Si chaque Sénégalais se considérait comme un acteur de la protection civile, le tableau des risques majeurs peint dans mes différentes Alertes, serait moins noir. C’est parce que chacun se remette en cause et décide enfin d’assumer sa part de responsabilité.
Les établissements recevant du public (mosquées, églises, écoles, stades dancings, restaurant, etc.) ne respectent pas toujours les normes de sécurité et de sureté.
A la prière du vendredi, le nombre de fidèles qui accèdent à l’intérieur des mosquées, n’est pas déterminé en fonction des capacités d’accueil. Les issues de secours n’existent pas ou sont obstruées. Si des extincteurs sont prévus, ils ne fonctionnent pas ou le mode d’utilisation est méconnu. Ils sont là plus pour tromper la vigilance d’hypothétiques contrôleurs que de protéger contre des risques d’incendies.
Les écoles ne sont pas dotées de systèmes d’alerte. Celles situées dans des zones à risques technologiques majeurs ne disposent pas non plus de salles de confinement, et les élèves ainsi que le personnel enseignant et administratif ne sont pas préparés à cet exercice plus qu’essentiel pour se prémunir contre de l’air contaminé. Elles n’ont pas de plans particuliers de mise en sureté (Ppms) conçus pour la prévention et la gestion des risques majeurs sur des sites non classés.
Pour des raisons de sécurité, la plupart des établissements scolaires ne disposent que d’une seule issue de secours peu adaptée à l’évacuation rapide d’un grand nombre d’élèves dans une situation d’urgence.
Au niveau des marchés, les dégagements de 15 mètres de chacun des 4 côtés ne sont pas respectés Il n y a pas d’heures d’ouverture et fermeture. Plusieurs prescriptions sont violées en permanence (fabrication et vente de produits chimiques et de matières inflammables, etc.). Les allées intérieures sont surchargées de tables par des municipalités plus soucieuses de rentrée de ressources que de prévention des risques majeurs. Ils sont dépourvus de détecteurs de de fumée pour prévenir les incendies qui y sont fréquents à cause particulièrement de branchements clandestins au réseau électrique de la Senelec.
Rares sont les entreprises qui ont aménagé des points de rassemblement indispensables à la bonne organisation des secours et surtout le décompte du personnel présent sur le lieu du travail au moment où survient un risque majeur. Mais, il n’est pas rare de relever que certains points de rassemblement sont situés sur la voie publique.
Le Plan d’opération interne (Poi) et le plan particulier d’intervention (PPI) n’existent pas souvent ou ne sont pas éprouvés (testés).
Dans les entreprises dotées de portes coupes feux, ces dernières sont bloquées et ouvertes en permanence au lieu d’être fermées pour pouvoir jouer leur véritable rôle de prévention.
Qu’ils soient de catégorie 1 ou 2, les établissements classés ne respectent pas les dispositions réglementaires en matière de lutte contre les pollutions et nuisances. Une fois l’ouverture autorisée, l’absence de contrôle régulier expose les populations à toutes sortes de risques majeurs environnementaux surtout quand la distance des 500 mètres des habitations est violée; même si parfois, ce sont les communautés elles-mêmes qui empiètent sur les servitudes de ces établissements.
Voilà le compte rendu de la communication du Président de la République en conseil des Ministres du 14 septembre 2017 , relative à l’urgence de la libération des emprises de la Senelec :
« Abordant la sécurisation stratégique des installations électriques, le Chef de l’État demande au Gouvernement de procéder à l’audit technique de toutes les installations électriques du domaine public, ou relevant des personnes physiques ou morales privées, et de veiller au respect scrupuleux des emprises et périmètres de sécurité définis par la Senelec [….] .».
La mise en œuvre de cette instruction de plus sur les risques majeurs relève moins de la Sénelec que de certains services de l’État qui incarnent cette mission (Autorités administratives, services des Impôts et Domaines, de l’Urbanisme, de la Protection civile, de l’Environnement, etc.); Heureusement, Senelec ne cesse de renforcer ses capacités de résilience. A preuve, l’incendie survenu à la centrale C4 du cap des biches, le 8 aout 2017, a pu être maitrisé in situ (à la source), évitant ainsi d’impacter gravement les populations de Mbao, Thairoye, Rufisque et Dakar, à cause des importantes quantités de fuel stocké. Et Senelec a fait preuve d’un relèvement rapide grâce à son dispositif de » « black start » qui a permis la remise aussitôt de l’électricité. Ce qui n’aurait pas été possible sans le renforcement de ses capacités de résilience inscrit au cœur de la gouvernance de la direction générale actuelle.
Une grande multinationale installée à Dakar, fait livrer ses bonbonnes de gaz par des charretiers, si peu conscients de la menace à laquelle ils sont exposés et exposent la population, qu’ils fument assis au milieu des bouteilles. A qui la faute ?
