Les élections législatives du 30 juillet constituent une illustration grandeur nature des reniements et des ruptures différés du pouvoir apériste devenu, par la force des choses, un clone du précédent régime libéral. L’animosité, qui semble les opposer paraît, dès lors, plus relever de querelles de clans que de profondes divergences idéologiques. Est-ce cela qui explique l’accueil plus que chaleureux réservé au Pape du «Sopi» par de nombreux Sénégalais désenchantés par la pseudo-émergence ?
De fait, la renonciation du président de la République à sa promesse de réduction de son mandat, suivie de son refus d’appliquer les recommandations de la Commission nationale de réforme des institutions, a conduit à une aggravation de la crise institutionnelle déjà identifiée par le Peuple des assises.
Devant l’érosion continue de la cote de popularité du Président et de sa méga-coalition, désormais adossés à l’ancienne puissance colonisatrice et à de nouveaux lobbies (notamment ceux du pétrole), les autorités politiques en sont réduites à user d’expédients et de subterfuges pour décrédibiliser les prochaines élections et/ou tenter de différer la sanction populaire tant redoutée.
Depuis plusieurs années, c’est bien la première fois que des élections législatives ne se tiendront pas au mois de juin et que l’Assemblée nationale ne sera pas installée en juillet. Quant aux cartes biométriques devant servir aux opérations de vote, elles n’ont toujours pas fini d’être mises à la disposition des électeurs, à quelques jours du scrutin. Il s’y ajoute que la scène politique est marquée par une atmosphère pesante, caractérisée par une intolérance notoire, depuis la radiation injuste et injustifiée d’un adversaire politique du corps des fonctionnaires, les limogeages intempestifs de conseillers présidentiels, l’ostracisme envers un ancien ministre des Affaires étrangères pour cause de vote négatif au référendum du 20 mars 2016, sans oublier l’embastillement du maire de Dakar.
Dans le même ordre d’idées, la prolifération des listes de candidats aux Législatives peut être considérée comme illustrative d’une volonté perfide de discréditer le jeu politique dans la mesure où la coalition au pouvoir a opposé son veto à des mesures concrètes de réhabilitation de l’activité politique retenues parmi les recommandations de la Cnri comme par exemple l’établissement de critères rigoureux pour créer un parti politique, l’exercice d’un contrôle strict du financement des partis politiques…, le tout couronné par la création d’une Autorité de régulation de la démocratie.
Il est clair que les pratiques clientélistes, de promotion de la transhumance et de la corruption politique qui perdurent s’accommodent mal d’un assainissement des mœurs politiques. C’est ce qui explique le maintien de la primauté accordée au mode de scrutin majoritaire à un tour qui ne permet pas de choisir, en toute équité, des députés réellement représentatifs, mais fait la part trop belle à la coalition disposant des attributs et avantages du pouvoir. Cela est confirmé par le refus d’instaurer un régime parlementaire ou, tout au moins, de diminuer les pouvoirs exorbitants du président de la République, en accroissant ceux de la représentation parlementaire.
Les récents développements de la vie politique mondiale (élections aux Usa et en France) montrent les risques induits par la crise de la démocratie représentative qui amène les élites politiques à se dissocier des larges masses populaires.
Une stratégie novatrice pour réhabiliter la fonction de député dans notre pays serait de supprimer leur salaire (à remplacer par des indemnités de session), de les rendre plus redevables vis-à-vis de leurs électeurs (réduction du cumul de fonctions, choix au sein de circonscriptions électorales, au sein desquelles ils devraient résider…).
Le choix du Premier ministre Dionne comme tête de liste par la coalition Benno bokk yaakaar renseigne sur la mainmise de l’Exécutif sur le Parlement et aussi sur un désir de continuité de la politique mise en œuvre jusqu’à présent. Il faut, néanmoins, avoir le courage de reconnaître que toutes les autres listes de candidats ont également souffert de l’approche top-down traduisant la primauté des décisions des appareils sur les approches concertées, ce qui s’est traduit par de multiples conflits.
Les élections législatives prochaines ne permettront de surmonter la crise actuelle de la démocratie représentative que si, d’une part la coalition au pouvoir perd sa majorité parlementaire et que de l’autre, suffisamment d’élus de l’opposition s’accordent sur une plateforme minimale de refondation institutionnelle dans le droit fil des Assises nationales.
Nioxor TINE
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