La loi de règlement 2015 est adoptée par l’Assemblée nationale. Selon le quotidien national « Le Soleil », « après la Cour des Comptes, l’Assemblée nationale a adopté, jeudi, le projet de loi de règlement 2015. A cette occasion, le Ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, Amadou BA, a rappelé que cet exercice relève « d’un exercice de reddition des comptes et de transparence, conformément à la volonté du Chef de l’Etat.
L’Assemblée nationale a adopté, jeudi, à l’unanimité, le projet de loi de règlement 2015. Ce projet a été défendu par le Ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, Amadou BA. Il est ressorti de cette initiative, deuxième du genre, sous le magistère du Président Macky SALL, que la Cour des Comptes a déclaré conformes les écritures des comptes de gestion des comptables principaux du Trésor et le compte administratif de l’ordonnateur ».
Faux ! Archi faux !!! Cette déclaration du Ministre des Finances est une contre-vérité. Elle ne correspond pas à la réalité et résulte d’une construction machiavélique et d’une manipulation de l’opinion nationale et des partenaires au développement. C’est vraiment indécent pour un Ministre de la République. La Cour des Comptes n’a jamais « déclaré conformes les écritures des comptes de gestion des comptables principaux du Trésor et le compte administratif de l’ordonnateur ».
La loi de règlement est l’acte législatif qui clôture l’exercice budgétaire d’une année. Elle arrête le montant des recettes et des défenses et détermine le résultat de l’année. Les « états au vrai » de l’Ancien Régime français ou la loi des comptes votée à partir de 1818, sont les ancêtres de la loi de règlement. Ce document comptable soumis à l’approbation de l’Assemblée nationale, constitue un maillon central dans le dispositif de contrôle budgétaire a posteriori, du Parlement.
Au Sénégal, suivant les dispositions de l’article 48 de la loi organique n°2011-15 relative aux lois de finances « la Loi de règlement d’un exercice :
– constate le montant définitif des encaissements de recettes et des ordonnancements de dépenses. A ce titre, elle :
1) ratifie, le cas échéant, les ouvertures supplémentaires de crédits décidées par décret d’avances depuis la dernière loi de finances ;
2) régularise les dépassements des crédits constatés ;
3) procède à l’annulation des crédits non consommés ;
– rend compte de la gestion de la trésorerie de l’Etat et de l’application du tableau de financement de l’Etat ;
– arrête les comptes et les états financiers de l’Etat et affecte les résultats de l’année ;
– rend compte de la gestion et des résultats des programmes visés à l’article 12 de la présente loi organique ».
Le projet de Loi de règlement est préparé par les services du ministère de l’Economie, des Finances et du Plan. Il est obligatoirement accompagné du rapport sur l’exécution de la loi de finances (RELF) de la Cour des Comptes et de la déclaration générale de conformité entre les comptes des ordonnateurs et ceux des comptables publics.
Cependant, pour ce qui concerne la loi de règlement 2015 adoptée par l’Assemblée nationale, elle l’a été sans le rapport d’exécution de la loi de finances et la déclaration générale de conformité. Le Ministre des Finances qui est le maître d’œuvre en la matière, a violé allègrement la loi.
En agissant ainsi M. Amadou BA rejoint son collègue Moustapha DIOP dans l’illégalité, l’arrogance et le manque de respect envers des institutions de la République, notamment de la Cour des Comptes. Cette affaire n’aurait jamais été possible, sauf :
– si le Ministre Amadou BA a déposé un faux rapport d’exécution et une fausse déclaration générale de conformité de la Cour des Comptes. Ce qui serait gravissime pour un Ministre de la République,
– si le Ministre Amadou BA a déposé un rapport d’exécution et une déclaration générale de conformité non signés de la Cour des Comptes, ou bien il n’en a pas déposé du tout, ce qui serait le comble et demeure inqualifiable et injustifiable en République.
En tout état de cause, ceci engage, également, la responsabilité pleine et entière du Président de l’Assemblée nationale car le rapport sur la loi de règlement lui est également transmis par le Premier Président de la Cour des Comptes.
En effet, l’article 44 du décret n°2013-1349 du 13 novembre 2013 fixant les modalités d’application de la loi organique n°2012-23 du 27 décembre 2012 sur la Cour des Comptes indique qu’à l’issue des contrôles, « les magistrats rapporteurs établissent un rapport provisoire qui est adressé aux administrations. Chaque administration est alors tenue de répondre par écrit aux observations des magistrats dans un délai d’un mois.
A l’expiration de ce délai, la chambre compétente examine, en présence des représentants des administrations concernées, le rapport des magistrats ainsi que les réponses écrites et les observations orales complémentaires.
Au terme de cette audition, la chambre se réunit en séance pour délibérer et arrêter le projet de rapport définitif qui est ensuite adopté par les Chambres réunies pour être joint au projet de loi de règlement, conformément à l’article 8 de la loi organique sur la Cour des Comptes.
Ce rapport est enfin déposé par le Premier Président de la Cour sur le bureau du Président de l’Assemblée nationale, et transmis au Ministre chargé des Finances (souligné par nous).
Au vu des observations et conclusions de la Cour contenues dans le rapport, le Ministre chargé des Finances prend les mesures correctives qui s’imposent ».
Il faut se demander comment des institutions de la République peuvent-elles être aussi légères dans un domaine où la loi doit être strictement respectée.
Comment un Ministre de la République peut-il être un hors-la-loi sans aucun risque d’être sanctionné. Comment une autorité de la République peut-elle être aussi irrespectueuse d’une institution de la dimension de la Cour des Comptes.
Une telle autorité ne mérite point de siéger dans un Gouvernement de la République. Ceci est une offense à la République, une offense aux institutions de la république. Celle-ci n’est pas moins grave que certaines sorties, à travers les réseaux sociaux sanctionnées à juste raison.
M. Amadou BA doit comprendre que nous sommes dans une République et certains dérapages, en plus d’être intolérables, sont simplement à réduire à néant dans notre architecture et paysage démocratiques et républicains.
Le Président de la République doit comprendre que des actes de cette nature ou la présence de ministres capables de rabaisser les institutions de la République à ce bas niveau ne peut que lui être préjudiciable et défavorable.
Ce vote de la loi de règlement sans le rapport d’exécution de la loi de finances et la déclaration générale de conformité est une véritable incongruité et un hold-up. Il a toutes les allures d’une escroquerie pure et simple.
Personnellement j’ai toujours accordé beaucoup de crédit aux déclarations du Président Macky SALL relatives à la transparence et au système de gestion sobre et vertueuse mis en place, parce que je connais les convictions de l’homme.
Mais dans cette affaire, si le Ministre Amadou BA n’est pas sanctionné à la dimension de cette hérésie inqualifiable, personnellement, je ne donnerai plus une seule once de bonne foi à de telles professions de foi.
Aliou NIANE
Ancien Président de l’Union
Des Magistrats sénégalais (UMS)