Au niveau des stations d’essence, l’utilisation des téléphones cellulaires est formellement interdite (pour éviter une étincelle qui pourrait embraser les lieux), mais en violation de cette interdiction, le pompiste utilise parfois son téléphone cellulaire pendant qu’il sert des clients; si ce n’est le paiement avec le téléphone mobile qui est encouragé.
Les constructions ou autres aménagements sur les bouches d’incendie empêchent aux Sapeurs-pompiers de disposer de l’eau nécessaire pour intervenir rapidement en cas d’incendie.
Ces dévoués soldats du feu sont également confrontés parfois à moult difficultés pour intervenir à cause de rues inaccessibles ou d’adresses introuvables dans une ville à l’adressage si sauvage. Ailleurs, c’est l’occupation sauvage de l’espace public qui rend les zones de crise inaccessibles.
Des ateliers métalliques partagent les mêmes sites avec des commerces voire des dépôts de gaz.
Des camions de Transport de matières dangereuses (Tmd) font escale dans des villes en se garant devant des restaurants alors qu’ils transportent des produits hautement inflammables. Il suffirait d’une étincelle pour que survienne une catastrophe d’une grande ampleur.
Les rassemblements religieux (Magal, Gamou, ziara, appel des Layennes, etc.) ne sont classés dans aucune catégories de risques majeurs. Et pourtant l’incendie au Daka de Médina Gounass en 2017 est assez révélateur. Il y a quelques années, le Magal de Touba avait enregistré, selon certaines statistiques, plus de trois millions de pèlerins. La ville était-elle assez préparée pour accueillir autant de monde sur un espace aussi réduit (mouvements de foule, panique, incendie, etc) ? A coup sûr pas aujourd’hui plus qu’hier. Pourquoi ne pas agir avant qu’il ne soit trop tard ?
La gestion de ces événements ne devrait-elle pas aller au-delà des questions classiques relatives la disponibilité de l’eau et de l’électricité, au transport, à l’hébergement et à la restauration des participants ainsi qu’au maintien de l’ordre. Elle commande l’élaboration de plans particuliers. Pourquoi pas des plans de contingence ou des plans d’organisation de mise en sureté (Pomse) ?
L’université Cheikh Anta Diop de Dakar compterait près de 100 000 étudiants sans aucune forme de contrôle pour des accès; même pas quand le Sénégal avait décidé, face au risque terroriste, de filtrer l’entrée de certains lieux publics.
Les intempéries du 30 juillet ont mis à nu une vulnérabilité qui aurait pu compromettre les élections législatives du 31 juillet et plonger le pays dans un chaos politique jamais égalé.
Le Sénégal n’a pas élaboré depuis 2008 de plan de contingence, c’est-à-dire ce dispositif qui permet de préparer et de mettre en œuvre en temps une réponse coordonnée afin de minimiser les conséquences des risques majeurs.
Aucune ville sénégalaise ne dispose de plan communal de sauvegarde. Pour insister sur le niveau de précision de cet outil, à la question à un Maire d’une petite commune de Franche-comté (France) sur la fiabilité de son plan communal de sauvegarde, il avait répondu :
j’ai révisé mon plan quant suite à une rupture de barrage un soir, j’ai déclenché l’alerte pour que toutes les familles susceptibles d’être impactées puissent rejoindre les locaux de la Mairie où était érigé le point de rassemblement. A la levée de l’alerte, il a été constaté qu’une maison mitoyenne à la mairie était restée fermée et ces occupants n’étaient pas sortis. Après vérification, il s’est révélé que la maison était occupée par un couple de malentendants qui naturellement n’avait pas été alerté. C’est ce jour que j’ai compris que le plan communal devait être actualisé.
Quel Maire sénégalais pourrait arriver à ce niveau de précision ? A l’inverse, un chef d’entreprise de la sous-région fier de montrer son issue de secours au cours d’une formation découvrit avec nous que les escaliers avaient été transformés en débarras et complément obstrués.
A force d’alerter, j’ai compris que beaucoup commencent à prendre peur, ce qui n’est pas l’effet recherché. Il ne s’agit pas non de jeter l’anathème sur l’État, mais plutôt d’inviter chacun à assumer enfin sa part de responsabilité pour renforcer la résilience de notre pays qui est loin d’avoir les moyens et l’expertise de s’inscrire dans une logique de gestion de crise. Est-il besoin de rappeler ici, que la pauvreté s’accommode difficilement des risques majeurs.
Papa Ousmane SECK
Formateur Rme, Membre de l’institut français des Formateurs risques
majeurs et protection de l’environnement (Ifforme),
président de l’Association urgence et développement (Aud)
BP 6432-Dakar- Étoile
Email : poseck@yahoo.fr