Nous nous réjouissons que le FCFA ait été au-devant de l’actualité ces dernières semaines bien que sous un angle qui ne sert pas la cause d’une réforme de sa gouvernance pour laquelle nous nous exprimons depuis un temps. Les activistes ont cependant joué leur rôle car ils ont réussi à faire sortir la BCEAO de sa réserve par le billet d’un Directeur National pour clarifier certaines questions sur nos réserves de change, la gouvernance de la BCEAO, le compte d’opérations, et l’impression de notre monnaie qui obscurcissent le débat. La décision de sortir la France de la gouvernance de la BCEAO est une question politique et de leadership qui ne dépend pas de la BCEAO et qui n’affecte pas la conduite de sa mission actuelle qui par ailleurs est insuffisamment comprise et contrôlée par les états et le grand public.
Le type de régime de change qu’il faut aux pays de l’UEMOA responsabilisés est un autre débat qu’on ne tiendra pas ici mais il n’est pas un arrimage sur l’euro. C’est un sujet qui ne relève pas non plus des attributions d’un Directeur National, ni même du Gouverneur de la BCEAO, bien que sous un autre type de gouvernance, l’Assemblée Nationale aurait pu entendre le Ministre des Finances ou le Gouverneur de la Banque du Sénégal sur les questions de fond. Ce dernier n’aurait pas non plus été un porte-parole du Gouverneur de la BCEAO mais un représentant indépendant de l’état du Sénégal dans une gouvernance nouvelle.
L’exigence démocratique vis-à-vis du public aujourd’hui devait être que le Gouverneur de la BCEAO, Président du Comité de Politique Monétaire, s’explique sur l’activisme de la BCEAO qui nous a valu des pertes en couverture de réserves de change. En effet, nous ne sommes plus à 5 mois d’importations comme les officiels de la BCEAO le disent depuis quelques semaines mais à 3.7 mois comme l’a déploré le FMI, la référence habituelle en crédibilité de la BCEAO. Le meilleur service que la BCEAO peut nous rendre dans son régime actuel est effectivement de ne rien faire d’elle-même en matière de politique monétaire comme nous le titrions dans notre dernière contribution : «BCEAO : Retour à une hibernation salutaire”.
Nous nous réjouissions alors que la BCEAO ait mis un terme à son activisme soudain (décembre 2016 et mars 2017) sur ce qu’elle considère être ses instruments de politique monétaire (taux d’intérêts et réserves obligatoires) alors que dernière ses murs se menait une politique quantitative qui n’a pas servi les intérêts de l’union. Les banques commerciales et des états bien informés s’en sont plaints. La transparence dans la politique monétaire aurait dû obliger la BCEAO à en parler dans ses communiqués car la doctrine «l’argent a horreur du bruit» n’est plus la doctrine des banques centrales modernes qui doivent fidèlement rendre compte au public de leur gestion.
Dans le dernier communiqué de politique monétaire publié le 7 Septembre 2017, la BCEAO nous dit qu’elle garde le statu quo sur ses taux d’intérêts directeurs et sur le taux de réserves obligatoires mais derrière ses murs, elle a changé sa politique comme nous l’avions expliqué. Pour arrêter l’hémorragie en couverture de nos réserves de change et les reconstituer à moyen terme, elle contrôle à présent les quantités de liquidités qu’elle donne aux banques à son taux minimum directeur d’adjudications (plus bas que son taux marginal de prêt). Les dernières statistiques monétaires montrent que l’encours de son guichet automatique et permanent de prêt est devenu nul mais le volume total de liquidité qu’elle fournit au marché est resté plus ou moins inchangé car à défaut les banques ne renouvelleraient pas les titres de certains états qui arriveraient à échéance. De ce point de vue, la BCEAO est à la remorque des banques et de l’ajustement budgétaire des états mais devra réduire le volume de refinancement si les états ne s’ajustent pas ou si le rythme de reconstitution de ses réserves de change est insuffisant. La BCEAO est donc également à la remorque de ce dernier facteur, le plus important pour qu’elle accomplisse sa mission de garantir elle-même notre parité sur l’euro, et non la France.
Nous exhortons le Comité de Politique Monétaire de nous parler dans ses prochains communiqués (nous qui les lisons) de sa politique sur les volumes de refinancement, le niveau de réserves de change, et son objectif de reconstitution, ainsi que des explications qui les accompagnent. Les comptes rendus sur la conjoncture internationale, la croissance, le déficit budgétaire, et le taux d’inflation de l’union nous sont véritablement moins utiles et ne permettent pas de justifier clairement le statu quo sur les instruments notés.
Dr Abdourahmane SARR
Président du CEFDEL/MRLD
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