«Et l’on peut juger de la cervelle d’un seigneur rien qu’à voir les gens dont il s’entoure. Quand ils sont compétents et fidèles, on peut croire à sa sagesse, puisqu’il a su les reconnaître compétents et les maintenir fidèles ; mais s’ils sont le contraire, on peut douter de ce qu’il vaut lui-même, puisque la première erreur qu’il commet réside dans ce choix». Machiavel
C’est devenu maintenant une culture chez les tenants actuels du régime : à chaque remaniement, les déchus se braquent, menacent et font chanter le roi pour ne pas perdre leur sinécure. En s’inspirant des propos de Machiavel ci-dessus, on pourrait non blâmer les nouveaux irrédentistes de l’Apr fraîchement déchus de leur poste dans le gouvernement. Comment un homme, somme toute ordinaire, tiré de la mêlée et hissé au sommet du pouvoir par le seul pouvoir discrétionnaire du Président, peut-il se rebeller contre ce dernier sous prétexte qu’il l’a démis de ses fonctions sans l’avertir au préalable ? Ces gens ont-ils la notion de l’Etat ?
Ce manque de courtoisie républicaine, consistant à déverser sa bile sur le régime qu’on servait il n’y a guère longtemps, parce que simplement on n’a pas été reconduit dans le gouvernement, est une grave dérive de notre démocratie. Cette attitude rustre et infâme révèle au grand jour le manque de grandeur de certains parmi les hommes qui nous gouvernent. Comment peut-on revendiquer une fonction à laquelle on ne peut accéder que par le libre arbitre d’un homme ? Un homme normal peut se vanter d’un métier ou d’une profession, mais pas d’une fonction politique : le métier et la profession requièrent des qualifications, et donc un mérite objectif. Il n’y a pas de doute qu’il y a au sein de l’Apr d’autres militants qui ont le même parcours politique que les récalcitrants, mais qui n’ont jamais bénéficié de la confiance du Président pour exercer des fonctions gouvernementales. Qu’est-ce que donc ces individus ont de plus pour faire autant de bruit ?
Mais cette discourtoisie et cette ingratitude à l’égard du chef sont méritées : un gouvernement doit refléter un minimum d’exemplarité de la part de ceux qui l’incarnent. Mais quand le critère de choix du chef est l’insolence ou la capacité de nuisance de l’individu face à ses adversaires, il n’est pas absurde que cette insolence dont il est servi se retourne contre lui.
Quand on met la politique au-dessus de toutes les valeurs, on risque d’être le compagnon des maîtres chanteurs et des insulteurs professionnels. Quand on a peur d’être seul dans la vérité et la justice, on se complaît dans la compromission avec le diable et ses soldats. Quand un homme d’Etat n’a comme ascendant sur ses collaborateurs que son pouvoir de nomination, il n’est pas rare que le chantage et la flagornerie de cour soient sa ration quotidienne. Macky Sall savait très bien la «qualité» très douteuse de ces hommes dont il s’est séparé.
Macky Sall veut gouverner sans adversaire, il veut annihiler toute forme de résistance. Et pour ce faire, il ne compte que sur trois leviers : la corruption par l’argent ou par la promotion, la prison contre ses adversaires et le média-mensonge pour abrutir le Peuple par un contrôle constant de l’opinion. Si Macky Sall est incapable de choisir les hommes qu’il faut à la place qu’il faut, s’il est incapable de nommer et de démettre sans état d’âme, c’est qu’il n’a rien d’un homme d’Etat. Il faut donc cesser de blâmer les déchus révoltés, ils n’ont rien fait, et de toute façon, ils ne méritent même pas qu’on s’attarde sur leur effronterie et leurs ignobles gamineries : le seul responsable de cette incongruité républicaine est Macky Sall.
Alassane K. KITANE
Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès
SG du Mouvement citoyen Label-Sénégal
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