« Il existe un risque qu’il n’y ait plus d’élection démocratique au Sénégal sous le magistère de Macky Sall »
Le référendum de 2016 a révélé l’extraordinaire capacité de dissimulation du Président Macky Sall. Pendant 4 ans, il a fait croire aux sénégalais sa volonté ferme et inébranlable de réduire le mandat présidentiel à 5 ans. La planification méthodique de l’avis/Décision du Conseil Constitutionnel et l’avantage octroyé par 1213 bureaux de vote dont tout le monde ignorait l’existence jusqu’au jour du référendum, lui a permis de modifier la trajectoire de la consultation et « d’anéantir » les espoirs du peuple.
Le scrutin du 30 juillet 2017 a démontré que le régime en place était loin d’avoir épuisé ses cartes, pour contourner la volonté populaire. Le projet initial de Macky Sall qui consistait à priver de vote des millions de nos concitoyens, par une distribution sélective des cartes d’électeurs s’est heurté à 2 obstacles : l’immixtion inattendue de Wade dans le jeu et la forte contestation populaire liée à la rétention des cartes biométriques. Ces deux événements imprévus ont contrecarré le plan initial et conduit Macky Sall à redéfinir sa stratégie. D’où la saisine tardive du Conseil Constitutionnel le 24 juillet 2017, six jours avant la tenue du scrutin. “Officiellement”, l’objet de la saisine du Conseil Constitutionnel était de permettre à tous les sénégalais de pouvoir exercer leur droit de vote (un droit constitutionnel). Dans les faits, l’avis/Décision du Conseil Constitutionnel en date du 26 juillet 2017 a été littéralement violé par le même pouvoir exécutif qui a formulé la demande. Le 30 juillet 2017, jour du scrutin, tous les observateurs ont constaté que les citoyens disposant d’anciennes cartes d’identité et de cartes d’électeurs numérisées n’ont pas pu exercer leur droit de vote. Comme un ultime pied de nez aux sénégalais, les citoyens titulaires d’un document d’immatriculation, qui se sont rendus dans les Préfectures ou sous-préfectures ont trouvé « portes closes ».
En réalité, la saisine du Conseil Constitutionnel n’était qu’un leurre, une ruse puisque la volonté initiale de Macky Sall de priver de vote des millions de sénégalais de vote a été appliquée sur le terrain le 30 juillet 2017, suite à des instructions fermes données aux autorités administratives. Le fait que « l’Avis/Décision » n’ait été suivi d’aucun effet constitue un véritable camouflet pour les « Sages ». Afin d’éclairer la lanterne des sénégalais, il serait très intéressant de communiquer les chiffres relatifs au nombre exact de sénégalais ayant voté avec les anciennes cartes d’identité et cartes d’électeurs numérisées.
Le scrutin qui s’est déroulé le 30 juillet 2017 au Sénégal n’aurait jamais pu se tenir dans un pays démocratique. Le lièvre a été levé par un professeur agrégé en droit constitutionnel, qui, sous couvert d’anonymat, dans une interview accordée le 28 juillet 2017 au journal Sud Quotidien « Décryptages », avoue que « l’Avis/Décision du Conseil Constitutionnel s’éteint au soir des législatives du 30 juillet 2017». Il ajoute en substance que « les sénégalais devront obligatoirement voter avec les cartes biométriques en 2019». Comme par magie, on découvre que les articles L 53 et L 78 du Code électoral qui disposent «que seule la carte d’identité biométrique CEDEAO fait office de carte d’électeur» sont à nouveau en vigueur au lendemain du scrutin. Au fait, le Conseil Constitutionnel va-t-il se réunir pour rendre un Avis/Décision et informer officiellement l’opinion publique que les articles L 53 et L 78 du Code électoral (qui n’ont jamais disparu, et n’ont connu aucune modification) font leur réapparition à compter du 31 juillet 2017? Cet interview aura le mérite de démontrer à quel point le régime actuel et ses complices (élites malveillantes) se jouent des sénégalais.
On notera que cette fois-ci (scrutin du 30 juillet), le Ministre de l’Intérieur n’a pas commis l’erreur du référendum de 2016 ; celle de communiquer les résultats avant la commission nationale de recensement des votes. C’est ce qui avait permis de mettre à nu les discordances entre les chiffres fournis par le Ministre de l’Intérieur et ceux de la commission nationale de recensement des votes.
L’irruption surprise de 1213 bureaux de vote en 2016, la privation de vote de millions de sénégalais lors du scrutin faussé du 30 juillet 2017, l’inversion des résultats provisoires à Dakar à 2 heures du matin par le candidat de BENNO BOK YAKAAR, se substituant à l’autorité habilitée à proclamer les résultats, le déploiement massif et démesuré des forces de l’ordre à chaque échéance électorale donnent un aperçu des présidentielles de 2019.
Macky Sall n’est ni un démocrate, ni un fervent défenseur de l’Etat de Droit. Ses actes ont prouvé que l’usage excessif de la force, le refus du débat libre et contradictoire sur la gouvernance du Sénégal, et l’exercice solitaire du pouvoir constituent les traits dominants de sa gouvernance.
Il faut le dire clairement : en 2019, il existe un risque réel qu’il n’y ait pas un scrutin libre, transparent, sincère, et démocratique au Sénégal. Une terrible régression pour le pays de la Téranga.
Après 2016 et 2017, Macky Sall, prépare le coup d’après : 2019. Il est possible qu’il initie un dialogue « insincère » portant entre autres, sur le processus électoral. Pour mieux reculer le moment venu, dérouler son plan et mettre les sénégalais devant le fait accompli. Cela dit, méfions-nous des surprises de l’histoire !
Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@yahoo.fr