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Ter D’ici, Leçons D’ailleurs

Ter D’ici, Leçons D’ailleurs

L’annonce du programme du TER (train express régional) a suscité un vif débat, qui peut se comprendre si l’on sait qu’il s’agit du plus gros investissement jamais réalisé par le Sénégal depuis son indépendance. Si d’aucuns se sont interrogés sur la pertinence du projet au regard des priorités nationales, d’autres n’ont pas manqué de soulever son impact sur l’endettement de notre pays, tandis que pour certains, il s’agissait plutôt de s’interroger sur l’impact géo-économique, assez limité, d’un pareil investissement.

Dans cet article, nous allons soulever quelques leçons que l’on pouvait apprendre de certains pays qui ont lancé des projets similaires quant au transfert de technologies et leur intégration dans une vision globale, pour une transformation structurelle de leur économie.

L’avantage de la taille pour des transferts de technologie

Il convient de noter, dès le début, que le Sénégal s’est doté d’un avantage certain qu’il pouvait utiliser comme levier dans ses négociations, celui de la taille du projet. Si la Chine met en avant la taille de son marché avec le «Technology for market access», le Sénégal, avec la taille de son projet, devrait avoir une position dominante dans ses négociations et réclamer ainsi des transferts de technologies.

En comparant les projets chinois avec Alstom et ceux du Sénégal, on se rend compte de l’importance relative du projet sénégalais. La première commande que la Chine a passée à Alstom dans le cadre de son projet de TGV en 2004, s’élevait à 620 millions d’euros pour une ligne de 200 km de TGV. Le projet du TER sénégalais est estimé à 867 millions d’euros.

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Il faut noter aussi l’exemple réussi de l’Ile Maurice dans le domaine du transfert de technologies et de l’industrialisation en Afrique subsaharienne, qui montre éloquemment que la taille du marché ne constitue point un obstacle rédhibitoire.

Intégrer le projet dans une vision globale

Il est admis, en règle générale, que pour qu’une Nation réussisse dans ce domaine, un préalable important est l’existence d’une vision stratégique claire de ses dirigeants. Il est nécessaire d’asseoir une politique industrielle sérieuse adossée à un projet technologique cohérent, tenant compte en particulier, des besoins domestiques du développement.

La vision exprimée par le gouvernement chinois est que les retombées économiques du projet devaient prioritairement aller à la Chine et non aux entreprises étrangères. Parmi les critères fixés par le Ministère des chemins de fer, il y avait (1) un prix compétitif, (2) que la compagnie soit enregistrée en Chine, (3) qu’elle consente à faire des transferts de technologie «clé» aux entreprises chinoises et (4) à utiliser une marque déposée chinoise sur les produits finis. Ainsi, Alstom a réalisé ce projet dans le cadre d’une Joint-venture avec la société CNR Changchun pour construire les trains.

La commande chinoise est aussi intégrée dans le cadre d’un vaste programme d’amélioration des chemins de fer. Un des aspects consistait en un projet conjoint entre le ministère des Sciences et le ministère des Chemins de fer pour que les commandes de trains s’inscrivent dans un programme plus large avec trois objectifs : (1) développer des technologies de pointe pour mettre en place un réseau de trains qui roulent à plus de 350 km/h ; (2) établir des droits de propriété intellectuelle indépendants et améliorer la compétitivité internationale ; (3) Exporter la technologie.

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Avons-nous les bons indicateurs, coté sénégalais ?

Dans le discours des officiels sénégalais, on perçoit clairement que les indicateurs du projet sont fixés en termes de rentabilité. Mountaga Sy, directeur général de l’Apix, parle de 18 à 19% sur la base de 115 000 passagers par jour. Cette logique de rentabilité financière peut être suffisante pour une entreprise, mais semble bien insuffisante pour un Etat ; surtout si l’on sait que cette rentabilité reposera sur des tarifs que vont supporter les citoyens sénégalais, déjà lourdement mis à contribution dans le cadre de l’autoroute à péage.

C’est pourquoi l’indicateur devrait plutôt être formulé autour de la capacité du projet à faire revivre notre industrie du train, à générer des emplois et à positionner le Sénégal comme un leader pouvant exporter dans le marché sous-régional ou africain.

Gigantisme infrastructurel ou saut de grenouille ?

Une question qui reste liée cependant à la problématique du transfert de technologie, est celle de savoir si le projet du TER n’est pas surdimensionné par rapport à nos capacités productives, et ne serait pas le fait d’un gigantisme infrastructurel, qui procède d’une méprise qui nous pousserait à prendre les effets de l’émergence pour ses causes.

Il ne s’agit point de réduire nos ambitions en tant que nation, mais de les dimensionner par rapport à nos capacités productives et technologiques. En effet, une des conditions au transfert de technologies, comme le montre l’exemple de Senbus, c’est la capacité de l’industrie locale à digérer et absorber les technologies transférées. La stratégie chinoise, par exemple, était construite sur trois étapes : «digestion, absorption and re-innovation».

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L’industrie automobile indienne qui commence à faire son entrée dans le monde occidental, a elle-même bâti sa stratégie sur le transfert de technologies en lien avec ses capacités, pour pouvoir les absorber et ensuite innover.

De ce point de vue, nous aurions pu faire appel à des technologies plus en lien avec nos capacités productives et qui garantissent que dans les 568 milliards de francs Cfa, le maximum reste dans notre «gaal». Pour cela, il faudrait que l’on puisse «digérer» et «absorber» ces technologies. Car ce qu’il est important de comprendre, c’est qu’un TER est un effet de l’émergence ; développer la capacité d’en produire tout ou une partie, c’est cela la cause de l’émergence.

Alioune Ndiaye

Enseigne les relations internationales à l’Ecole de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke. Auteur de : «L’Afrique dans la politique étrangère indienne : les nouvelles ambitions de New Delhi».

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