Les téléspectateurs qui ont eu l’infortune de veiller jusque tard dans la nuit du samedi 1er au dimanche 2 juillet 2017, pour suivre la diffusion en direct de la cérémonie de signature de contrat entre les lutteurs Modou Lô et Lac de Guiers II, sur la chaîne de télévision 2STv, concomitamment à l’inauguration officielle de la station-service Edk-Oil de Sicap Mbao, en furent pour leurs frais. En cause, trois grands hâbleurs au moins, impertinents devant l’Eternel, qui se sont illustrés de triste manière lors de cette soirée et se sont trompés de tribune.
Le premier à ouvrir les hostilités ou, à tout le moins, à déclencher le festival des absurdités, c’est l’inénarrable Khadim Samb qui n’a dû sa présence sur le plateau, aux côtés de Lamine Samba, Lamine Thiam Dogo et Malick Thiandoum, que par l’altruisme, l’esprit d’ouverture et de partage, mais aussi par la confraternité entre commentateurs de combats de lutte dont a fait montre le maître de cérémonie du jour, en l’occurrence Bécaye Mbaye. Alors, comme c’est de notoriété publique, lorsque Khadim Samb démarre sa logorrhée, rien ni personne ne peut l’arrêter, à moins qu’il finisse par se fracasser contre les récifs. Le volubile «communicateur traditionnel» qu’il est y est allé trop fort dans le dithyrambe, comme cela a encore été le cas à l’occasion de cette soirée quand, à force de se laisser aller dans ses embardées, il a conclu finalement en disant que «le Président Abdoulaye Wade n’a pas le Cv (Curriculum vitae) du Président Macky Sall». Oui ! Oui ! Vous n’avez pas la berlue, vous avez bien lu.
Un autre causeur à tirer complètement à côté de la plaque, c’est le promoteur Pape Abdou Fall, organisateur de cette grosse affiche prévue le 16 juillet prochain au stade Demba Diop. Eh bien, le bonhomme n’a pu s’empêcher de déclarer ouvertement qu’il roule à fond pour le Président Macky Sall et la Première dame Marième Faye Sall. C’est son droit le plus absolu, sauf que ce n’était ni le moment ni le lieu pour faire une telle sortie. Faut-il encore le rappeler, on était bien dans une cérémonie de signature de contrat de combat de lutte et non dans un meeting de politiciens. C’est fou ce que ces gens peuvent se tromper de terrain lorsqu’il faut tresser des lauriers à des hommes politiques.
Maintenant, la palme de la stupidité est revenue haut la main au président des amateurs de lutte, le nommé Doudou Diagne Diecko, qui a appelé sans gêne à voter pour le Président Macky Sall le 30 juillet prochain, à l’occasion des élections législatives. Non seulement cet énergumène a fait hors sujet, car lorsque Bécaye Mbaye l’a appelé sur la scène pour lui donner le micro, c’était pour l’inviter à livrer un message aux amateurs de lutte quant à l’adoption de comportements responsables le jour du combat, mais il n’a utilisé son temps de parole que pour débiter des inepties, confondant au passage bifteck et trottoir. En effet, même s’il est le chef de l’Apr et de la coalition Benno bokk yaakaar, le Président Macky Sall, Président de tous les Sénégalais, devant en principe se mettre au-dessus de la mêlée, ne doit en rien être concerné par les élections législatives au point qu’on appelle à voter pour lui. Au surplus, affirmer de façon péremptoire que si l’opposition sort victorieuse du scrutin législatif, la première des décisions qu’elle prendrait c’est de… fermer l’arène nationale, c’est complètement débile. En tirant trop sur le bouchon de la bêtise, Doudou Diagne Diecko a sorti une dernière sottise avant d’aller regagner sa place, un siège qu’il n’aurait jamais dû quitter : «Je hais tous ceux qui n’aiment pas la lutte et l’arène nationale…», a-t-il fait savoir en quittant la scène. Puisse le Bon Dieu nous garder des prises de parole en public d’individus de cet acabit ! De vraies calamités.
Après ces différents écarts de langage ayant utilisé un médium du service public de l’information dans des termes proscrits pendant cette période dite de pré-campagne, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra) est sérieusement interpellé et ne doit alors pas se dérober cette fois-ci.
Très prompt à pondre des communiqués de mises en demeure pour beaucoup moins que ça et à rappeler à l’ordre certains organes de presse pour de simples peccadilles, le Cnra est attendu au tournant. Il en va de sa crédibilité que beaucoup d’actes manqués de sa part ont beaucoup entamée.
A la décharge de la chaîne de télévision 2STv, on peut raisonnablement concéder à ses responsables qu’ils ne pouvaient pas prévoir les dérapages regrettables survenus à l’occasion de la cérémonie de signature de contrat entre Modou Lô et Lac de Guiers II. C’est cela aussi ce que les professionnels des médias appellent «les aléas du direct». En tout état de cause, le Cnra a l’obligation de réagir très vite sous peine d’être considéré comme un «machin» qui n’est là que pour amuser la galerie. Déjà qu’il étonne par son mutisme et son effacement avec cette campagne électorale tous azimuts du Président Macky Sall déguisée en déplacements dits officiels, de toutes sortes. Tout y passe : cérémonie de remise d’équipements et d’appuis financiers aux familles de pêcheurs sénégalais rentrés de la Mauritanie, tournée économique à Fatick assortie de la remise de 7 minibus aux opérateurs de la commune, puis du lancement officiel des travaux de construction du pont à péage de Foundiougne-Ndankhoga, et enfin inauguration de la centrale solaire de Santhiou Mékhé. Tout cela pue à mille lieux la campagne électorale avant l’heure, qui plus est, largement couverte et relayée par la Rts et le quotidien national Le Soleil. Mais le Cnra, sourd et muet sur la question, n’en pipe mot et fait la politique de l’autruche. Même s’il s’en défend en égratignant l’opposition au passage, le Président Macky Sall avoue involontairement qu’il est bien en campagne électorale. De toutes les façons, c’est tellement cousu de fil blanc qu’il n’est point besoin d’épiloguer longtemps sur cette question. C’est bon, on a tout compris.
D’ailleurs, le billettiste d’un canard de la place, très inspiré et qui a de la suite dans les idées, ne s’y est guère trompé en faisant cette remarque d’une rare pertinence : «Regardez le Président (Macky Sall) recommencer à se balader à travers le pays alors qu’on est en pleine période de…précampagne électorale. Et aux frais de la princesse. Il passe partout pour polir l’image de son régime en inaugurant à tout-va des réalisations qui vont certainement faire tilt dans la tête des électeurs locaux au moment de voter. Pourquoi n’a-t-il pas attendu que se terminent les Législatives avant d’aller inaugurer ?». En anticipant la campagne électorale, alors qu’en principe il n’y a même pas droit, le Président Macky Sall consacre de fait la rupture d’égalité entre les différentes listes en lice. Ce faisant, la compétition est d’ores et déjà biaisée et tout score favorable qui pourrait en résulter au crédit de la coalition au pouvoir serait entaché d’irrégularités et frappé d’illégitimité. Une tare congénitale dont la 13ème Législature se passerait volontiers, elle qui ambitionne de faire oublier celle qui l’a précédée, la 12ème, considérée à la quasi-unanimité comme la pire de toute l’histoire de l’Assemblée nationale du Sénégal.
Pape SAMB
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