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Le Marabout, Le Disciple Et La Fin Des « confréries Religieuses » Au Sénégal

Le Marabout, Le Disciple Et La Fin Des « confréries Religieuses » Au Sénégal

Les « confréries religieuses » suscitent  aujourd’hui nombre de controverses. Le terme seul suscite chez certains  des inquiétudes : exploitation, domination, perte de liberté, anéantissement de l’être, sous développement ou pauvreté. En parler en termes de « fin » signifie que les pratiques confrériques sont couvertes actuellement d’un voile trompeur, c’est-à-dire une autre chose qui donne une autre identité aux « confréries que celle d’hier. Son identité fut mystique, mais elle a changé, car devenue autre chose, neuve d’une façon certaine. L’épreuve des pratiques politiciennes dans les confréries a vivement entrainé celles-ci vers une autre chose. Ainsi, cette autre chose se doit d’être interrogée pour savoir ce qui l’a rendue possible.

En ce moment d’inquiétude, de vide, on réclame plus un retour vers les valeurs qui ont fondé  ces « confréries ». Qu’est ce qu’on entend dans la « confrérie » mouride comme mots :  selal yoon wi ( assainir la voie), delu ci jangalem Serigne bi ( retourner aux enseignements de Serigne Touba). Ces mots montrent un glissement du vocabulaire qui témoigne également d’un glissement des  pratiques. Ces mots sont les cris des pratiques qui ne veulent pas mourir. Mots aussi explicatifs  soulignant les bouleversements en cours, qui sont autant de symboles de résistance, de gens qui sentent que les « confréries » sont profondément menacés dans leur être profond.  L’identité confrérique est la mystique. Par mystique, on entend le postulat d’une réalisation spirituelle. Dans cette réalisation spirituelle, le guide spirituel (serigne) se remplit le rôle de sortir l’aspirant ( disciple) de son état de distraction foncière, de l’amener à aiguiser sa vision, et à adorer Dieu «  comme s’il Le voyait, ce qui est la définition même de l’ihsan ( troisième pan de la religion après l’iman et l’islam). C’est bien ce postulat qui préside  aux  « confréries » religieuses. Alors, ce postulat existe-t-il toujours ? Est-il toujours de mise dans la relation guide spirituel-aspirant ?

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Notons que dans ce postulat, il y a un rapport c’est-à-dire une relation entre le guide spirituel (serigne) et l’aspirant (disciple) que certains aiment appeler la relation marabout-disciple. C’est le sens même de l’attachement du disciple au marabout. En cela, le marabout est un moyen et non une fin. L’aspirant est un serviteur de Dieu, c’est-à-dire la propriété de Dieu comme le guide spirituel. Or le serviteur a besoin de son Maître  en toute circonstance. Ainsi, l’ordre de légitimité est Dieu. Ce qui veut dire que la liaison est purement religieuse ou mystique. Du  point de vue pratique, la conséquence de cela est que l’aspirant doit s’employer à suivre le guide spirituel en toute circonstance, en lui signifiant son amour, son attachement par Dieu et pour Dieu.  Avant, c’est cela qu’on avait, mais aujourd’hui il y a quelque chose de nouveau. Sur ce versant, l’on note un effacement des pratiques avec l’émergence d’un nouveau discours autour desquels vont tourner la relation marabout-disciple.  Celle-ci a changé de formes, de lieux, d’acteurs et scènes avec la toute-puissance  d’un autre,  le politicien qui est devenue l’ami du marabout. Ils sont amis parce que le politicien a besoin d’électeurs, alors que le marabout en draine beaucoup, mais au nom de la mystique.  En ce sens, le marabout devient un convoyeur d’électeurs. En cela, le politicien en devient l’horizon du disciple à la place de Dieu. Ainsi, le marabout, le disciple tous appartiennent maintenant au politicien. Ce qui est étonnant dans tout cela, c’est le disciple, au lieu d’assumer sa mission et sa fonction dont Dieu le charge, alors il se laisser au nom d’un amour, d’une relation qui a été pervertie depuis longtemps.

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Au fond, il y a de la ruse de la raison confrérique : le marabout offre le lit au politicien tout en taillant à sa guise sa relation avec le disciple. Ainsi, à chaque transaction avec le politicien, le marabout ampute quelque part sa relation avec le disciple en travestissant d’une manière ou d’une autre l’enseignement. Ainsi, les «  confréries religieuses » se délitent : la belle vérité spirituelle se dédouble  d’un partage entre, d’une part le « ceddoisme » confrérique,  populaire et maraboutique et, d’autre part, une autorité qui fait le service minimum et négocierait son autorité avec les politiciens, ses petits fils ou fils. L’autorité s’érode dans une société qui devrait être unie par une autorité. La hiérarchie est ébréchée, de nouveaux marabouts sont apparus transformant la représentation de soi des disciples  et leur rapport à Dieu et au monde. Ainsi, comme il en est ainsi, le disciple doit passer au tri entre le « bon » et le « mauvais », c’est-à-dire, utiliser sa raison ou retourner aux fondamentaux de cette mystique. Alors, soumettons-nous à la vérification et à la correction, car une vie est faite pour relever des défis, sinon elle perd son combat d’ici et d’ailleurs.

 

Mouhammadou Moustapha Diop

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