L’Administration sénégalaise mérite une refonte totale, que dis-je ? Une implosion sans sommation s’impose pour une mise à jour en profondeur de ses valeurs. Ce préalable est indispensable pour insuffler un nouvel état d’esprit aux fonctionnaires et leur inculquer la conscience de «serviteurs» du public. Le service public suppose en effet une connaissance profonde et une acceptation sans condition des missions définies. Le sens du service public suppose également une haute conscience de ses devoirs vis-à-vis de la République.
Je viens de passer quelques heures dans les dédales de notre Administration pour renouveler quelques documents indispensables à la pleine jouissance de ma citoyenneté. J’ai pris tout le temps d’observer les agents de l’Etat, surtout les subalternes, dans leur incompétence prétentieuse face aux droits et égards qu’ils doivent aux citoyens. Je suis pourtant un privilégié. Je suis bien des fois reconnu. Et je bénéficie de ce fait d’une attention qui me facilite l’accès au niveau de décisions pour contourner les «dos d’âne» et gagner du temps. Mais j’ai appris à prendre du plaisir à faire la queue comme tout le monde. Comme la majorité des Sénégalais qui n’ont pas une connaissance d’en haut ou une relation familiale ou amicale d’en bas.
Mon constat est le suivant même si je le savais un peu : l’Administration sénégalaise est malade. La gangrène est purulente. Nous n’avons pas besoin d’une «étude» pour poser ce diagnostic. Il suffit d’y entreprendre des démarches pour sentir dans sa chair le sous-développement dans toute sa splendeur : Vous arrivez dans les locaux d’un service public. Vous devrez faire face dans la plupart des cas à un mauvais accueil. Pour rester poli.
Ensuite, il vous prendra du temps et de la patience pour trouver le bon interlocuteur. Face à lui, vous constaterez un déficit d’informations préalables sur les prérequis de la mise aux normes de votre dossier. Vous risquez de devoir repartir, le compléter et revenir. Cette étape franchie, un personnel sous qualifié, mais qui plus est désagréable, va vous s’ingénier à saper le moral pour le reste du parcours du…combattant. Dans une salle d’attente souvent inadaptée au flux des usagers, vous allez assister à un ballet incessant de personnes, arrivées les dernières, mais servies les premières. Et vous n’aurez pas le droit de commenter. Encore moins de vous plaindre. Vous devrez prendre votre mal en patience pour éviter les mesures de rétorsion d’un subalterne énervé qui va exercer sur vous son «pouvoir». Abus d’autorité ! Vexations gratuites. Pour rien ! «Dieu est avec les patients…»
En vérité, les autorités politiques auront beau promettre un monde meilleur aux citoyens de notre pays, si l’Administration n’est pas pénétrée d’un esprit nouveau, rien ne se fera. La césure béante qui existe entre les discours d’en haut et la réalité d’en bas mérite un traitement de choc. C’est la priorité des priorités et le préalable à toute émergence.
Je m’abstiens de rentrer dans les détails croustillants des billets froissés subrepticement pour réveiller la torpeur d’un agent et lui redonner de l’entrain. Je ne regarde pas pour la circonstance le manège d’un agent succombant aux charmes d’une dame aux formes généreuses. Son regard révulsé suite aux émanations des odeurs suggestives et enivrantes de la belle «dirianké», je constate simplement qu’il nous plante là. Moi et tous les anonymes sans bras longs…
Pour tout dire, notre Administration doit être déconstruite. De fond en comble ! Les personnels, surtout au niveau d’exécution, doivent être repris en mains. Vigoureusement, car si l’on peut se vanter d’avoir des cadres sur-formés au niveau de la conception, il est navrant de constater le niveau terriblement bas des personnels en contact direct avec le public. Or, c’est à ce niveau que se joue l’essentiel du service public : servir le public.
Au sortir des élections du 30 juillet dont les différentes péripéties auront illustré jusqu’à la lie tous les dysfonctionnements de notre Administration, il nous faudra véritablement prendre à bras-le-corps les vrais problèmes de notre pays. Sortir de la campagne électorale quasi permanente qui capte et détourne les énergies de notre Nation est un impératif de sécurité et de salubrité publiques. Il nous faut prendre conscience que les vrais problèmes des citoyens sont au ras des pâquerettes. Ils ne se résoudront pas par un coup de baguette magique. Il faudra une grande détermination et un engagement sans failles aux Sénégalais les plus lucides pour sauver notre pays et le mettre sur les rails du progrès. A tout prix. Tout le reste n’est que bavardages.
Et comme disaient les autres : y’en a vraiment marre !
Vivement l’après 30 juillet !
Amadou Tidiane WONE
woneamadoutidiane@gmail.com