nommer et de révoquer le premier ministre qui n’a comme attribut en l’espèce que celle d’exécuter cette politique.
Deuxièmement considération, du point de vu de la coutume : L’absence d’un précédent, d’une pratique qui s’est avérée efficace dans le temps et acceptée par les acteurs rend inopérant et non fondée la convocation de la coutume pour régler la question. Dans le même ordre d’idée l’exemple de la France est inapproprié en ce sens que non seulement les deux constitutions ne règlent pas la question de la même manière mais aussi bien la trajectoire politique que l’histoire respective des deux pays semblent les distancer sur ce point non nonobstant qu’ils partagent le fait d’appartenir du point de vu de leur droit positif à la tradition juridique gréco-romaine( chose qui doit cesser d’ailleurs ).
Troisième et dernière considération : Dans le cas où l’opposition en cas de victoire persiste à exiger une cohabitation en mettant en branle la motion de censure, il ne faut pas écarter l’hypothèse où le président de la république avec le soutien de « ses chiens de gardes », les 07 sages du Conseils constitutionnel en déduit un fonctionnement irrégulier des institutions et par conséquent décide de gouverner par ordonnances pire décrète l’état d’urgence ou l’état de siège s’il fait accès confiance à son commandement militaire.
Partant des considérations ci-dessus, on voit que le frère et président de PASTEF a raison d’alerter sur la gravité voire sur la maladresse politique de soutenir une telle thèse dans le contexte actuel. Dans la même mouvance, il faut rappeler que l’enjeu des législatives à venir n’est pas de priver à l’exécutif de l’exercice normal et régulier des droits que le constituant lui a attribué mais plutôt de redonner à l’Assemblée Nationale la possibilité d’effectuer convenablement le travail qui lui est dévolu en république et en démocratie à savoir le contrôle de l’action gouvernementale dans les limites de ses attributs constitutionnels. La réalisation de ce dessein est capitale dans un contexte de malversations et de scandales politico-financiers inédits dans l’histoire politique de notre Nation. Le rétablissement du rôle de l’Assemblée Nationale, doit alors être à notre avis l’unique axe programmatique de l’opposition pour rallier les classes moyennes à leur cause et par ricochet avoir l’adhésion massive des couches populaires pour une large victoire le 3O juillet prochain.
M. ALDIOUMA SOW, pour le triomphe de la vérité, pour le sacre du peuple !